Le bateau de l’ONG espagnole compte toujours 107 personnes à bord. ALESSANDRO SERRANO/AFP
Un procureur italien a ordonné mardi le débarquement en Sicile des migrants recueillis par l’Open Arms et la mise sous séquestre du navire de l’ONG espagnole. Ce dernier est bloqué en mer depuis 19 jours, après l’interdiction du ministre de l’Intérieur, Matteo Salvini, d’accoster en Italie.
La justice italienne a ordonné mardi le débarquement à Lampedusa, en Sicile, des migrants recueillis par l’Open Arms et la mise sous séquestre de ce navire espagnol, a-t-on appris de sources judiciaires. Le procureur d’Agrigente, Luigi Patronaggio, après une inspection de la police judiciaire et de deux médecins, a décidé que compte tenu de la situation difficile à bord, les rescapés devaient être débarqués dans les prochaines heures sur la petite île sicilienne.
Le procureur a pris aussi la décision de mettre préventivement sous séquestre le navire de l’ONG espagnole Proactiva Open Arms, dans le cadre d’une enquête contre X pour séquestration de personnes, omission et refus d’actes officiels, dont le ministre de l’Intérieur Matteo Salvini a affirmé, sur Facebook, qu’elle le vise directement. «Si quelqu’un pense me faire peur avec la énième plainte et demande de procès, il se trompe. Ce serait une blague d’être parvenu à convaincre l’Espagne d’envoyer un navire (pour récupérer les migrants) et maintenant d’oeuvrer à les faire débarquer en Italie et faire juger le ministre de l’Intérieur qui continue de défendre les frontières du pays», a-t-il dit sur Facebook.
La décision du procureur a été annoncée peu de temps après le départ d’Espagne d’un navire militaire sur lequel étaient censés être transbordés la centaine de migrants encore à bord de l’Open Arms. Madrid avait pris cette décision après qu’une dizaine de migrants s’étaient jetés à l’eau dans un geste désespéré pour rallier à la nage l’île italienne. Le Figaro fait le point.
- Situation tendue à bord
Les conditions de vie à bord du navire humanitaire se compliquent a indiqué l’ONG dans un communiqué publié lundi, évoquant une «situation de grave crise psychologique à bord». 27 mineurs non accompagnés ont toutefois pu débarquer samedi mais un peu moins de 100 personnes, secourues le 1er août, restent coincées à bord. Quatre migrants se sont jetés à l’eau dimanche, tentant désespérément de rejoindre la terre ferme. Deux jours plus tard, ce mardi, quinze migrants, certains sans gilets de sauvetage, ont tenté de rallier Lampedusa à la nage. Selon une porte-parole de l’ONG, ils ont été «secourus» par les garde-côtes italiens et amenés sur l’île. «La situation est hors de contrôle», a indiqué sur Twitter l’ONG
Proactiva Open Arms publie régulièrement sur les réseaux sociaux des photos ou des vidéos illustrant les conditions dramatiques et angoissantes dans lesquelles vivent ces personnes, au bout de 19 jours de navigation.
- L’Italie a-t-elle le droit d’interdire à l’Open Arms d’accoster?
«L’Italie utilise des moyens légaux, analyse Me François de Cambiaire, avocat qui est intervenu sur le dossier de SOS Méditerranée. Pour interdire l’accès à ses ports, le pays invoque la menace à l’ordre public, affirmant qu’il y a des migrants en situation illégale et qu’il faut donc leur restreindre l’accès au territoire». Le droit maritime oblige pourtant les pays les plus proches, géographiquement, de permettre aux bateaux de débarquer quand ils sont en situation de détresse.
«Mais les textes internationaux laissent l’appréciation d’une situation de détresse aux pays d’accueil, explique l’avocat. L’Italie affirme qu’il n’y a plus de personnes en situation de détresse à bord parce que les plus fragiles ont été prises en charge et amenées dans le pays au compte-gouttes. C’est très difficile à contester». Il n’est donc pas possible, d’après Me François de Cambiaire, d’affirmer que la décision de l’Italie est illégale.
