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Municipales en Turquie : Victoires historiques de l’opposition, Erdogan reconnaît « un tournant »

mars 31, 2024

À Ankara comme à Istanbul, le parti CHP (social-démocrate) est en passe de remporter une victoire synonyme de claque pour le président Recep Tayyip Erdogan.

À Ankara, le maire CHP, Mansur Yavas, a revendiqué sans attendre la victoire.
À Ankara, le maire CHP, Mansur Yavas, a revendiqué sans attendre la victoire. © Ali Unal/AP/SIPA / SIPA / Ali Unal/AP/SIPA

Les premiers résultats laissent présager un camouflet pour le président turc, Recep Tayyip Erdogan. Au soir des élections municipales, ce dimanche 31 mars, l’opposition est en passe de remporter une large victoire à travers le pays. À commencer par Istanbul où, peu avant minuit (21 heures GMT), le maire CHP (le Parti républicain du peuple, social-démocrate) sortant, Ekrem Imamoglu, a annoncé sa réélection à la tête de la plus grande ville de Turquie, qu’il avait déjà conquise en 2019.

« Nous sommes en première position avec une avance de plus d’un million de voix », a-t-il déclaré devant la presse, précisant que ces résultats portent sur 96 % des urnes. Ses partisans, hilares, étaient déjà massés devant le siège de la municipalité, noyés sous une déferlante de drapeaux rouges turcs.

À Ankara, le maire CHP, Mansur Yavas, a revendiqué sans attendre la victoire alors que le dépouillement était toujours en cours. « Ceux qui ont été ignorés ont envoyé un message clair à ceux qui dirigent ce pays », s’est-il félicité devant une foule en liesse. « Les électeurs ont choisi de changer le visage de la Turquie », a estimé de son côté le chef du CHP, Ozgur Ozel.

Ekrem Imamoglu, le grand rival d’Erdogan

Outre Izmir (à l’ouest) et Antalya (au sud), la principale formation de l’opposition est en voie de faire une percée spectaculaire en Anatolie. Elle était également donnée en tête dans des chefs-lieux de provinces longtemps tenus par l’AKP, selon des résultats encore partiels.

L’engagement de Recep Tayyip Erdogan – au pouvoir depuis plus de deux décennies – dans cette campagne, et en particulier à Istanbul, ne semble pas avoir suffi. Pire, les résultats de ces municipales ne font que confirmer qu’Ekrem Imamoglu représente un véritable rival pour l’élection présidentielle de 2028. Ce dimanche, le président Erdogan a d’ailleurs concédé « un tournant » pour son camp au vu des résultats des municipales. « Malheureusement nous n’avons pas obtenu les résultats que nous souhaitions », a déclaré le chef de l’État, qui s’exprimait au siège de son parti, l’AKP, à Ankara, devant une foule inhabituellement silencieuse. Il a par ailleurs assuré de « respecter la décision de la Nation » turque.

Les candidats de son parti faisaient en revanche la course en tête dans plusieurs grandes villes d’Anatolie (Konya, Kayseri, Erzurum) et de la mer Noire (Rize, Trabzon), bastions du président Erdogan, tandis que le parti pro-kurde DEM possède une confortable avance dans plusieurs grandes villes du sud-est à majorité kurde, dont Diyarbakir, la capitale informelle des Kurdes de Turquie.

Avec Le Point par C.S. avec AFP

Il y a cent ans, Atatürk proclamait la république de Turquie

octobre 29, 2023

Il y a un siècle, le 29 octobre 1923, la Turquie optait pour un système républicain et laïc. Elle doit cette transformation majeure à un homme d’exception : Mustafa Kemal.

