En Russie, les voix d’opposition bannies d’Internet

Alexeï Navalny et Garry Kasparov lors d'une manifestation contre les fraudes électorales en mars 2012, à Moscou. (Photo Sergei Karpukhin. Reuters)

Alexeï Navalny et Garry Kasparov lors d’une manifestation contre les fraudes électorales en mars 2012, à Moscou. (Photo Sergei Karpukhin. Reuters)

RÉCITA l’approche du référendum en Crimée, les autorités ont fermé depuis plusieurs sites, dont ceux de Navalny et de Kasparov.

«La page est bloquée par décision des autorités de votre région.» Depuis jeudi soir, plusieurs sites internet ont vu leur accès suspendu sur ordre de l’autorité russe du contrôle des médias, Roskomnadzor. Cette dernière a pour mission de lutter contre l’extrémisme sur la Toile en traquant les «appels à des activités illégales, à la participation à des manifestations en violation de l’ordre établi». «On assiste à un véritable ratissage des médias libres sur internet. Rien de bon ne nous attend.» Ioulia Berezovskaïa, directrice du site Grani.ru, se désole, tout comme la frange libérale et ultraconnectée de la population russe.

Parmi les sites incriminés, ceux de deux figures très hostiles au Kremlin: le virulent Alexeï Navalny, ancien candidat à la mairie de Moscou, et l’ancien maître des échecs Garry Kasparov. Le premier, placé en résidence surveillée depuis le mois dernier – il est visé par plusieurs enquêtes judiciaires –, se retrouve privé d’Internet, l’outil qui l’a propulsé figure de proue de l’opposition. Ses deux blogs, dont l’un était hébergé sur le site de la radio Echo de Moscou, sont aujourd’hui inaccessibles.

L’accès à Kasparov.ru est lui aussi bloqué, hébergeant des contenus jugés indésirables. Le peu poutino- compatible Grani.ru est quant à lui invisible depuis une adresse IP russe. «Les principaux sites d’information d’opposition ont tout simplement été rayés d’Internet en Russie. Bienvenue en Chine», écrit Kasparov sur Twitter.

Ce contrôle est rendu possible par une loi entrée en vigueur le 1er mars et qui permet de suspendre la diffusion d’un site sur ordre d’un procureur et sans décision d’un tribunal. «Beaucoup de contenus Internet sont jugés extrémistes selon des critères difficiles à cerner, parce que ces questions se décident dans les bureaux de procureurs de district où règne une ignorance totale», commente Alexandre Verkhovski, directeur du centre d’études Sova, cité dans The New Times, magazine indépendant ayant pour habitude de torpiller le pouvoir russe.

Ces décisions de Roskomnadzor interviennent après la mise-à-pied de la rédactrice en chef de Lenta.ru, le média en ligne le plus consulté du pays. Motif: «diffusion de matériaux à caractère extrémiste». Le site avait diffusé un entretien avec un membre de Pravy Sektor, mouvement radical ultranationaliste ukrainien en première ligne des affrontements sur la place de l’Indépendance, à Kiev. Un mouvement régulièrement montré du doigt par le Kremlin – la Russie a lancé un mandat d’arrêt international contre son leader, Dmitri Iaroch.

Ce renforcement du contrôle d’Internet, en pleine crise ukrainienne, est perçu par l’opposition et par des observateurs comme une tentative de bannir contrepoints et analyses alternatives. La télévision câblée Dojd, qui revendique une indépendance de ton, a consacré de nombreuses heures d’antenne à la crise politique à Kiev. Elle se retrouve aujourd’hui au bord de la fermeture, privée de ses principaux opérateurs.

Le Point.fr par Étienne BOUCHE Intérim à Moscou

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Une Réponse to “En Russie, les voix d’opposition bannies d’Internet”

  1. Bouesso Says:

    Pauvre liberté quand toujours bâillonnée…

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