L’opposant sénégalais a été interpellé dimanche par des gendarmes dans le sud du pays et ramené de force à son domicile de Dakar alors qu’il venait d’entamer sa « caravane de la liberté » vers la capitale.
Le ministre de l’Intérieur, Antoine Félix Abdoulaye Diome, a invoqué les heurts entre partisans d’Ousmane Sonko et forces de l’ordre qui ont accompagné depuis vendredi le retour de l’opposant à Dakar en convoi par la route et dans lesquels un homme a été tué par balle.
« Il y a eu mort d’homme à Kolda, est-ce que l’État va rester les bras croisés ? (…) La réponse ne peut être que négative », a déclaré le ministre à la chaîne de télévision publique RTS. Il a fait valoir qu’Ousmane Sonko aurait dû formuler une demande d’autorisation préalable avant d’organiser ce qu’il a baptisé la « caravane de la liberté ». « On a pu, de ce fait, encadrer le leader du (parti) Pastef jusqu’à son domicile (à Dakar) où il a été déposé », a-t-il dit.
Une source proche des autorités a précisé qu’Ousmane Sonko avait été interpellé près de Koungheul par les gendarmes et ramené par eux vers la capitale. Le ministre de l’Intérieur a rapporté que des armes avaient été trouvées dans le véhicule transportant l’opposant.
Bras de fer
Le sort d’Ousmane Sonko, engagé dans un bras de fer avec le pouvoir qui n’a fait que se durcir depuis sa mise en cause par la justice dans une affaire de viols, en mars 2021, donnait lieu à des spéculations depuis plusieurs heures.
Ousmane Sonko, candidat déclaré à la présidentielle mais menacé d’inéligibilité par des affaires judiciaires qu’il dénonce comme un complot de l’État, n’avait en effet plus donné de nouvelles à son entourage depuis dimanche matin.
Dans un communiqué publié en milieu d’après-midi, son parti l’avait déclaré « introuvable et injoignable », alimentant les conjectures et provoquant de vives réactions sur les réseaux sociaux. Quelques minutes seulement avant la prise de parole du ministre de l’Intérieur, à 20 heures, El Malick Ndiaye, le secrétaire national des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef) en charge de la communication, affirmait encore à Jeune Afrique n’avoir « aucune nouvelle » d’Ousmane Sonko.
Une intervention filmée du Président des Pastef avait été annoncée pour 23 heures locales, dimanche, sur sa page Facebook. Mais El Malick Ndiaye a précisé sur Twitter en fin de soirée que « les forces de l’ordre ayant refusé l’accès à notre équipe technique au domicile du président Ousmane Sonko, sa déclaration a été reportée [au] lundi 29 mai 2023. »
Ce dernier avait entamé vendredi, dans le sud du pays, un retour par la route vers Dakar dont il comptait faire une démonstration de force. Son passage a drainé des foules de jeunes supporteurs enthousiastes et les rassemblements spontanés autour de son convoi ont parfois été émaillés de heurts entre ses partisans et les forces de sécurité, dans lesquels un homme a été tué à Kolda.
Spéculations
Alors qu’Ousmane Sonko relaie volontiers ses faits et gestes en direct sur les réseaux sociaux, ce qu’il a fait durant les deux premières journées de son périple, il a cessé de le faire dimanche après avoir adressé, dans une courte vidéo, ses vœux à la communauté catholique à l’occasion de la Pentecôte.
Depuis mars 2021, la mobilisation des supporteurs d’Ousmane Sonko a régulièrement donné lieu à des débordements. Il avait alors été interpellé à Dakar alors qu’il se rendait en cortège à la convocation d’un magistrat dans l’affaire de viols qui l’oppose à Adji Sarr, une femme qui l’accuse de l’avoir violée dans un salon de massage qu’il fréquentait et où elle travaillait alors. Sa longue rétention avant de comparaître devant le juge puis de ressortir libre, sous contrôle judiciaire, avait contribué à déclencher des émeutes à Dakar et dans plusieurs grandes villes du pays, lesquelles avaient causé une douzaine de morts.
La chambre criminelle du tribunal de Dakar doit rendre le 1er juin un verdict très attendu dans cette affaire de viols présumés. Le 23 mai, Ousmane Sonko, qui dénonce un complot du pouvoir pour l’écarter de la présidentielle de février 2024, s’était abstenu de comparaître à l’audience en prétextant n’avoir pas reçu de convocation. En plus d’une éventuelle condamnation à une peine de prison ferme, il risquerait de devenir inéligible si la justice le déclarait coupable.
Alors que le verdict de son procès pour viols devrait être prononcé le 1er juin, l’opposant sénégalais lance un appel à « une caravane de la liberté » qui devra s’élancer de Zinguinchor pour rallier la capitale.
L’opposant sénégalais Ousmane Sonko, candidat déclaré à la présidentielle de 2024 et menacé d’inéligibilité, a lancé un nouveau défi à risque au pouvoir en annonçant son prochain retour à Dakar à la tête d’un convoi populaire à travers le pays.À LIRE[Série] Au Sénégal, Ousmane Sonko et le procès de la dernière chance
« Je vous donne rendez-vous à Dakar, soit [le président] Macky Sall recule, soit on lui fera face pour en finir », a-t-il lancé à ses partisans qui s’étaient massés devant sa maison de Ziguinchor en apprenant qu’il allait prendre la parole au lendemain de son procès pour viols, tenu en son absence.
« Caravane de la liberté »
« Le combat final, ça se passera où ? Ça se passera à Dakar !, a-t-il proclamé. Si vous êtes 2 000, que 1 500 rallient Dakar pour continuer le combat. » Ousmane Sonko a affirmé son intention de rentrer par la route et de transformer ces quelque 500 kilomètres de trajet en « caravane de la liberté ». Puis il a paradé ceint du drapeau sénégalais au milieu de ses sympathisants exaltés.