Mustafa Kemal Atatürk à la gare d’Osmaneli, province de Bilecik, en 1923. © SIPA
Mustafa Kemal Atatürk à la gare d’Osmaneli, province de Bilecik, en 1923. © SIPA

« Mon pacha, sois heureux, voilà une bonne chose pour la nation ! » lance Mustafa Kemal à Ismet Inönü, son fidèle second (et futur successeur). Quelques instants plus tôt, ce 29 octobre 1923, à 20h30, les députés réunis à Ankara se sont prononcés en faveur de l’instauration de la République. Non sans réticences : on n’abandonne pas facilement un système politique vieux de six siècles, fût-il déliquescent ! Et pourtant, quinze années suffiront à Mustafa Kemal pour construire, sur les décombres de l’Empire ottoman, un État moderne, ouvert sur l’Occident et respecté dans le monde.

Mais avant de devenir « Atatürk » (le « père des Turcs »), Kemal fut le « Gazi » (« le Victorieux »), celui qui refusa la défaite et sut changer le cours du destin.

En 1914, le sultan Mehmet V et le gouvernement Jeune-Turc font le mauvais choix en se rangeant aux côtés des puissances de l’Axe (Allemagne et Autriche-Hongrie). D’ « homme malade de l’Europe », l’Empire ottoman devient la bête noire des Alliés. Le Royaume-Uni et la France le mettent en coupe réglée et favorisent les prétentions territoriales de la Grèce et de l’Italie. Insupportable pour tout patriote, a fortiori pour Mustafa Kemal, ce brillant officier qui a mis les Britanniques en échec aux Dardanelles, en 1915, et a été promu général ! Démissionnaire de l’armée, il réunit un Congrès national à Sivas (dans le centre du pays), regroupe ses partisans autour d’Ankara, organise des élections dans les régions sous son contrôle et se fait élire chef du gouvernement par une Grande Assemblée nationale.

Désormais, c’est Kemal le rebelle qui aura la faveur du peuple, et non le nouveau sultan Mehmet VI (Vahdettin), réfugié sur un navire de guerre britannique. Car le général refuse les clauses particulièrement humiliantes du traité de Sèvres, signé le 10 août 1920. Ce dernier attribue des pans entiers de l’empire ottoman à des puissances étrangères : la région de Smyrne (Izmir) et la Thrace orientale à la Grèce, la région d’Antalya à l’Italie, et la Cilicie (région d’Adana) à la France. Il prévoit aussi la création d’un État arménien et d’un Kurdistan autonome, ainsi que la neutralisation des Détroits. Enfin, il détache de l’empire ses parties arabophones, qui deviennent théoriquement indépendantes, mais passent de la tutelle des Turcs à celle des Européens.

Vote des femmes

Dans un sursaut d’orgueil, Mustafa Kemal inflige de cuisantes défaites aux Grecs, forçant ces derniers et les Britanniques à conclure un armistice, en octobre 1922. Et il finit par obtenir le traité de Lausanne (24 juillet 1923), qui annule le traité de Sèvres et permet à la Turquie de récupérer les Détroits, Istanbul et son arrière-pays européen, ainsi que toute l’Anatolie.

Fort de son prestige, Kemal en profite pour abolir le sultanat. Mais la révolution kémaliste va plus loin : fasciné par la France républicaine et jacobine, et persuadé que le déclin turc a été favorisé par l’omniprésence d’un islam rétrograde, il pousse la société sur la voie de la laïcité et de l’occidentalisation.

Il emprunte à la Suisse son code civil, à l’Italie son code pénal, à l’Allemagne son code du commerce. Puis il dissout les congrégations et, en 1924, abolit le califat. Le port du voile est interdit et la casquette à visière remplace – symboliquement – le fez traditionnel. À l’alphabet arabe, jusque-là utilisé pour retranscrire le turc, succède l’alphabet latin. Le calendrier grégorien et le repos du dimanche deviennent la norme. Kemal instaure l’égalité des sexes, interdit la polygamie et accorde le droit de vote aux femmes en 1934. Industrialisation, instruction obligatoire, l’œuvre est considérable. Elle a profondément bouleversé une société traditionnelle et musulmane.

