Une coalition de l’opposition a demandé samedi 18 mai à la junte au pouvoir en Guinée d’organiser des élections pour rendre le pouvoir aux civils d’ici la fin de 2024, en appelant à des manifestations pour faire pression sur les militaires.
Le Premier ministre Amadou Bah Oury avait reconnu mi-mars que l’engagement des militaires au pouvoir depuis 2021, sous la pression internationale, de céder leur place à des civils avant la fin de l’année 2024 ne pourrait pas être tenu, et qu’ils devraient rester à la tête du pays au moins jusqu’en 2025.
L’Alliance nationale pour l’alternance et la démocratie (Anad) « dénonce vigoureusement le renoncement de la junte » de Mamadi Doumbouya à ses « engagements ». Cette coalition de partis et d’organisations l’« invite à prendre toutes les dispositions pour le strict respect de l’engagement d’organiser en 2024 toutes les élections devant conduire au retour à l’ordre constitutionnel », selon un communiqué.
Manifestations
Elle « prévient que le report du retour à l’ordre constitutionnel aura pour conséquence la perte de toute légitimité à la junte de diriger la transition et exposera notre pays à des risques majeurs ». En conséquence, la coalition « demande solennellement au peuple de Guinée [de] se mobiliser et d’user de tous les moyens légaux, y compris les manifestations dans les rues et sur les places publiques pour exiger la satisfaction de cette revendication légitime ». En cas de refus de la junte, l’ANAD « exigera la mise en place d’une transition civile pour organiser le retour à l’ordre constitutionnel ».
La répression des manifestations en Guinée a fait au moins 47 morts, en grande majorité des jeunes, depuis la prise du pouvoir par les militaires en septembre 2021, affirme Amnesty International dans un rapport publié mercredi. Le pouvoir a interdit toute manifestation depuis 2022, et fait arrêter, engagé des poursuites ou poussé à l’exil un certain nombre de dirigeants de l’opposition.
Dissoute mercredi par Bamako, la plateforme de « l’Appel du 20 février pour sauver le Mali » balaye une décision « arbitraire » et réclame « la tenue de l’élection présidentielle dans les meilleurs délais ».
Les autorités maliennes avaient justifié la dissolution de ce mouvement de l’opposition, formé de partis et d’organisations de la société civile comme la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’influent imam Mahmoud Dicko (CMAS), en raison de ses « agissements de nature à troubler l’ordre publique » et attentatoires « à l’unité nationale ».
Virage autoritaire
Pour la coalition d’opposition, cette décision confirme « la dérive autoritaire des autorités en place ». Elle réclame « le rétablissement immédiat de toutes les libertés suspendues », « un dialogue constructif avec toutes les forces vives du pays » et « la tenue de l’élection présidentielle libre, transparente et équitable dans les meilleurs délais ».
L’opposition est réduite à l’impuissance par les mesures coercitives, les mises en cause judiciaires, les dissolutions d’organisations, les restrictions à la liberté de la presse et la pression du discours dominant sur la nécessité de faire corps autour de la junte face à une multitude de défis.
Plusieurs partis de l’opposition togolaise ont appelé la population à participer « massivement » aux manifestations prévues vendredi 12 et samedi 13 avril à Lomé pour protester contre la nouvelle Constitution.
Plusieurs poids lourds de l’opposition et un groupe de la société civile ont jeudi appelé les Togolais à « assister massivement aux manifestations des 12 et 13 avril pour dire non à la Constitution frelatée que le régime et ses acolytes cherchent à leur imposer ».
Le ministre de l’Administration territoriale, Hodabalo Awaté, a interdit ces manifestations pour non-respect du délai de déclaration et du choix d’un itinéraire qui « viole clairement » les textes. Les manifestations de rues sont interdites au Togo depuis 2022, après une attaque au grand marché de Lomé au cours de laquelle un gendarme a été tué.
Le gouvernement a également affirmé, dans un communiqué publié mardi soir, que les organisateurs projettent d’étendre les manifestations « dans toutes les villes en délogeant les élèves et de s’attaquer systématiquement aux domiciles de députés préalablement ciblés ».
« Nous sommes en face d’un coup de force »
« Faux et ubuesque », a rétorqué Paul Dodji Apévon, président des Forces démocratiques pour la République (FDR). « Ce sont des manœuvres pour nous intimider et étouffer la marche. Nous avons informé les populations légalement, il n’y a plus de raison qu’on nous dise qu’on ne peut pas manifester demain et vendredi », a-t-il dit.