Il a précisé plus tard sur les réseaux sociaux qu’il comptait se mettre en route ce jeudi 25 mai, et a appelé les Sénégalais à converger vers Dakar.
C’est un nouvel acte de défiance à l’encontre des autorités de la part du président du parti Pastef-les Patriotes, troisième de la présidentielle en 2019, personnalité clivante mais populaire chez une partie de la jeunesse.
Garde étroite et menaçante
Ce mardi, Ousmane Sonko a brillé par son absence à son procès pour viols, disant craindre pour sa sécurité et remettant en cause l’impartialité de la justice. Il a toujours réfuté les accusations portées contre lui et dénoncé un complot destiné à l’écarter de la présidentielle. L’opposant risque son éligibilité, déjà compromise par une condamnation à six mois avec sursis pour diffamation contre un ministre.
Ibrahima Soumaré a la main hésitante. Crayon et gomme en main, il couche soigneusement quelques lettres sur une feuille blanche. Peu satisfait, il efface et reprend. Son exercice du jour: dessiner un graffiti avec le mot « top ».
« Ce n’est pas facile, surtout pour un nouveau comme moi », dit dans un sourire timide ce Sénégalais de 26 ans qui a abandonné ses études pour s’inscrire il y a deux mois dans une école de graffiti à Guédiawaye dans la banlieue dakaroise, le RBS Akademya.
Serigne Mansour Fall, alias Madzoo, un des 25 membres du collectif fondateur, assure que l’école créée en décembre 2021 n’a pas d’équivalent au Sénégal ni en Afrique. Elle se veut « un lieu de rencontre, d’échange, de partage de savoir-faire », explique-t-il.
L’objectif, « c’est d’apporter notre part d’héritage », « de former de jeunes professionnels » pour qu’ils soient « utiles » à la société et d’aider les gens à « prendre conscience des enjeux de leur époque ».
Les graffitis font partie du décor de Dakar et de sa banlieue où la culture hip-hop passionne de nombreux jeunes.
Le graffiti est apparu au Sénégal vers la fin des années 80 en même temps qu’un mouvement spontané de jeunes, « Set-Setal » (littéralement « propre et rendre propre »).
Ces jeunes combattaient l’insalubrité dans la capitale et sa banlieue et, après avoir nettoyé les quartiers, dessinaient sur les murs des images de marabouts afin de dissuader les habitants de jeter de nouveau leurs ordures dans la rue, raconte Madzoo.
Naguère considéré comme un « métier de paresseux qui ne fait pas vivre son homme », le graffiti gagne aujourd’hui en reconnaissance, croit Madzoo.
Tableaux et graffitis rivalisent de beauté et de couleurs dans les couloirs du bâtiment de deux étages qui abrite l’école.
Une peinture d’un vieil homme à la barbe blanche captive le regard, une petite plante aux fleurs formées de coquillages germe de son crane rasé. « Il symbolise le panafricanisme », explique Madzoo, l’auteur.
La salle de classe, un espace avec une longue table de travail et un tableau mural, n’est pas moins panachée.
De gros caractères roses et verts décorent le mur à l’entrée. Le mot, difficile à décrypter, c’est « style », décode Ibrahima Soumaré. « J’avais aussi du mal à le lire avant », sourit-il.
Patient et fort
Le cours du jour s’articule autour du « concept art » – comment exprimer, matérialiser une idée – et les couleurs, explique Chérif Tahir Diop, dit Akonga, graffeur, designer, et désormais professeur.
« On n’est pas dans une école conventionnelle. Tout se fait dans un esprit léger », dit-il au son des mélodies de reggae diffusées par son ordinateur.
Libasse Sarr, 18 ans, et Maurice Diouf, 25 ans, ont aussi arrêté les études pour s’inscrire au RBS Akademya (RBS pour RadiK-L Bomb Shot).
Ils y recevront pendant six mois trois cours par semaine de théorie et de pratique.
Ils sont quatre en tout à à constituer la troisième promotion de l’école. Ils repartiront avec une attestation, non reconnue par l’État du Sénégal.
« On a décidé de prendre un effectif réduit pour travailler dans les meilleures conditions », assure Madzoo.
Les élèves versent une inscription de 25.000 francs CFA (environ 40 euros) et payent 15.000 francs CFA (environ 23 euros) chaque mois.
RBS Akademya, très active sur les réseaux sociaux, sert aussi de résidence artistique.
Selon Madzoo, quelques artistes étrangers y séjournent de temps en temps pour participer à des expositions ou partager leur expérience.
Initié au graffiti dès l’âge de 7 ans par des aînés dans son quartier, Madzoo, 36 ans, lunettes noires sur les yeux, compte parmi les figures sénégalaises de cet art de la rue.
Il se dit panafricaniste, engagé au « côté du peuple », et n’hésite pas à prendre position.
En 2021, au lendemain d’émeutes qui avaient fait une douzaine de morts, une fresque murale qui portait la signature de son collectif avait été largement partagée sur les réseaux sociaux.
Elle représentait le président Macky Sall, manche de costume aux couleurs de la France, tirant à bout portant sur un jeune.
Le dessin avait vite et mystérieusement été effacé. Madzoo affirme depuis subir des pressions politiques du pouvoir.
Ses élèves se sont inscrits dans l’école par passion, conscients du peu de débouchés de leur activité. I
ls espèrent connaitre un jour le même succès que lui et rêvent de voyager pour exprimer leur talent. Mais il « faudra être patient et fort », prévient Akonga.
Plusieurs quartiers de Dakar ont été jeudi le théâtre de scènes de guérilla entre jeunes Sénégalais et forces de l’ordre au moment où l’opposant Ousmane Sonko comparaissait lors d’un procès dont pourrait dépendre sa candidature à la présidentielle de 2024.
