Des citoyens se préparent au pire à Taïwan

Des citoyens forment une ligne et visent avec des armes de poing.

Des Taïwanais s’exercent au maniement d’armes à feu dans le cadre d’une formation destinée aux citoyens. Photo : Radio-Canada/Philippe Leblanc

La guerre en Ukraine et les tensions avec la Chine font peur à de nombreux Taïwanais qui se ruent sur les formations de maniement d’armes et de premiers soins. La Chine considère la petite île comme une partie de son territoire et promet de la reprendre.

Par un samedi matin suffoquant et collant à Taipei, dans un vieil entrepôt désert à la peinture défraîchie, une vingtaine de Taïwanais en tenue de sport manipulent des pistolets pour la première fois de leur vie.

Inspirés par la résistance ukrainienne et alarmés par la menace constante d’invasion chinoise, ils ont choisi d’apprendre les rudiments du maniement d’armes et de pratiquer leur tir avec des balles de plastique.

Welly Huang n’a aucunement l’air d’un guerrier. Il porte ses souliers de course habituels et un simple chandail bleu. Cet ingénieur est attentif. Il participe à cette formation avec sa famille en tête.

Si on se fie à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, c’est une bonne chose de se préparer et de se tenir au courant des plans de mobilisation et de défense du gouvernement, explique Welly Huang. Comme j’ai une famille, deux enfants, j’apprends à les protéger. Je dois le faire si la guerre inévitable devait arriver.

Dans un sondage effectué au mois de mai, plus de 60 % des Taïwanais disaient être prêts à prendre les armes pour défendre l’île contre la Chine. Mais Welly Huang doute de ces chiffres.

« Je pense qu’il n’y a que peu de gens qui sont vraiment prêts à défendre notre île. Peut-être que la majorité serait prête à se rendre. Mais Taïwan est une petite île, ce n’est pas l’Ukraine. Vous ne pouvez pas venir ici en voiture. Ça joue pour nous. »— Une citation de  Welly Huang

À côté de lui, Wang Ying-jie pratique aussi son tir et écoute les conseils des enseignants, d’anciens militaires taïwanais. Elle porte un chandail à l’effigie de Franklin, personnage réfléchi et intelligent de la bande dessinée Charlie Brown.

Wang Ying-jie a des yeux espiègles qui cachent mal sa détermination. Elle n’hésitera pas à se défendre en cas d’invasion. Ce cours de base la rend déjà plus confiante en ses capacités.

Je ne veux pas avoir à le faire, mais je me défendrai, dit-elle. Je pense que je serais capable d’appliquer ce qu’on apprend ici. Les enseignants nous donnaient des informations claires et précises.

Ailleurs à Taipei, une autre fin de semaine, des hommes en vêtement d’armée courent avec des armes automatiques. Ils pratiquent une formation de guerre. Des cours plus poussés de guérilla urbaine sont offerts par l’organisation Polar Light Training.

La Chine compte 10 fois plus de soldats que Taïwan et 4 fois plus d’avions de chasse. Mais pour beaucoup de Taïwanais, la guerre en Ukraine prouve qu’ils pourraient résister eux aussi.

Les inscriptions à tous les types de formation de maniement de guerre et de protection du territoire offerts aux civils ont quadruplé depuis le début de la guerre en Ukraine qui exacerbe le sentiment de crise à Taïwan.

« Chaque fois que l’actualité rapporte l’augmentation des tensions entre la Chine et Taïwan, nous voyons le nombre d’inscriptions augmenter. La moitié des participants citent ces tensions comme motivation à suivre nos cours. D’autres parlent plutôt de la guerre en Ukraine. »— Une citation de  Shen Zhi-liang, entraîneur de la formation de base de maniement d’arme

Dans un petit centre communautaire moderne situé derrière une église du centre-ville de Taipei, des dizaines de participants jouent aux médecins de fortune.

Un groupe autour d'un homme allongé.

Un groupe s’entraîne à donner les premiers soins pour des blessés. Photo : Radio-Canada/Afore Hsieh

Vivre avec la menace sans pour autant être terrorisé

Les formations de premiers soins en temps de guerre sont aussi courues. Dans ces cours pratiques de quelques heures offerts chaque samedi matin cet été, les participants apprennent à arrêter un saignement abondant en appliquant de la pression ou en posant un garrot. On leur enseigne aussi quelques techniques d’évacuation rapide des blessés.

« Si la Chine nous attaque, il y aura beaucoup de blessés. Je veux pouvoir faire ma part. Ce n’est pas compliqué de savoir comment faire de la pression sur une plaie ou évacuer des blessés. On nous a aussi donné des exemples pour rester calmes en cas d’urgence. Je me sens un peu plus brave après ce cours. »— Une citation de  Jo Yi Shao

La menace d’invasion chinoise fait partie du quotidien à Taïwan depuis longtemps. Les craintes et inquiétudes sont omniprésentes, mais pas paralysantes. On ne peut pas parler de terreur ou de Taïwanais terrifiés.

Ça ne nous empêche pas de vivre, soutient Enoch Wu de Forward Alliance qui organise les formations de premiers soins. Nous nous occupons de nos familles et nous allons travailler, mais nous avons toujours la menace d’invasion à l’esprit. C’est une menace nationale.

À la formation sur le maniement d’armes de poing, Welly Huang partage cette vision de la menace d’invasion chinoise.

Je ne peux pas dire que je suis inquiet en permanence, chaque jour. Je dois juste vivre et me réaliser avec cette menace. Mais je sais que cette invasion arrivera éventuellement. Peut-être dans un an, peut-être dans cinq ans.

Il croit qu’il ne peut que se préparer. Il compte continuer à pratiquer son tir.

Notre correspondant en Asie Philippe Leblanc sera basé à Taïwan pour les prochains mois, afin de nous faire découvrir cette île de près de 24 millions d’habitants, sa société et les défis qui l’animent. Et aussi afin de couvrir les enjeux d’actualité de toute la région Asie-Pacifique.

Avec Radio-Canada par Philippe Leblanc

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