« Nous devons nous battre, parce que nous sommes en face d’un coup de force perpétré par quelqu’un dont le seul objectif est de demeurer éternellement au pouvoir », a soutenu Jean-Pierre Fabre, président de l’Alliance nationale pour le changement (ANC).
À Ankara comme à Istanbul, le parti CHP (social-démocrate) est en passe de remporter une victoire synonyme de claque pour le président Recep Tayyip Erdogan.
Les premiers résultats laissent présager un camouflet pour le président turc, Recep Tayyip Erdogan. Au soir des élections municipales, ce dimanche 31 mars, l’opposition est en passe de remporter une large victoire à travers le pays. À commencer par Istanbul où, peu avant minuit (21 heures GMT), le maire CHP (le Parti républicain du peuple, social-démocrate) sortant, Ekrem Imamoglu, a annoncé sa réélection à la tête de la plus grande ville de Turquie, qu’il avait déjà conquise en 2019.
« Nous sommes en première position avec une avance de plus d’un million de voix », a-t-il déclaré devant la presse, précisant que ces résultats portent sur 96 % des urnes. Ses partisans, hilares, étaient déjà massés devant le siège de la municipalité, noyés sous une déferlante de drapeaux rouges turcs.
À Ankara, le maire CHP, Mansur Yavas, a revendiqué sans attendre la victoire alors que le dépouillement était toujours en cours. « Ceux qui ont été ignorés ont envoyé un message clair à ceux qui dirigent ce pays », s’est-il félicité devant une foule en liesse. « Les électeurs ont choisi de changer le visage de la Turquie », a estimé de son côté le chef du CHP, Ozgur Ozel.
Ekrem Imamoglu, le grand rival d’Erdogan
Outre Izmir (à l’ouest) et Antalya (au sud), la principale formation de l’opposition est en voie de faire une percée spectaculaire en Anatolie. Elle était également donnée en tête dans des chefs-lieux de provinces longtemps tenus par l’AKP, selon des résultats encore partiels.
L’engagement de Recep Tayyip Erdogan – au pouvoir depuis plus de deux décennies – dans cette campagne, et en particulier à Istanbul, ne semble pas avoir suffi. Pire, les résultats de ces municipales ne font que confirmer qu’Ekrem Imamoglu représente un véritable rival pour l’élection présidentielle de 2028. Ce dimanche, le président Erdogan a d’ailleurs concédé « un tournant » pour son camp au vu des résultats des municipales. « Malheureusement nous n’avons pas obtenu les résultats que nous souhaitions », a déclaré le chef de l’État, qui s’exprimait au siège de son parti, l’AKP, à Ankara, devant une foule inhabituellement silencieuse. Il a par ailleurs assuré de « respecter la décision de la Nation » turque.
Les candidats de son parti faisaient en revanche la course en tête dans plusieurs grandes villes d’Anatolie (Konya, Kayseri, Erzurum) et de la mer Noire (Rize, Trabzon), bastions du président Erdogan, tandis que le parti pro-kurde DEM possède une confortable avance dans plusieurs grandes villes du sud-est à majorité kurde, dont Diyarbakir, la capitale informelle des Kurdes de Turquie.
Dix candidats de l’opposition au Tchad ont promis des « actions de lutte » pour barrer la route à la « dynastie » Déby lors de l’élection présidentielle du 6 mai.
Cet appel survient un mois après la mort de Yaya Dillo, tué le 28 février lors de l’assaut visant le siège de son parti. Dimanche, le Conseil constitutionnel avait invalidé les candidatures de 10 opposants, dont celui désigné pour remplacer Yaya Dillo à la présidentielle, Nassour Ibrahim Koursami, et n’en n’a validé que 10, dont celle du général Mahamat Idriss Déby Itno, qui a pris le pouvoir à la mort de son père en avril 2021.
Dénonçant les « raisons fallacieuses » invoquées par le Conseil constitutionnel, les dix candidats recalés ont appelé devant la presse « toutes les forces vives de la nation à se mobiliser et faire usage de tous les moyens légaux pour sauver le pays de la dictature », et promis « des actions de lutte », sans en préciser les modalités.
« Hier, Yaya Dillo était exécuté sans sommation et, aujourd’hui, [le pouvoir] fait tout pour disqualifier des candidats qui gênent et pour baliser l’autoroute de la dynastie qui sera consacrée, à coup sûr, dès le 1er tour du scrutin » le 6 mai, ont-ils déclaré.