Des groupes mobiles de jeunes ont lancé des pierres sur les gendarmes et les policiers dans les rues adjacentes au tribunal où M. Sonko était convoqué pour répondre de diffamation contre le ministre du Tourisme Mame Mbaye Niang. Un impressionnant dispositif de sécurité avait transformé le complexe en camp retranché.
Les forces de sécurité ont repoussé à plusieurs reprises les assaillants à coups de lacrymogènes dans des détonations assourdissantes, ont constaté des journalistes de l’AFP.
Au milieu de ce grabuge intermittent, une pharmacie est restée ouverte auprès du tribunal contrairement à nombre de commerces alentour.
« Nous, on n’est ni pour ni contre ce qui se passe », dit Mamy Diouf, la gestionnaire d’une vingtaine d’années. « Ce qui nous intéresse, c’est la paix. Chacun fait ce qu’il veut mais devrait attendre les élections et se prononcer à ce moment-là. Les violences, ça ne mène à rien et ce n’est pas bon pour les affaires ».
Des accrochages ont été rapportés dans d’autres quartiers. Un photographe de l’AFP a vu des dizaines de jeunes caillasser un véhicule isolé des forces de sécurité contraint de s’extraire dans la précipitation et les panaches de lacrymogènes sur l’un des principaux axes de la capitale.
Le trajet de M. Sonko jusqu’au tribunal sous forte escorte policière à travers une ville en état d’alerte a lui-même été émaillé de troubles. Les forces de sécurité ont fini par extraire M. Sonko de force de son véhicule pour le conduire au palais de justice.
Ceux qui l’accompagnaient disent que lui et d’autres ont été malmenés lors de ce transfert et aspergés de gaz lacrymogènes.
M. Sonko a expliqué une fois à la barre qu’il voulait choisir son itinéraire. « La police et la gendarmerie m’imposent un itinéraire. J’ai été brutalisé. Le régime ne compte que sur les forces de sécurité », a-t-il dit.
M. Sonko s’est fait ausculter par un médecin au tribunal, l’une des interruptions et multiples incidents qui ont émaillé une audience sous haute tension qui, après plusieurs heures, n’avait toujours pas abordé le fond du dossier.
Le procès a finalement été renvoyé au 30 mars.
Ce nouvel accès de fièvre est le dernier épisode d’un psychodrame qui tient le monde politique en haleine depuis deux ans et qui a déjà, par le passé, causé un trouble considérable.
En mars 2021, la mise en cause de M. Sonko dans une affaire de viols présumés et son arrestation sur le chemin du tribunal avaient contribué à déclencher les plus graves émeutes depuis des années dans ce pays réputé comme un rare îlot de stabilité dans une région troublée.
« Pour la jeunesse »
Il y avait eu au moins une douzaine de morts.
Les tensions vont à nouveau grandissant à l’approche de la présidentielle de 2024.
Le dossier de viols présumés, non jugé pour le moment, et celui pour diffamation font peser la menace d’une éventuelle inéligibilité sur la candidature de M. Sonko.
Lui et ses supporteurs crient au complot ourdi par le pouvoir pour l’éliminer politiquement.
M. Sonko avait appelé ses partisans à venir massivement le soutenir au procès.
La personnalité de M. Sonko, 48 ans, divise les Sénégalais. Il tient un discours souverainiste, panafricaniste et social, pourfendant les élites et la corruption.
Il pilonne l’emprise économique et politique exercée selon lui par l’ancienne puissance coloniale française et les multinationales. Il jouit d’une grande popularité parmi les jeunes dans une population dont plus de la moitié a moins de 20 ans.
Ses détracteurs dénoncent en lui un populiste n’hésitant pas à souffler sur les braises sociales et à instrumentaliser la rue pour échapper à la justice.
Le doute que le président Macky Sall entretient sur son intention de briguer ou non un troisième mandat contribue aussi à dresser les camps adverses les uns contre les autres.
Près du tribunal, Abdou Anne, un enseignant de 53 ans, verse des seaux d’eau sur un feu de pneus qui dégage une grosse fumée noire à un rond-point après des heurts. Il dit être avec les manifestants, mais intervient parce qu’il y a un centre de soins pour enfants juste à côté.
« Je ne suis pas pour Ousmane Sonko. Je suis pour la jeunesse. Tout ce qu’ils (les jeunes) veulent, c’est arrêter ce projet », celui d’un troisième mandat de M. Sall. « Personne n’est d’accord. On est prêt à laisser notre vie », lâche-t-il posément.
Une congolaise de 38 ans est placée en détention pour tentative d’homicide sur son époux qui est interné dans un centre hospitalier. L’homme a reçu plusieurs coups de couteau après une forte dispute avec son épouse. Elle n’était pas d’accord qu’il voyage pour la troisième fois en une année. Un problème de jalousie sur fond de suspicion d’infidélité.
Manuela T aurait selon son entourage, toutes les preuves de l’infidélité de son époux avec une autre fille vivant à Dakar au Sénégal. En ce qui va de l’an 2022, son époux s’y est rendu déjà deux fois et était sur le point de prendre encore un vol. Il justifiait ses voyages par la présence de ses deux neveux qu’il a scolarisés au Sénégal.
Mais pour la femme, c’était juste un mensonge, son époux en réalité a une maîtresse à Dakar d’origine gabonaise qu’il aurait connu sur les réseaux sociaux. Elle a poignardé son époux après une forte dispute quand ce dernier qui niait voyager pour Dakar a été confondu par la réservation de son vol en sa possession.