«Les ONG agissent en toute conformité avec le droit international et le droit maritime, indique l’avocat. L’organisation Open Arms a donc saisi la justice italienne pour pouvoir contester un décret de Matteo Salvini qui interdisait le bateau d’entrer dans les eaux territoriales italiennes. Cela ne l’autorise toutefois pas à accoster dans le port».
- Tensions entre l’Espagne et l’Italie
Dans ce contexte, la ministre de la Défense espagnole a haussé le ton face à l’Italie lundi, accusant Salvini de vouloir tirer profit politiquement de cette situation. Le ministre de l’Intérieur poursuit en effet sa politique de fermeté alors que le pays traverse une importante crise politique qu’il a lui-même déclenchée en faisant exploser la coalition au pouvoir.
Prenant acte du refus de Rome d’accueillir ces exilés, l’Espagne a proposé dimanche au navire de débarquer à Algésiras, dans l’extrême sud de l’Espagne. Une solution que l’ONG a jugée «irréalisable». Le gouvernement espagnol a alors suggéré Majorque (île des Baléares) comme alternative, plus proche mais toujours distante d’un millier de kilomètres de Lampedusa.
«Alors que notre bateau est à 800m des côtes de Lampedusa, les États européens demandent à une petite ONG comme la nôtre de faire face (…) à trois jours de navigation dans des conditions climatiques hostiles», a déclaré l’ONG dans son communiqué, manifestant son incompréhension. «La réponse que nous leur avons donnée est que nous ne pouvons pas garantir la sécurité de ces personnes sur notre bateau. Vu que l’Italie et l’Espagne ont assumé la responsabilité de ces personnes, qu’ils trouvent des solutions», a-t-elle complété. Finalement, le gouvernement espagnol a annoncé mardi qu’il envoyait un bateau militaire récupérer les exilés présents à bord de l’Open Arms. Le navire Audaz «partira cet après-midi à 17h00, naviguera pendant trois jours jusqu’à Lampedusa où il prendra en charge les personnes recueillies par l’Open Arms» et les transportera jusqu’au port de Palma de Majorque dans les Baléares, a indiqué le gouvernement dans un communiqué.
Mardi, en fin d’après-midi, la justice italienne a finalement tranché en faveur du débarquement immédiat des migrants de l’Open Arms à Lampedusa. Le procureur italien a pris aussi la décision de mettre préventivement sous séquestre le navire de l’ONG espagnole Proactiva Open Arms, dans le cadre d’une enquête contre X pour séquestration de personnes, omission et refus d’actes officiels, dont le ministre de l’Intérieur Matteo Salvini a affirmé, sur Facebook, qu’elle le vise directement.
«Si quelqu’un pense me faire peur avec la énième plainte et demande de procès, il se trompe. Ce serait une blague d’être parvenu à convaincre l’Espagne d’envoyer un navire (pour récupérer les migrants) et maintenant d’oeuvrer à les faire débarquer en Italie et faire juger le ministre de l’Intérieur qui continue de défendre les frontières du pays», a-t-il dit sur Facebook.
- Accord prévu entre pays européens
La Commission européenne a appelé «tous les États membres à coopérer et trouver une solution qui fonctionne et qui permette de débarquer les gens à bord de l’Open Arms dans les plus brefs délais» tout en félicitant l’Espagne pour sa «bonne volonté». Un accord est en effet prévu entre pays européens afin de répartir ces naufragés, après leur débarquement, entre la France, l’Allemagne, le Luxembourg, le Portugal, la Roumanie et l’Espagne. La France s’est engagée à accueillir 40 personnes si elles sont «en besoin de protection», c’est-à-dire si elles remplissent les conditions pour obtenir le statut de réfugié.
Par Le Figaro.fr avec AFP agence
Étiquettes : Débarquement, Italie, Lampedusa, Open Arms
août 21, 2019 à 10:23 |
Une mesure salutaire