Human Rights Watch (HRW) a réclamé début mars une « enquête indépendante » avec une « aide étrangère » sur « le meurtre » de Yaya Dillo, qui « soulève de graves questions sur le climat politique dans le pays à l’approche de l’élection ».
Moins de 48 heures après l’adoption d’une nouvelle Constitution au Togo, plusieurs partis d’opposition ont dénoncé mercredi 27 mars une « forfaiture ».
L’opposition craint que ce nouveau changement constitutionnel ne laisse la voie libre au maintien du président Faure Essozimna Gnassingbé au pouvoir.
« Trop, c’est trop. Nous sommes déterminés à engager la lutte. Nous allons leur livrer la bataille », a déclaré mercredi après-midi Jean-Pierre Fabre, président de l’Alliance nationale pour le changement (ANC), lors d’une conférence de presse de plusieurs partis d’opposition et de groupes de la société civile au siège de sa formation à Lomé.
« C’est un combat qui va durer des mois »
« Nous demandons à la communauté internationale et à la Cedeao [Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest] de prendre leurs responsabilités. C’est un combat qui va durer des mois. Il faudrait que la population se mobilise pour mettre fin à cette forfaiture », a martelé David Dosseh, porte-parole du Front citoyen Togo debout (FCTD, regroupement d’organisations de la société civile).
C’est inacceptable, le régime togolais se permet absolument tout, après avoir changé la Constitution en catimini.
Nathaniel Olympio Président du Parti des Togolais (PT)
D’autres partis avaient convoqué une conférence de presse mercredi matin au siège de l’Alliance des démocrates pour le développement intégral (ADDI, opposition), mais elle avait été interrompue et dispersée par une trentaine de gendarmes équipés de matraques sous prétexte que ses organisateurs n’avaient pas les autorisations nécessaires.
« C’est inacceptable, le régime togolais se permet absolument tout, après avoir changé la Constitution en catimini », a déclaré mercredi après-midi Nathaniel Olympio, président du Parti des Togolais (PT) et l’un des organisateurs de la conférence de presse du matin. « En privant les Togolais [du droit] de choisir leur président de la République par ce coup d’État constitutionnel, le régime a franchi une ligne rouge […]. J’appelle les Togolais à se mettre debout pour faire barrage à ce projet funeste ».
La nouvelle Constitution donne désormais le pouvoir au Parlement togolais d’élire le président de la République. Le président sera choisi « sans débat » par le Parlement réuni en congrès « pour un mandat unique de six ans », d’après le nouveau texte lu à l’Assemblée nationale et validé avec 89 voix pour, une contre et une abstention.
Le texte, qui fait entrer le Togo dans sa Ve République, crée également la fonction de « président du conseil des ministres », sorte de Premier ministre « désigné » par les députés qui aura en charge les fonctions régaliennes du pays. Il sera « le chef du parti ou le chef de file de la coalition de partis majoritaire à l’issue des élections législatives ».
Quelles chances pour l’opposition aux législatives ?
Le dernier grand changement constitutionnel remontait à 1992. Celui de lundi intervient à moins d’un mois des prochaines législatives, prévues le 20 avril en même temps que les élections régionales. L’opposition a annoncé y participer, elle qui avait boycotté le dernier scrutin législatif de 2018.
Mardi, la Conférence des évêques du Togo a elle aussi réagi, s’interrogeant dans un communiqué sur « l’opportunité ou non » de mener cette réforme et du « moment choisi ». Elle a appelé le président Faure Gnassingbé à « surseoir la promulgation de la nouvelle Constitution et à engager un dialogue politique inclusif, après les résultats des prochaines élections législatives et régionales ».
Pour l’historien togolais Michel Goeh-Akue, la nouvelle Constitution est « faite pour que Faure Gnassingbé ait le pouvoir à vie », comme « dans un système monarchique ». « Les dés sont pipés à l’avance », a-t-il jugé mardi, soulignant que l’opposition « n’a pas beaucoup de chances pour les élections législatives et régionales du mois prochain tant le système est verrouillé ».
Les défenseurs de la nouvelle Constitution estiment eux que le pays y gagnera en stabilité, dans une Afrique de l’Ouest secouée par des coups d’État au Mali, en Guinée, au Burkina Faso et au Niger, ou le jihadisme également présent dans le nord du Togo.