Manuela T qui a appelé les secours après son forfait a été placée en détention provisoire par le juge qui l’accuse de tentative d’homicide volontaire. Le couple a deux enfants et traversait une crise depuis des années selon leurs proches. Ils ne partageaient plus la même chambre depuis que l’infidélité de l’époux a été découverte par la femme.
Gahile Mboumba Mboumba, un compatriote, la vingtaine révolue qui est recherché par les autorités judiciaires de Dakar pour le viol sur un jeune garçon de 14 ans. Selon des sources concordantes, le présumé violeur pédophile aurait été ramené à Libreville pour éviter de répondre de ses actes.
Les faits se seraient passés le dimanche 31 juillet dernier à Dakar au Sénégal. Envoyé par ses parents pour poursuivre ses études, Gahile Mboumba Mboumba se serait livré à des jeux de séduction sur les réseaux sociaux. Il aurait créé des faux profils en se faisant passer pour une femme et aurait à l’aide de subterfuge convaincu son interlocuteur âgé de 14 ans de lui envoyer des « nudes ». Une fois les photos compromettantes en sa possession, il aurait menacé le jeune garçon.
Voulant éviter que ses photos ne soient diffusées sur internet, la victime aurait accepté de rencontrer Gahile Mboumba Mboumba à son domicile. Une fois sur place, l’étudiant aurait convaincu le jeune garçon de 14 ans d’avoir des rapports sexuels avec lui afin d’effacer les photos. Une demande que l’adolescent aurait fini par accepter. Une fois sa libido assouvie, il aurait laissé partir la victime.
De retour chez lui, la victime aurait tout raconté à ses parents. Ces derniers remontés auraient débarqué au domicile de de Gahile Mboumba Mboumba. Ils ne l’auraient pas trouvé mais plutôt son colocataire, L.D.O.O. Ce dernier va être pris à partie par les proches du jeune garçon de 14 ans. Lesquels l’auraient roué de coups et cassé sa paire de lunettes. Il n’aurait eu la vie sauve que grâce à l’intervention de gendarmes passant par là.
Les parents de Gahile Mboumba Mboumba ont été mis au courant de la situation, ces derniers se seraient lavés les mains indiquant que leur fils devait répondre de ses actes. Une plainte a été déposée à l’encontre du présumé violeur pédophile, qui ne serait pas à sa première tentative. Une source proche de l’ambassade du Gabon au Sénégal a indiqué que malgré les mesures prises pour intercepter le suspect, il serait parvenu à rentrer au Gabon avec l’aide de ses proches.》
REPORTAGE. Alors que l’exposition « Picasso à Dakar 1972-2022 » bat son plein, la galerie Le Manège propose un dialogue inédit entre artistes africains contemporains et Picasso.
En cette matinée de début mai, les 28 élèves de cm2 de l’Institution Sainte-Jeanne-d’Arc de Dakar attendent, alignés en file indienne dans le hall du musée des Civilisations noires (MCN), de pouvoir assister à la visite guidée de l’exposition « Picasso à Dakar 1972-2022 ». « L’artiste s’appelle Pablo Ruiz Picasso et il a exposé à Dakar en 1972 au Musée dynamique après avoir rencontré Senghor à Paris », renseigne Youssou, 11 ans, prouvant au passage qu’il a bien fait les recherches recommandées par son enseignante en amont de la visite. Sa camarade Khadija, âgée de 10 ans, ajoute : « Il faisait des sculptures d’animaux, peignait des tableaux et aimait les masques africains. » C’est sa tante qui lui en a parlé. En dehors de ces informations glanées sur le Web, ce jeune public connaît peu l’artiste, et notamment ses œuvres. Ce qui est encore moins connu de ces préadolescents, comme de nombreux adultes, c’est l’attrait de Picasso pour le continent africain, lui qui vivait entouré d’œuvres et d’objets africains. Cinquante ans après la première exposition de Picasso au Musée dynamique de Dakar, sous l’impulsion de Léopold Sédar Senghor, c’est cette « parenté » que l’exposition actuelle souhaite mettre en avant. Celle-ci a été réalisée en collaboration entre quatre musées, deux français et deux sénégalais : le musée Picasso-Paris, le musée du Quai Branly-Jacques-Chirac, le musée Théodore-Monod ainsi que le musée des Civilisations noires qui l’accueille.
Studieux, les élèves écoutent la médiatrice culturelle leur détailler cette filiation artistique, ou tout du moins ces jeux de miroirs constants. Munis d’une feuille de papier, ils ne ratent rien des informations récoltées : « négritude », « portrait d’un homme noir représenté comme un empereur », « cubisme », « art figuratif », etc. Arrivée devant un masque baoulé positionné à côté d’un tableau de Picasso (celui de l’affiche de l’exposition), Asmaou Manga les interroge : « Quelles sont les ressemblances que vous pouvez noter ? » Les doigts se lèvent : « La forme du visage allongée », dit l’une ; « le nez », ajoute un autre ; « la forme des yeux », analyse encore un élève. S’arrêtant devant une immense photo de l’artiste drapé dans un tissu orange au milieu de son atelier, la médiatrice culturelle, qui a suivi une formation d’une semaine pour approfondir ses connaissances sur l’artiste, continue de renseigner son auditoire qui l’interroge sur la vie privée de l’artiste : « Avait-il des enfants ? » Même jeu de miroirs quelques mètres plus loin entre la toile La Femme dans un fauteuil et un masque bedu : couleurs similaires, même forme… L’origine africaine de l’inspiration du catalan est visible. De toute l’exposition, Amsatou a jeté son dévolu sur le tableau La Femme couchée lisant, car elle aussi « adore lire ». Khadija en passant devant la toile s’interroge : « Qui est cette dame ? Ce ne serait pas Olga, la femme de Picasso ? », se rappelant que Mme Manga l’avait évoquée quelques minutes plus tôt. Au sortir de cette visite d’une trentaine de minutes, Émilie Sarr, l’enseignante de la classe, est très satisfaite : « Au départ, j’étais réticente, mais je trouve que c’est vraiment très intéressant. J’ai appris plein d’informations, notamment les correspondances entre les œuvres de l’artiste et l’Afrique, le lien avec les arts nègres… Les enfants ont besoin de s’ouvrir au monde, peut-être même qu’il y a des futurs peintres dans la classe ! » Elle compte d’ailleurs revenir avec ses enfants. Les visites scolaires s’enchaînent chaque jour au musée des Civilisations noires. « On a beaucoup de demandes ! » affirme Asamou Manga. « Cette exposition est un moyen de montrer que l’art rassemble, que le musée est ouvert à toutes les cultures tout en sauvegardant la nôtre. Pour les écoles, c’est aussi un moyen de faire connaître l’art aux enfants sénégalais, beaucoup ne connaissent pas ce milieu, et de susciter un intérêt », détaille-t-elle.
