La procureure générale de l’État de New York, Letitia James, en conférence de presse après le jugement ordonnant à Donald Trump de payer 355 millions de dollars américains plus intérêts. Photo : (David Dee Delgado/Reuters)
La procureure générale de l’État de New York, Letitia James, a fait un premier pas vers une éventuelle saisie de biens appartenant à l’ex-président américain Donald Trump dans la foulée de sa condamnation pour une série de fraudes financières au sein de la Trump Organization.
Au début du mois, le bureau de la procureure générale a formellement notifié le greffe du comté de Westchester de la décision rendue contre l’homme d’affaires, selon ce que révèlent les documents du greffe du comté dont font état jeudi plusieurs médias américains.
C’est dans ce comté que se trouvent le domaine Seven Springs de Donald Trump ainsi qu’un de ses clubs de golf privés.
L’enregistrement officiel auprès du greffe d’un comté est l’étape préliminaire suivie par un créancier en vue d’une éventuelle saisie de biens qui se trouvent dans cette division territoriale.
Le fait que l’équipe de Letitia James ait franchi cette étape dès le 6 mars, trois semaines avant la date limite à laquelle Donald Trump doit se conformer au jugement rendu par le juge Arthur Engoron, semble indiquer qu’elle est disposée à agir rapidement si le magnat de l’immobilier s’avère incapable de respecter la décision du tribunal.
Il y a un mois, le juge Engoron, de la cour de l’État de New York à Manhattan, a condamné l’ancien président américain, qui aspire à reconquérir la Maison-Blanche, à payer 354,9 millions de dollars américains, plus des intérêts avoisinant les 100 millions, pour avoir frauduleusement surestimé la valeur nette de ses avoirs dans le but de tromper ses créanciers.
Le jugement était déjà formellement consigné à New York, où se trouvent plusieurs propriétés phares de Donald Trump, comme la Trump Tower de la 5e Avenue, le 40 Wall Street, aussi appelé Trump Building, de même que le Trump International Hotel & Tower.
Il a jusqu’au 25 mars pour se plier au jugement, à moins que la division d’appel de la Cour suprême de l’État de New York, vers laquelle il s’est tourné, vienne à son secours en repoussant l’échéance de paiement.
Théoriquement, la procureure générale de l’État de New York pourrait donc enclencher dès lundi la procédure légale de saisie des comptes bancaires et des biens matériels de Donald Trump à Manhattan et à Westchester, procédure qui comporte plusieurs étapes.
En entrevue au réseau ABC le mois dernier, Mme James avait indiqué qu’elle entendait enclencher le mécanisme juridique menant à la saisie des biens de Donald Trump s’il n’avait pas les fonds pour respecter le jugement.
Nous sommes prêts à faire en sorte que [le montant prévu dans] le jugement soit payé aux New-Yorkais, et oui, je regarde le 40, Wall Street tous les jours
, a-t-elle affirmé.
Des « difficultés insurmontables » pour obtenir une caution
Donald Trump, lors de son procès civil à New York pour fraude fiscale, le 11 janvier 2024 Photo: Getty Images
À défaut de s’acquitter des pénalités avoisinant un demi-milliard de dollars, Donald Trump, qui a fait appel de sa condamnation, peut obtenir un type de prêt appelé caution d’appel
, la voie qu’il a choisie, mais qu’il se dit incapable d’obtenir.
Il s’agit d’une garantie de paiement fournie par une ou des sociétés de cautionnement advenant que le défendeur perde son appel et soit incapable de verser la pénalité. En échange, ce dernier s’engage à fournir à la société des garanties et à lui verser une commission pouvant atteindre, selon le New York Times, 3 % du montant de la caution.
Plus tôt cette semaine, ses avocats ont réclamé un sursis de paiement à la division d’appel de la Cour suprême de l’État de New York afin d’empêcher l’État de saisir ses biens. Il est « pratiquement impossible » pour leur client de fournir la garantie exigée, ont-ils argué dans un document de cour, évoquant des difficultés insurmontables
.
Mercredi, Letitia James a rétorqué que si M. Trump s’avérait incapable d’obtenir une garantie auprès d’une seule société de cautionnement, il pourrait tenter d’en obtenir plusieurs pour des montants inférieurs auprès d’un plus grand nombre de sociétés.
Les avocats de Donald Trump ont balayé cette solution du revers de la main jeudi, la qualifiant d’illogique
, d’inconstitutionnelle
, d’impraticable
et d’injuste,
selon ABC News.
Fin février, un juge de la cour d’appel avait déjà refusé de consentir au candidat républicain un délai pour la mise en œuvre du jugement financier, tout comme il avait rejeté sa requête d’abaisser la caution à 100 millions de dollars américains.
Les intérêts augmenteront de quelque 112 000 $ US par jour jusqu’à l’acquittement des pénalités.
Celles-ci ne correspondent pas à une amende, mais à la valeur estimée de l’argent engrangé grâce au stratagème de fraudes sur une période de dix ans.
Les deux fils aînés de Donald Trump, Donald Trump fils et Erik Trump, qui étaient eux aussi poursuivis, ont pour leur part été condamnés à verser une somme globale d’environ 4 millions de dollars chacun.
Des liquidités insuffisantes
En date du 21 mars 2024, le magazine Forbes évalue la fortune de Donald Trump à 2,6 milliards de dollars américains.
Le principal intéressé se targue d’avoir une fortune beaucoup plus grande, mais il a déclaré l’an dernier disposer de liquidités totalisant environ 400 millions de dollars.
La valeur nette de ses biens provient en majeure partie de ses biens immobiliers, un type d’avoirs rarement accepté en garantie par les sociétés de cautionnement.
En outre, Donald Trump a dû s’assurer de trouver une autre caution découlant d’une poursuite civile distincte, qui l’opposait à l’autrice E. Jean Carroll.
La semaine dernière, un juge fédéral a approuvé l’offre de garantie qu’il a présentée dans ce dossier. En début d’année, un tribunal civil de New York l’a condamné à verser 83,3 millions de dollars américains à Mme Carroll pour l’avoir diffamée, sur fond d’accusations de viol dans les années 1990.
L’année de Donald Trump sur le front judiciaire est pour le moins chargée. Outre ces deux poursuites civiles, auxquelles ont succédé des procédures d’appel, il fait l’objet d’accusations criminelles dans quatre procès qui n’ont pas encore commencé. L’un d’eux devait s’ouvrir lundi prochain à Manhattan, mais a été reporté au plus tôt à la mi-avril.
Radio-Canada par Sophie-Hélène Lebeuf avec les informations de CNN et ABC News