La plateforme de la société civile Aar Sunu Election annonce sa jonction avec le Front des candidats à l’élection présidentielle du 25-Février, qui regroupe 16 des 19 candidats, avec la coalition d’opposition F24 et avec le Front pour la défense de la démocratie.
Un collectif citoyen a annoncé, ce 29 février, la création d’un front commun avec l’opposition. Objectif : faire en sorte que l’élection présidentielle se tienne avant le 2 avril, date officielle de la fin du mandat du président Macky Sall.
« Cette unité d’action doit permettre de mener des actions collectives en synergie pour éviter la dispersion des forces qui luttent contre le coup d’État en cours », affirme la plateforme de la société civile Aar Sunu Election (« Préservons notre élection ») dans un communiqué. Aar Sunu Election annonce sa jonction avec le Front des candidats à l’élection présidentielle du 25-Février (qui regroupe 16 des 19 candidats), avec la coalition d’opposition F24 et avec le Front pour la défense de la démocratie.
Le dialogue national, organisé les 26 et 27 février, a recommandé, dans ses conclusions, que l’élection ait lieu le 2 juin, soit deux mois après la fin officielle du mandat de Macky Sall, et que le président reste en fonction jusqu’à l’installation de son successeur. Le chef de l’État a indiqué le 28 février, en Conseil des ministres, qu’il allait demander l’avis du Conseil constitutionnel sur ces recommandations.
Ce 29 février, Macky Sall a réaffirmé que la date de son départ restait « absolument ferme », alors que l’opposition le soupçonne de vouloir se maintenir au pouvoir après son annonce du report de la présidentielle.
« Le dialogue national a proposé le 2 juin 2024 comme nouvelle date de l’élection présidentielle. Je remercie les forces vives pour ces assises. Toutefois, je tiens à préciser que je quitterai mes fonctions au terme de mon mandat, le 2 avril, comme je l’ai déjà indiqué », a-t-il écrit.
Macky Sall a dit à plusieurs reprises ces derniers jours qu’il partirait le 2 avril. Mais, le 26 février dans la soirée, il a ouvert la voie à une prolongation. « Je suis prêt à rester encore, même si ce n’est pas mon choix […] parce que je suis pressé d’en finir et de partir », a-t-il déclaré.
Vide juridique au Sénégal ?
Un départ du président Sall le 2 avril et un renvoi du scrutin au 2 juin ouvriraient la voie à une situation inédite et à un vide juridique, la Constitution ne prévoyant pas ce cas de figure.
« Face à cette situation, qui risque de plonger notre pays dans une instabilité sociale indescriptible, la plateforme a décidé d’intensifier la lutte », a indiqué Aar Sunu Election, pour qui Macky Sall « persiste dans son refus de respecter le calendrier républicain et la légalité constitutionnelle ».
Plusieurs centaines de manifestants ont réclamé le 2 mars à Dakar la tenue de l’élection présidentielle avant le 2 avril, date de la fin du mandat du président Macky Sall, lors d’un rassemblement à l’appel de la société civile et de l’opposition.
Nombre d’entre elles arboraient les couleurs du Sénégal et brandissaient des portraits de l’opposant Ousmane Sonko, détenu depuis fin juillet pour « appel à l’insurrection » et privé de présidentielle après l’invalidation de sa candidature. Il a adoubé celle de son bras droit, Bassirou Diomaye Faye, également détenu mais dont la candidature a été retenue.
« Nous voulons une élection avant le 2 (avril) avec les 19 candidats retenus par le Conseil constitutionnel et que la démocratie sénégalaise continue de rayonner », a expliqué Assane Camara, un commerçant de 27 ans. « Macky Sall dictateur », « Libérez Sonko », ont scandé les manifestants, qui ont entonné à plusieurs reprises une chanson en l’honneur de ce dernier, « Sonko namenaaalaa » (« Sonko tu nous manques », en wolof).
Heurts entre les partisans de Sonko et Khalifa Sall
Le rassemblement, qui avait été autorisé par les autorités, s’est terminé dans la confusion lorsque des heurts ont brièvement mis aux prises des partisans présumés des candidats Sonko et Khalifa Sall.
Un contentieux oppose les supporters des deux hommes depuis que Khalifa Sall, ex-maire de Dakar, a accepté en mai 2023 un dialogue avec le président Sall à l’issue duquel Karim Wade et Khalifa Sall, deux figures de l’opposition, ont recouvré leur éligibilité après l’adoption d’une réforme du code électoral. Ousmane Sonko, qui avait conclu une alliance électorale avec Khalifa Sall en 2021, avait vigoureusement refusé de participer à ce dialogue qu’il considérait comme une manœuvre du pouvoir pour diviser l’opposition.