« Picasso Remix » : inverser et émanciper les regards
En résonance à l’exposition du MCN, la galerie de l’institut français Le Manège propose de changer de paradigmes à travers son exposition « Picasso Remix »*. « Nous avons monté cette exposition avec Olivia Marsaud, directrice du Manège, à la demande de Hamady Bocoum, le directeur du MCN », explique Mohamed Amine Cissé, cocommissaire de « Picasso Remix ». Cette fois-ci, ce sont les œuvres de seize artistes**, issus de la diaspora, résidant ou ayant un lien fort avec le continent africain, qui s’emparent des œuvres de Picasso pour les revisiter et inverser les regards : les œuvres sont vues depuis le continent. « On sait que Picasso s’est inspiré de l’Afrique. On a voulu changer de paradigme, en donnant carte blanche aux artistes pour qu’ils expriment leur rapport à l’artiste, à son style, à ses réalisations. Les œuvres exposées ont été produites entre 2000 et 2022. Certaines étaient déjà existantes et rentraient en résonance, tandis que d’autres ont été créées pour l’occasion », ajoute Mohamed Amine Cissé avant de préciser que le but était également de multiplier les supports : peinture, toile, photocollage, sculpture, céramique… « Peu de gens savent que, vers la fin de sa vie, Picasso a produit environ 3 500 pièces en céramique », rapporte-t-il.
« Certaines des œuvres sont des réponses, d’autres des hommages avec la revendication d’un héritage et une filiation assumée », raconte le commissaire. La toile hors norme du Guernicaest ici revisitée par le Béninois Roméo Mivekannin, qui insère dans la toile ses portraits, pour mieux se l’approprier et placer l’homme africain au cœur de l’œuvre. Elle apparaît plus que jamais actuelle, car elle fait écho aux conflits qui agitent notre siècle : Syrie, Afghanistan et, dernièrement, la guerre en Ukraine. Sandra Seghir offre une relecture du célèbre tableau du peintre catalan Les Demoiselles d’Avignon avec sa peinture Les Primitifordiales, qui conserve le format original. S’il représente toujours le corps féminin, l’artiste y réinvente les codes esthétiques et la diversité en représentant des femmes fortes, aux différentes carnations. Une réappropriation plus féminine et féministe de l’œuvre qui brise les codes de l’art classique. Cette volonté de replacer la femme comme créatrice, et non plus comme simple muse, se retrouve également dans les peintures de Marianne Collin Sané et dans l’autoportrait réalisé par Audrey d’Erneville qui représente une femme à la taille démesurée pour illustrer la force et le pouvoir de la femme africaine. Un peu plus loin, la fameuse Tête de taureau de Picasso est revisitée par Meissa Fall qui l’a reconstituée avec des pièces de vélo, en l’occurrence une selle. « Il a créé cette œuvre pour permettre à tout le monde de la voir. L’originale est dans un musée, donc tout le monde n’y a pas accès », développe Mohamed Amine Cissé.
« Picasso ne m’a rien appris. C’est lui qui s’est inspiré de moi. Et quand je dis moi, je parle de nous, les Africains », revendique l’artiste Moussa Traoré. Souvent appelée la « Picasso africaine », Kiné Aw s’en agace, arguant que le cubisme n’a pourtant pas été inventé par Picasso, bien qu’en Europe on le désigne largement comme le précurseur de ce style artistique.
Les masques africains de Thierry Fontaine, dont les yeux ont été remplacés par des bougies, la cire perlant, telles des larmes, évoquent l’attrait pour les masques de Picasso. Mais derrière l’œuvre, l’artiste évoque la colonisation, l’interdiction de l’animisme pendant cette période et la douleur vécue par les populations. Le discours se fait plus politique avec le photocollage de Vincent Michéa qui évoque à travers la photo d’œuvres africaines encadrées, « enfermées », la question du retour des œuvres en Afrique. Un questionnement soulevé également par la réalisation du collectif Ban qui a réalisé des encensoirs traditionnels sénégalais (cuuray) en céramique qui « interrogent le sens que conserve un objet lorsqu’il est enfermé dans un musée et qu’il perd la raison de sa création. Il devient un objet mort ». Alors que la question de la restitution des œuvres d’art africaines au continent est plus que jamais actuelle, l’émancipation des regards s’impose. Ainsi, cette exposition en donnant la parole à ces artistes leur offre l’occasion de donner leur point de vue et de mettre en lumière l’apport des créateurs africains dans l’histoire de l’art mondiale. Une réappropriation salutaire et nécessaire avec une confrontation des esthétiques, des techniques, des inspirations qui vise au-delà de multiplier les regards sur l’histoire de l’art, à affirmer la place des artistes africains contemporains face aux critères de l’art moderne occidental. Le titre de l’exposition « Picasso Remix » est ainsi un hommage à « Africa Remix », l’une des plus grandes expositions d’art contemporain africain qui a permis de mettre celui-ci sur l’échiquier mondial et contribué à une meilleure reconnaissance des arts contemporains hors de l’Occident », souligne Mohamed Amine Cissé.
