Hommage au professeur Jean-Pierre Makouta-Mboukou: 17 juillet 1929 – 9 octobre 2012

Jean-Pierre Makouta-Mboukou était une sommité intellectuelle inégalable des lettres congolaises, qui a su forger par ses facultés et son intelligence une fière réputation de sa personne.

Professeur Jean-Pierre Makouta-Mboukou 1929-2012

Professeur Jean-Pierre Makouta-Mboukou 1929-2012

Né le 17 juillet 1929, à Kindamba-Boko avant l’exposition coloniale de 1931, année de la naissance de Lin Lazare Matsocota avec qui il partageait la passion de la culture, s’admirant réciproquement, sauvé in extremis lors des assassinats communistes de 1965. Ce grand homme, dont nous saluons la mémoire ici, était un bouquet honorable de bel arôme assorti de beaux écrits dont la qualité distinguable de la recherche, le porta sur le piédestal des hautes distinctions dans le concert des nations et des temples du savoir.

L’auteur des Éxilés de la forêt vierge, P.J Oswald, Paris, 1974,  roman distingué par le prix d’Afrique noire francophone, lui ayant permis de se faire connaître au grand public,  a brillamment et verticalement traversé la littérature, de bas en haut, avec les ailes de la plume, versant et semant, au gré du temps – dans tous les horizons – les graines de la connaissance tout en arrosant sous la mouvance du vent, les ondes fécondes de son intelligence, qui prenaient racines dans les profondeurs de la moelle des universités qui en délectent encore la substance.

Cueillant avec dextérité de ses deux mains les diplômes qu’il chargeait dans sa besace d’étudiant assidu et érudit. Jean-Pierre Makouta-Mboukou avait « makoutarisé », morceaux par morceaux, en petits « mboukou », les diplômes, ses quatre doctorats: Doctorat de Spécialité (Linguistique Comparée); Doctorat d’État ès-Lettres (Linguistique Descriptive); Doctorat d’État è-Lettres (Littérature Française et Comparée); Doctorat ès-Sciences Religieuse (Théologie Protestante), et surtout la connaissance poétique lui donnant ses lettres de noblesse dans l’un de ses ouvrages majeurs : « Les grands traits de la poésie Negro-Africaine »(Histoire-Poétiques-Significations) NEA 1985.

L’on retiendra également parmi ses ouvrages : L’introduction à la littérature noire, Ed. C.L.E,Yaoundé, 1970; Les Initiés (Nouvelle) C.L.E, Yaoundé, 1970; En quête de liberté (Roman), C.L.E, Yaoundé, 1970; L’âme bleue (Poème) C.L.E, Yaoundé, 1971; Le contestant, (Roman), La Pensée Universelle, Paris, 1973; La cantate de l’ouvrier (Poème), P.J.Oswald, Paris, 1974; Le français en Afrique noire, Ed.Bordas, Paris, 1973; Jacques Roumain : Essai sur la signification spirituelle et religieuse de son œuvre; Et l’homme triompha (Roman), Presses de la Fondation du Prix Mondial de la Paix, Paris, 1983; Les dents du destin, N.E.A, Abidjan, 198; (La destruction de Brazzaville ou la démocratie guillotinée – Paris 1999) etc.

Dans la dualité de son prénom Jean-Pierre, il était Jean, un initié de la forêt vierge et il était Pierre, un roc qui n’acceptait pas les trocs de la conscience. Un pur citoyen. Un vrai.

Quand à l’aube dans les prémisses du matin, avec son visage de belle image sans âge d’éternelle jeunesse, il était dans la peau d’Homère, déclamant une poésie épique, arrivé au zénith de la faim, il rentrait dans celle de Victor Hugo, l’humaniste, avant de se ranger le soir de la vie dans celle d’Ovide qui est mort en exil.

L’écho de son enseignement continue de résonner dans la conscience des Alma Mater d’Abidjan, de Yaoundé, de Dakar, de Paris et de Brazzaville où sa voix de magister aux nombreuses charges émotives distillent encore dans les chaires de littérature les particules de ses ondes vibratoires et admirables.

Jean-Pierre Makouta-Mboukou était un chercheur, un professeur émérite et éclectique, constant et performant mais aussi un académicien de renommé international.

Dans le souci de transmettre la connaissance qu’il avait accumulée au regard de ses diplômes, il a été le premier congolais à pouvoir créer une université dans son pays : Université libre du Congo.

Homme digne, ce bonus pater familias était aimable et affable, humble, respectable et sociable. « Makoutas » comme aimait l’appeler les uns dans la discrétion honorable de son âge, ce patriarche congolais était un singulier protestant hors-classe. Certains étudiants, sortis de l’université, devenus collaborateurs dans les arènes des associations autour des discussions, prenaient parfois le plaisir et l’audace de se mesurer à lui, quand ils avaient obtenu le moindre diplôme en poche. L’enseignant fort de son acabit riait tout en comprenant l’illusion de l’élève devant le père académique.

Intègre sans les intègres, lucide sans les lucides, il avait cru à cette philosophie du développement intégral dans la lumière profonde de sa pensée occultée par l’incompréhension manifeste d’un entourage en marge de sa droiture.

Résistant, aux petites épaules d’acier derrière des lunettes blanches carrées, il bravait, sans risque de périr, dans sa résidence de la route du Djoué à Bacongo et celle de l’avenue de l’Oua à Bifouiti, les obus, les bouclages et les blocages de nouveaux régimes de la dictature et de la démocratie congolaise.

Homme légendaire aux correspondances éminemment étonnantes, avait parcouru 25 km dans son enfance pour partir à l’école afin de s’instruire, a passé 25 ans d’exil, a commencé ses études doctorales à l’âge de 25 ans, dans la belle métaphore de 25 balais.

Jean-Pierre Makouta-Mboukou que j’avais rêvé le mardi 7 août 2012, m’annonçant par ceux qui l’encadraient qu’il était mort et suivaient son corbillard à pied alors qu’il était encore vivant, marchant au milieu d’eux, m’envoyait un message d’alerte pour la préparation de sa mort survenue deux mois après, le lundi 9 octobre 2012, à l’âge 83 ans, à l’hôpital de Pontoise, à Paris.

La nation lui a rendu un hommage solennel à l’Assemblée nationale, lu par le professeur Fidèle Mialoundama, qui a rappelé les qualités et fonctions de l’homme, en présence des membres du Sénat où il fut ancien Vice-président de cette institution, des représentants du gouvernement, de ceux de ses amis et connaissances ainsi que de sa famille biologique et politique.

Que son âme repose en paix, ce mardi 16 octobre 2012 dans le caveau familial au village de Kimpouomo où fut enterré aussi son ami Lin Lazare Matsocota !

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Bernard NKOUNKOU

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