Le camp de la majorité présidentielle a pour sa part appelé à une « marche pour la paix » dimanche matin à Dakar.
Crise
Le Sénégal est plongé dans une grave crise politique depuis le report le 3 février, par le chef de l’État du scrutin présidentiel initialement prévu le 25 février. Ce report, dénoncé comme un « coup d’État constitutionnel » par l’opposition, a provoqué un choc dans l’opinion et des manifestations qui ont fait quatre morts. Le Conseil constitutionnel a finalement déjugé le président sénégalais, et le pays est depuis dans l’attente d’une nouvelle date de scrutin.
Un dialogue national, organisé en début de semaine par le président et boycotté par l’opposition, a notamment recommandé d’organiser l’élection le 2 juin. Le chef de l’État a indiqué qu’il saisirait « pour avis » le Conseil constitutionnel de ces recommandations.
Le chef de l’État sénégalais ne s’est toujours pas prononcé sur une nouvelle date pour le scrutin présidentiel. L’opposition, dans sa quasi totalité, a refusé de participer au dialogue qui s’est ouvert ce 26 février.
Le 26 février, Macky Sall a annoncé un projet de loi d’amnistie des actes commis au cours des troubles traversés par son pays depuis trois ans, en pleine crise autour du report de la présidentielle.
Le chef de l’État sénégalais, qui donnait le coup d’envoi de deux jours de concertations pour tenter de trouver un accord sur une nouvelle date de présidentielle, ne s’est toujours pas prononcé sur la question, malgré de multiples pressions nationales et internationales pour organiser le scrutin le plus vite possible et créer les conditions de sortie d’une des pires crises qu’ait connues le Sénégal depuis des décennies.
Les chances que ces concertations aboutissent à « l’apaisement » voulu sont incertaines. Des protagonistes majeurs, dont 17 des 19 candidats retenus en janvier par le Conseil constitutionnel, les ont boycottées. Un large front politique et citoyen réclame que le président organise la présidentielle avant le 2 avril, date officielle de la fin de son second mandat.
Le collectif Aar Sunu Election (« Préservons notre élection »), qui milite contre le report du scrutin, appelle à une journée Villes mortes dans tout le pays et à une grève générale le 27 février.
Une amnistie comme « un piège »
La loi d’amnistie qu’il présentera le 28 février en conseil des ministres sera soumise à l’Assemblée précisément « dans un esprit de réconciliation nationale » pour surmonter les profondes divisions des dernières années, patentes avec l’actuel imbroglio électoral, a dit Macky Sall. Elle visera les faits survenus au cours de différents épisodes de troubles survenus depuis 2021, et encore récemment en février après l’annonce du report de la présidentielle.
Différents acteurs s’opposent à une loi d’amnistie : dans la majorité parce qu’elle pourrait effacer les actes graves de manifestants ; dans l’opposition par crainte qu’elle n’exonère des responsables gouvernementaux ou sécuritaires de la mort de nombreux manifestants. L’opposition redoutait comme un piège que cette amnistie fasse partie du « dialogue national » organisé lundi et mardi à Diamniadio, ville nouvelle à une trentaine de kilomètres de la capitale Dakar.
Macky Sall : « J’ai envie de partir »
Le président Macky Sall a dit souhaiter que les Sénégalais votent d’ici au début de la saison des pluies, qui commence en juin/juillet. Il a déjà dit douter de la faisabilité d’une élection avant le 2 avril. Il a redit son engagement à partir ce jour-là alors qu’une partie de l’opposition soupçonne un plan pour rester au pouvoir au-delà de ses deux mandats de 12 ans au total. « J’ai envie de partir », a-t-il même lâché sur un ton personnel en bouclant la première journée d’échanges.
Certains parmi les quelques centaines de responsables politiques, représentants de la société civile et autres dignitaires religieux qui participaient aux discussions ont ouvertement réclamé qu’il reste jusqu’à l’installation de son successeur, y compris au-delà du 2 avril. D’autres ont préconisé une présidence par intérim.
Le « dialogue national » livrera, a priori ce 27 février, des conclusions sur deux sujets : la date de la présidentielle et l’organisation de l’après-2 avril jusqu’à l’investiture de son successeur.