* « Picasso Remix », une exposition à voir à la galerie Le Manège de l’Institut français de Dakar, jusqu’au 30 juin.
**16 artistes de 7 pays = Meissa Fall, Thierry Fontaine, Collectif Ban, Camara Gueye, Kiné Aw, Noumouke Camara, Audrey d’Erneville, Dimitri Fagbohoun, Marianne Collin Sané, Sandra Seghir, Moussa Traoré, Hervé Yamguen, Carl-Edouard Keïta, Koko Komegne, Vincent Michéa, Roméo Mivékannin.
Lors de la 54e session de la Conférence des ministres africains des Finances, de la planification et du développement économique, économistes et dirigeants ont plaidé en faveur d’une refonte complète de l’architecture financière mondiale qui replacerait l’Afrique au cœur des décisions.
Outre la pandémie, la hausse des prix des denrées alimentaires, du pétrole et des engrais entrave fortement la reprise économique africaine. D’après les dernières données compilées par la Commission économique pour l’Afrique (CEA), 29 pays africains devraient être confrontés à une « grave crise alimentaire », plus de 15 pays font face à un risque élevé d’endettement, et 55 millions d’Africains supplémentaires ont basculé dans la pauvreté.
Dans ce contexte, des experts de haut vol se sont réunis à Dakar du 11 au 17 mai, sous l’égide de la CEA, afin de tenter « d’identifier les politiques et les interventions économiques permettant de garantir une croissance des économies africaines d’au moins 10 % par an », précise le communiqué officiel.
Réformer l’architecture financière mondiale
Pour les panélistes présents lors de la CoM2022, les arrangements économiques mondiaux, censés maintenir la stabilité du système financier international, sont « dépassés et injustes pour de nombreux pays en développement ».
LES TAUX D’INTÉRÊT APPLIQUÉS À NOS PAYS SONT PLUS ÉLEVÉS QUE CEUX APPLIQUÉS À NOS PAIRS EN DEHORS DU CONTINENT
Lors de son discours inaugural, le président Macky Sall a, quant à lui, déclaré que l’Afrique se faisait désormais « dicter sa conduite alors qu’elle avait connu plus d’une décennie de bonne croissance, et qu’elle n’avait subi qu’un revers, comme le reste du monde, à cause de la pandémie de coronavirus ». D’après le président du pays hôte, les fonds sont prêtés aux pays africains à « un taux d’intérêt plus élevé que celui d’autres pays comparables », alors que leur solvabilité dépend des « décisions d’agences de notation opaques ».
« Les taux d’intérêt appliqués à nos pays sont plus élevés que ceux appliqués à nos pairs en dehors de notre continent, dont les fondamentaux économiques sont similaires ou pires », rapporte le communiqué de la CEA. Les banques centrales des économies avancées ayant relevé leurs taux d’intérêt afin de contenir la hausse des anticipations inflationnistes, ces coûts devraient encore augmenter au vu de la conjoncture économique actuelle.
Michel Camdessus, ancien directeur général du Fonds monétaire international (FMI), a, de son côté estimé qu’un changement fondamental de l’architecture financière mondiale est « crucial » pour le continent.
Créer un espace budgétaire pour les dépenses urgentes
Pour répondre à cette problématique, différentes propositions ont été émises. Rebeca Grynspan, secrétaire générale de la Cnuced, a par exemple suggéré – comme plusieurs voix avant elle – que l’Afrique obtienne un siège permanent au G20 pour « mieux se faire entendre ». D’autres experts ont, quant à eux, tablé sur une nouvelle extension de l’initiative de suspension de la dette (DSSI) de la Banque mondiale, afin de contribuer à « créer un espace budgétaire pour les dépenses urgentes ».
Pour rappel, cette initiative de suspension – lancée pour répondre aux conséquences immédiates de la crise de Covid-19 – n’a reporté que les paiements du service de la dette bilatérale des pays à faibles revenus, et les créanciers privés n’ont pas offert de traitement similaire.
Le financement des infrastructures africaines en question
Selon la dernière étude de la CEA, les dépenses annuelles des pays africains pour la seule réalisation des objectifs de développement durable (ODD) devraient augmenter de 154 milliards de dollars, et une somme supplémentaire de 285 milliards de dollars sera nécessaire au cours des cinq prochaines années pour assurer une réponse adéquate aux conséquences économiques du Covid-19. Les ministres participant à la CoM2022 ont souligné que le continent avait également besoin de « 130 à 170 milliards de dollars par an pour les projets d’infrastructure et d’environ 66 milliards de dollars par an pour investir dans les systèmes et les infrastructures de santé ».
Une autre solution a été évoquée : la rétrocession des Droits de tirage spéciaux (DTS), permettant aux pays qui n’en ont pas besoin de les prêter aux États les plus vulnérables. « La rétrocession de 100 milliards de dollars [95,15 milliards d’euros] de DTS à l’Afrique serait un moyen rentable de financer la relance du continent », a affirmé un économiste lors de l’évènement.
La Facilité de liquidité et de durabilité (FLS) a aussi été citée comme bonne alternative pour générer des fonds à moindre coût. Cet outil permettrait aux pays africains d’attirer des investissements dans des produits financiers axés sur la durabilité, notamment des obligations vertes. Dans le même contexte, Vincent Mortier, directeur des investissements de la société française de gestion d’actifs Amundi, a souligné que l’émission d’obligations vertes et durables, aujourd’hui presque inexistante en Afrique et ne représentant que 1 % des émissions mondiales actuelles, pourrait être une source de financement fiable. « D’autant plus que ces obligations alignées sur les ODD pourraient contribuer à stabiliser les économies », a-t-il ajouté.
