Qui achètera la réplique du trône de Bokassa Ier ?

Le 26 mai prochain, dans le département français d’Indre-et-Loire, se tiendra une vente aux enchères de l’unique réplique à taille réelle du trône de l’empereur Jean-Bedel Bokassa. Le ministère centrafricain de la Culture va-t-il y participer ?

 © Damien Glez
© Damien Glez

Où s’arrête la soif de témoignages historiques et où commence le fétichisme, voire le culte d’époques heureusement révolues ? En décembre 1977, au Palais des sports de Bangui, l’ubuesque Jean-Bedel Bokassa se sacrait lui-même « Bokassa Ier », empereur de Centrafrique, en prélude d’un règne de triste mémoire. Le décorum était napoléonien, de la cape écarlate à traîne de 12 mètres de long jusqu’au trône représentant un aigle majestueux.

Des ateliers français ont réalisé depuis l’unique réplique de ce trône – dégradé – de l’empereur centrafricain, à taille réelle de trois mètres de haut, entièrement sculptée dans de l’acajou massif et dorée à la feuille. Ce 26 mai, cette copie sera mise aux enchères, au prix de départ de 10 000 euros, par la Maison Rouillac, en France, au château d’Artigny.

Si le défi technique de la fabrication de la copie est intéressant du point de vue du savoir-faire artisanal, la justification de la fabrication peut interroger, quand on regarde le parcours de l’objet. Il fut notamment exposé au Palais Vivienne du collectionneur controversé Pierre-Jean Chalençon ou au Château des Princes de Condé, au milieu de sièges qui inspirent peu le recueillement historique, comme celui de la série de fiction Game of Thrones.

Pourquoi une réplique ?

Sans préjuger de la destination des fruits des enchères, on peut également s’étonner de l’association du double du trône de Bokassa, le jour de la vente, avec le scooter de François Hollande, objet témoin des frasques extra-conjugales de l’ancien président français. À confronter les histoires avec un grand « H » et un petit « h », ne risque-t-on pas de banaliser certains épisodes malheureux ?

La légitimité de l’objet vient peut-être du fait que l’original serait très dégradé, les composants de valeur ayant été pillés et la structure métallique étant rouillée. La communication de l’événement précise d’ailleurs que le ministère de la Culture de Centrafrique serait intéressé par une exposition de la « reconstitution » du trône au musée national Barthélemy-Boganda de Bangui.

Pour stigmatiser définitivement le surréalisme dangereux du règne de Bokassa ? Certains nostalgiques voudraient moins dénoncer que réhabiliter… Le premier petit-fils de l’empereur, Jean-Barthélémy Bokassa, se serait intéressé également à la copie du trône, en attestant de sa fidélité à l’original.

Le fils et ancien ministre Jean-Serge Bokassa souhaiterait rapatrier la pièce en Centrafrique. Il envisagerait la création d’un musée dédié à son père. Si le trône n’est pas acquis par un acheteur anonyme, l’issue de la vente dira l’usage plus ou moins pédagogique qui en sera fait.

Avec Jeune Afrique par Damien Glez, Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

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