L’un des 17 candidats à boycotter les concertations, Cheikh Tidiane Dieye, a qualifié le « dialogue national » de « théâtre » que le chef de l’État « aurait pu organiser au Grand théâtre » de Dakar. Lui et un certain nombre de concurrents se sont rendus à la Cour constitutionnelle pour demander aux « Sages » de constater formellement le manquement du chef de l’État à son devoir d’organiser la présidentielle.
Le président a déclenché une onde de choc le 3 février en décrétant un report de dernière minute de l’élection. Il a invoqué les vives querelles auxquelles a donné lieu la validation des candidatures et sa crainte qu’un scrutin contesté ne provoque de nouveaux heurts. L’opposition a dénoncé un « coup d’État constitutionnel ». Des manifestations réprimées ont fait quatre morts et donné lieu à des dizaines d’interpellations.
Le Conseil constitutionnel a mis son veto au report. Il a constaté l’impossibilité de maintenir la présidentielle le 25 février et demandé aux autorités de l’organiser « dans les meilleurs délais ».
Du côté de la résistance au chef de l’État, certains s’inquiètent des conséquences d’une vacance de la présidence sans succession établie. D’autres l’accusent de jouer la montre, soit pour avantager son camp parce que les choses se présenteraient mal pour lui à la présidentielle, soit pour s’accrocher au pouvoir au-delà du 2 avril. Ils redoutent que le « dialogue » ne serve à réexaminer les candidatures. Le président Sall a indiqué avoir reçu les représentants de deux collectifs de candidats disqualifiés.
Les Sages ont jugé contraire à la Constitution la loi reportant au 15 décembre la présidentielle initialement prévue le 25 février.
Le Conseil constitutionnel vient de prendre, ce jeudi 15 février, une décision dont la teneur marque un cinglant désaveu à l’égard de l’Assemblée nationale ainsi que du chef de l’État.
Dans son arrêt, le Conseil constitutionnel a en effet rejeté les deux textes fondant le report de l’élection présidentielle au 15 décembre 2024. D’un côté, « le décret n° 2024-106 du 3 février 2024, portant abrogation du décret convoquant le corps électoral pour l’élection présidentielle du 25 février 2024, est annulé ». De l’autre, « la loi portant dérogation aux dispositions de l’article 31 de la Constitution, adoptée sous le n° 4/2024 par l’Assemblée nationale, en sa séance du 5 février 2024, est [jugé] contraire à la Constitution ».
Tenue de l’élection « dans les meilleurs délais »
Dans l’un de ses considérants, le Conseil constitutionnel, « constatant l’impossibilité d’organiser l’élection présidentielle à la date initialement prévue, invite les autorités compétentes à la tenir dans les meilleurs délais ». Une situation de flou juridique qui tend à indiquer que le feuilleton relatif à cette présidentielle est loin d’être achevé.
Pour fonder leur décision, six des sept « Sages » se sont notamment basés sur la non conformité de la loi constitutionnelle récemment adoptée par l’Assemblée nationale aux articles 27 et 103 de la Constitution, qui définissent, pour le premier, la durée du mandat présidentiel et, pour le second, l’impossibilité de réviser la durée et le nombre de mandats consécutifs du président de la République. Le Conseil constitutionnel donne donc raison aux 56 députés et aux sept candidats à l’origine de la requête.
Décision historique
« Considérant que la juridiction constitutionnelle a déjà décidé, d’une part, que la durée du mandat du président de la République ne peut être réduite ou allongée au gré des circonstances politiques, quel que soit l’objectif poursuivi ; que le mandat du président de la République ne peut être prorogé en vertu des dispositions de l’article 103 précité ; que la date de l’élection ne peut être reportée au-delà de la durée du mandat ; que, d’autre part, la loi attaquée introduit dans la Constitution des dispositions dont le caractère temporaire et personnel est incompatible avec le caractère permanent et général d’une disposition constitutionnelle », les « Sages » décident donc de censurer la nouvelle loi adoptée par les députés.
Quant au décret du 3 février 2024 portant abrogation d’un précédent décret convoquant le corps électoral, il est lui aussi abrogé.
Cette décision, historique dans la mesure où la jurisprudence du Conseil constitutionnel l’avait jusque-là conduit à se déclarer incompétent pour censurer une loi adoptée par l’Assemblée nationale à la majorité des 3/5e, donc en tant que « constituant dérivé », plonge donc le Sénégal dans une phase de profonde incertitude institutionnelle et politique.