Enfin, les porte-voix de la CoM2022 ont pointé du doigt les surcharges imposées par le FMI aux pays ayant contracté des emprunts importants. Ces surcharges, payées en plus du versement des intérêts et des frais, sont évaluées à environ 4 milliards de dollars pour les pays africains pour cette seule année. Les ministres ont donc demandé au FMI d’y renoncer pour une période supplémentaire de deux à trois ans, et d’utiliser son fonds fiduciaire d’allègement et de limitation des catastrophes (CCRT) pour offrir un réduction du service de la dette aux pays pauvres.
Mobiliser les ressources et lutter contre les flux financiers illicites
Les ministres africains des Finances se sont engagés à accroître leurs efforts pour mobiliser les ressources nationales et à « mettre en œuvre des politiques qui créent un environnement propice » pour attirer le secteur privé. Les pays africains exportateurs de pétrole ont pour leur part été invités à utiliser la manne provoquée par la crise ukrainienne pour soutenir la reprise économique.
ON ESTIME QUE 83 MILLIARDS DE DOLLARS SONT SIPHONNÉS HORS D’AFRIQUE, PRIVANT LE CONTINENT DE RESSOURCES DONT IL A DÉSESPÉRÉMENT BESOIN
Selon la même logique, les ministres ont également promis de redoubler d’efforts pour mettre en œuvre une « politique fiscale globale et sans ambiguïté » et d’améliorer les capacités de lutte contre les flux financiers illicites (IFF). En effet, les ministres des Finances présents – parmi lesquels les ministres du Nigeria, du Maroc, du Sénégal ou encore de l’Égypte – ont avoué être « profondément préoccupés » par les flux financiers illicites (IFF).
« On estime que 83 milliards de dollars sont siphonnés hors d’Afrique, privant le continent de ressources dont il a désespérément besoin. » Ces derniers ont également reconnu que l’Afrique avait des marchés de capitaux sous-développés, « en partie à cause d’un secteur informel important, de faibles taux d’épargne et de régimes réglementaires et de gouvernance faibles ». Il a ainsi été demandé à la CEA de continuer à apporter son aide dans la conception des politiques fiscales et dans leur mise en œuvre effective.
L’émotion est vive au Sénégal après les propos tenus le 26 mars par le candidat d’extrême droite à l’élection française, à deux semaines du scrutin.
« Le Sénégal condamne avec la plus grande fermeté [l]es attaques irresponsables d’Eric Zemmour contre une communauté exemplaire pour son intégration et son respect des lois de la République française. » La réaction de Dakar ne s’est pas fait attendre après des propos injurieux tenus le 26 mars par Éric Zemmour lors d’une sortie médiatique sur CNews dans laquelle l’ancien polémiste de la chaîne d’information en continu assimile les Sénégalais à « des trafiquants » de drogue.
La scène s’est déroulée lors de l’émission « Morandini Live », du nom d’un des journalistes-vedettes de la chaîne, Jean-Marc Morandini, qui suivait en direct la descente sur le terrain du candidat d’extrême droite à la présidentielle française Porte de la Villette, un quartier du 19e arrondissement de Paris en proie à la délinquance et au trafic de drogue.
« Racisme primaire »
Dans la séquence vidéo surréaliste qui a fait le tour des réseaux sociaux, on voit Éric Zemmour être interpellé par un habitant qui dénonce un campement de consommateurs et de vendeurs de crack. « Cela fait six mois qu’ils sont là, les gamins sont agressés et l’État, qu’est-ce qu’il fait ? Il regarde. […] Les gens, ils en ont marre, les commerçants en ont marre », lance l’homme. « Je suis d’autant plus d’accord avec vous que c’est pour ça que je viens. C’est pour ça que je dis que, moi, ces gens-là, je vais les renvoyer chez eux », répond Éric Zemmour.
Et d’insister ensuite en secouant la tête devant les objections de son interlocuteur sur le fait que les consommateurs en question sont tous Français et qu’il faut trouver des solutions alternatives. « Non, il faut une solution simple. Il faut que la police reprenne possession de cet endroit-là. Puis, il faut renvoyer tous les étrangers et tous les trafiquants. La plupart des trafiquants sont Sénégalais, clandestins et ils n’ont rien à faire ici. »
CELA DÉNOTE UN ACHARNEMENT OBSESSIONNEL DE MONSIEUR ZEMMOUR CONTRE LE SÉNÉGAL ET SA COMMUNAUTÉ ÉTABLIE EN FRANCE
Le lendemain, dans un communiqué publié sur Twitter, l’ambassadeur du Sénégal à Paris, El Hadji Magatte Seye, a dénoncé des « propos d’un racisme primaire incontestable [qui] relèvent d’une stigmatisation injurieuse portant gravement atteinte à l’honorabilité de toute une communauté sénégalaise ». « Cela dénote un acharnement obsessionnel de Monsieur Zemmour contre le Sénégal et sa communauté établie en France », ajoute le communiqué.
Dans son communiqué, El Hadji Magatte Seye a annoncé que le Sénégal « engagera des actions idoines pour que Monsieur Zemmour, récidiviste en la matière, réponde des propos dégradants tenus dans un contexte de campagne électoral leur conférant un plus large écho ».
Le Pastef, parti de l’opposant Ousmane Sonko, a regretté, dans un communiqué publié ce 28 mars, l’absence de réactions de la part du président sénégalais Macky Sall et d’Aissata Tall Sall, ministre des Affaires étrangères. Le parti exige que l’ambassadeur du Sénégal « soit mandaté dans les meilleurs délais auprès des autorités françaises compétentes pour porter les contestations de l’État du Sénégal ainsi que pour obtenir « des excuses publiques de Monsieur Zemmour au peuple sénégalais ».
