Pour Pâques, préférez-vous des œufs au cacao ou en cuivre ? Le premier coûte maintenant plus cher que le second sur les marchés boursiers. Explications.
Certains préfèrent les poules, d’autres les lapins. D’autres encore ne jurent que par les œufs ou les rochers. À Pâques, (presque) tout le monde fond pour le chocolat. Mais cette année, il pourrait vous coûter plus cher.
En particulier si vous craquez habituellement pour les best-sellers. Selon l’UFC-Que choisir, les Kinder Surprise spécial Pâques coûtent en rayon 11 % plus cher cette année, pour un prix au kilo de 56 euros. Le lapin Lindt chocolat au lait a grimpé de 6 %, pour atteindre 39 euros le kilo. Les petits œufs Milka ont augmenté de 8 %.
Le cacao dépasse 10 000 euros la tonne
Pour justifier ces hausses, les industriels mettent en avant l’envolée des cours du cacao sur les marchés boursiers de New York et de Londres. « L’an dernier, le cacao était en moyenne à 2 400 euros, un prix stable depuis dix ans », précise Christophe Eberhart, cofondateur du fabricant de chocolat Ethiquable. C’est à partir d’octobre, début de la seconde récolte annuelle, que Ie marché a commencé à monter.
Les prix ont ensuite doublé sur les trois derniers mois pour dépasser, cette semaine, la barre des 10 000 euros la tonne de fèves non transformées. C’est plus cher que la tonne de cuivre ! C’est aussi le plus haut jamais atteint pour cette denrée. En parallèle, le sucre, additif souvent très présent dans le chocolat, voit lui aussi son prix au plus haut depuis treize ans.
La météo entraîne une baisse des récoltes de cacao
Ces cours de Bourse stratosphériques s’expliquent, en partie, par les mauvaises conditions météorologiques. Des pluies intenses puis un épisode de forte chaleur se sont succédé dans les pays du golfe de Guinée depuis l’an dernier. Résultat, le Ghana devrait connaître sa plus faible récolte en quatorze ans, et la Côte d’Ivoire s’attend à une baisse de production de 20 %, note L’Agefi. Or ces deux pays totalisent en temps normal plus de 60 % de la récolte mondiale.
Pour la récolte réalisée entre novembre 2023 et mars 2024, le déficit mondial serait de 390 000 tonnes, soit 10 % de la production habituelle. La spéculation boursière participe également à la hausse des cours. Cela profite aux fonds d’investissement du type hedge funds qui, depuis l’an dernier, ont acheté pour 8,7 milliards de dollars de fèves, pariant sur une hausse.
Conséquence, certains fabricants voient leurs coûts de production grimper. « Chez Ethiquable, cela représente une hausse de 20 centimes par tablette, indique Christophe Eberhart. Mais, par engagement solidaire, nous achetions la tonne de cacao à 4 200 euros aux producteurs locaux. » Pour ceux qui achètent la matière première aux cours du marché, l’impact est encore plus important.
Des cacaoyers fragilisés par le réchauffement climatique
D’autres fabricants assurent ne pas subir cette hausse. « Nous avons acheté notre cacao avant octobre 2023, explique Paul-Henri Masson, cofondateur du Chocolat des Français. Mais nous devrons refaire nos stocks pour Noël prochain. Si les cours ne diminuent pas d’ici là, nous serons nous aussi touchés. »
Le changement climatique interroge sur la capacité du marché à faire baisser les cours. Il rend plus fréquents les champignons, les insectes ravageurs et les maladies qui affectent les cacaoyers d’Afrique de l’Ouest. Une partie des arbres plantés dans la région ont plus d’une vingtaine d’années, ce qui les rend moins résistants. De plus en plus de cultivateurs locaux de cacao préfèrent se tourner vers la culture du palmier à huile ou de l’hévéa. Ce constat fait dire à Christophe Eberhart, de chez Ethiquable, que « la production de la Côte d’Ivoire et du Ghana pourrait connaître une phase descendante à l’avenir ».
L’Amérique latine au chevet de la demande mondiale
Une région du monde devrait tirer avantage de cette situation pour gagner des parts de marché. « Les difficultés rencontrées par les géants africains ne devraient faire que renforcer la part relative de l’Amérique latine », estime le cabinet de conseil Global Sovereign Advisory (GSA) dans une note, citée par Les Échos.
Ironie de l’histoire, le cacaoyer est une espèce originaire d’Amazonie. Mais à partir des années 1920, le continent africain prend le leadership de la culture d’or brun. Dans les années 1990, le Brésil perd même sa place de deuxième producteur mondial. Ses cacaoyers sont alors dévastés par une maladie surnommée « balai de la sorcière ».
Aujourd’hui, la production brésilienne se rétablit et le gouvernement brésilien prévoit que la production pourrait doubler d’ici 2030. L’Équateur est, lui, déjà le troisième producteur mondial, et affiche des niveaux de production plus élevés d’année en année. Sans tutoyer encore ceux du Ghana et de la Côte d’Ivoire.
Avec Le Point par Nicolas Guarinos