Une communauté déjà ciblée
Ce n’est pas la première fois que le polémiste s’en prend à la communauté sénégalaise. Le 13 mai 2021, déjà sur CNews, dans l’émission « Face à l’info » à laquelle participait régulièrement l’éditorialiste, il avait affirmé que « tous les trafiquants de crack sont Sénégalais ». Cette fois-là, Dakar avait réagi aux propos « stigmatisants » d’Éric Zemmour en adressant un courrier signé d’Abdoulaye Diop, le ministre de la Communication, au groupe Canal+, détenu par Vincent Bolloré et dont fait partie CNews. Le ministre protestait « face à l’absolution dont bénéficie » l’ancien journaliste, qui a fait de l’immigration le sujet phare de son programme de campagne électorale.
« L’immigration, c’est la mère de toutes les batailles. C’est pour ça que nous avons une délinquance aussi explosive. Avec l’immigration zéro, il n’y aura quasiment plus de délinquance, j’en suis sûr », avait clamé Zemmour en janvier, fidèle à sa rhétorique selon laquelle les migrants sont responsables de tous les problèmes de la France.
Le même mois, le candidat d’extrême droite avait été condamné à 10 000 euros d’amendes pour complicité de provocation à la haine raciale et injure raciste pour des propos, tenus toujours sur CNews, en septembre 2020. Il avait alors affirmé que les migrants mineurs isolés étaient des « voleurs, assassins, et violeurs ».
Marchandises électorales
À deux semaines de la présidentielle française, la sortie d’Éric Zemmour ne surprend par Boubacar Seye, président de l’ONG Horizons sans frontières, basée à Dakar. « L’islam et l’immigration extra-européenne sont devenus des marchandises électorales dans un pays comme la France, terre d’immigration depuis la seconde moitié du 19e siècle, affirme-t-il. Ces thématiques sont mises au banc des accusés pour permettre aux politiques de gagner des voix. C’est assez inquiétant. Parce que la mondialisation consacre aujourd’hui le culte de la diversité. »
Ce spécialiste des questions migratoires déplore que les propos de l’ancien polémiste, lui-même issu d’une famille juive d’Algérie, n’aient pas été plus fortement dénoncés par la classe politique française. « Tout ce que dit Éric Zemmour arrange bien Valérie Pécresse ou Emmanuel Macron. Il ne fait que le sale boulot. Cela doit cesser. »
Comme à son habitude, la capitale sénégalaise, volontiers frondeuse, échappe au pouvoir. Les résultats provisoires donnent le candidat de la coalition Yewwi Askan Wi largement vainqueur.
C’est sur le hit Magic in the air du groupe ivoirien Magic System que Barthélémy Dias, entouré de ses partisans, a célébré sa victoire dans la nuit du 23 janvier. Ou du moins sa large avance sur Abdoulaye Diouf Sarr, le candidat du pouvoir, en attendant la publication des résultats définitifs. « Je dédie cette victoire à Khalifa Sall parce que Dieu est avec les justes », a-t-il lancé depuis la commune de Grand-Yoff.
Dès le dimanche soir, Benno Bokk Yakaar (BBY), la coalition au pouvoir, a reconnu sa défaite à Dakar. « Dans l’ensemble, les tendances nationales donnent notre coalition largement gagnante dans plusieurs capitales régionales et départementales. Toutefois, notre volonté de conquérir Dakar et Ziguinchor en particulier n’a pas été concluante », indique BBY dans un communiqué. Le revers est d’autant plus cinglant pour Abdoulaye Diouf Sarr, le ministre de la Santé, qu’il aurait été battu dans son propre fief, à Yoff, commune dont il est pourtant le maire.
Yewwi Askan Wi remporte la mise
La capitale sénégalaise faisait l’objet de toutes les attentions. Elle échappe au pouvoir depuis 2009 et la gagner était donc crucial pour la majorité. Mais, tout comme à Ziguinchor, c’est Yewwi Askan Wi qui a remporté la mise. Outre la mairie centrale, l’opposition s’impose dans les principales communes de la banlieue dakaroise et dans les villes importantes de la région éponyme : Yoff, Patte-d’Oie, Fann-Point E-Amitié, Parcelles-Assainies, Guédiawaye, Sangalkam, Golfe-Sud, Yeumbeul-Sud et Rufisque.
Des figures importantes de la majorité ont ainsi été battues dans leur fief, comme Aliou Sall, maire sortant de Guédiawaye et frère de Macky Sall, ou encore Moussa Sy, un ancien proche de Khalifa Sall dont c’était le deuxième mandat à la tête des Parcelles-Assainies.
SOHAME EL WARDINI A ÉCHOUÉ DANS SON PROPRE BUREAU DE VOTE, MERMOZ-SACRÉ-COEUR
Doudou Wade, le candidat de Wallu Sénégal, l’autre coalition de l’opposition construite autour du Parti démocratique sénégalais (PDS) d’Abdoulaye Wade, a également adressé ses « félicitations » à Barthélémy Dias. Lequel devrait donc reprendre le fauteuil occupé par Soham El Wardini, maire de Dakar depuis 2018. Pour elle, la défaite est cruelle : selon les résultats provisoires, elle a échoué dans son propre bureau de vote, Mermoz-Sacré-Cœur.
Plus de 6,6 millions de Sénégalais, sur une population de 17 millions, étaient appelés à départager 3 200 listes dans plus de 500 mairies et plus de 40 départements. La conquête de Dakar était l’un des grands enjeux de ce scrutin qui a valeur de test pour l’opposition et le pouvoir avant les législatives de juillet prochain et la présidentielle en 2024.