La démocratie, elle, s’est fait attendre : à la mort d’Atatürk, en 1938, un seul parti avait droit de cité. Même après l’instauration du multipartisme, en 1946, les militaires n’ont pas hésité à intervenir directement à chaque fois qu’ils estimaient les principes républicains en danger. De réformateur à l’origine, le kémalisme, culte de la personnalité aidant, s’est peu à peu figé en dogme. Un siècle plus tard, il reste toujours aussi fascinant.

Avec Jeune Afrique par Joséphine Dedet

Attaque contre un consulat honoraire de Suède en Turquie : une employée turque blessée

août 1, 2023

Les autorités turques ont arrêté l’agresseur armé et ouvert une enquête après une attaque à main armée, ce mardi, contre le consulat honoraire de Suède.

L'attaque a eu lieu devant le consulat honoraire de Suede en Turquie. (Photo d'illustration).
L’attaque a eu lieu devant le consulat honoraire de Suède en Turquie. (Photo d’illustration).© KENZO TRIBOUILLARD / MAXPPP / IP3 PRESS/MAXPPP

Une employée turque a été grièvement blessée lors d’une attaque à main armée mardi contre le consulat honoraire de Suède dans la province occidentale d’Izmir, dont l’auteur a été arrêté, selon des responsables et des médias. Le bureau du gouverneur a déclaré que l’attaque avait été menée par une personne « mentalement déséquilibrée » dans le district de Konak à Izmir à 09h45. Il n’a pas mentionné le consulat.

L’attaque a eu lieu devant le consulat honoraire de Suède, a rapporté la chaîne privée NTV. La femme blessée, qui y travaillait comme secrétaire, est dans un état critique. Les autorités turques ont arrêté l’agresseur et ouvert une enquête, a déclaré le bureau du gouverneur. Les consulats honoraires représentent les intérêts de leurs ressortissants à l’étranger mais ne sont pas dirigés par des diplomates professionnels.

Crise diplomatique

Cette attaque intervient alors que la Suède est prise dans une crise diplomatique avec plusieurs États musulmans qui lui reprochent d’avoir autorisé des profanations du Coran sur son sol. Lundi, deux hommes ont mis le feu à un exemplaire du livre sacré des musulmans devant le Parlement à Stockholm. Fin juin, ces deux mêmes hommes ont brûlé quelques pages du Coran devant la plus grande mosquée de la capitale suédoise, et le 20 juillet, ils ont profané ce texte, sans le brûler, devant l’ambassade d’Irak. La Suède condamne ces profanations, tout en défendant le droit constitutionnel à la liberté d’expression. Elle a renforcé son alerte antiterrorisme, admettant que ces destructions du Coran « ont augmenté les risques pour la Suède » et les Suédois.

Point par V.D. avec AFP

« Si tu me laisses ici, je vais mourir » : la Turquie, l’enfer caché des étudiants africains

juin 16, 2023

Longtemps attractive pour les étudiants africains, la réputation de la Turquie est-elle en train de s’écrouler ? Jeune Afrique a recueilli le témoignage glaçant d’étudiants qui parlent d’agressions, de prostitution et de viols.

Des piétons devant la porte principale du campus de l’université d’Istanbul, le 10 janvier 2023. © OZAN KOSE/AFP

« Maman, ils refusent de me remettre mon téléphone parce que je suis noire ». Samedi 25 mars, Jeannah Danys Dina Bongho Ibouanga, 17 ans, supplie, en larmes, sa mère de rompre son contrat de bail et de l’envoyer loin de Karabük, même s’il faut que celle-ci divise son argent de poche en deux. Auquel cas, elle retournerait volontiers au Gabon. Dans les notes vocales que Jeune Afrique a pu consulter, elle se dit victime de racisme et raconte subir des menaces de mort depuis au moins 3 mois.

Au moment où sa mère, au Gabon, se presse d’aller emprunter de l’argent pour l’envoyer à sa fille unique, Jeannah Danys Dina Bongho Ibouanga est brutalement assassinée, dimanche 26 mars. Sa dépouille sera retrouvée dans la rivière Filyos par un conducteur de train près de l’université de Karabük, dans le nord de la Turquie. Elle y suivait, comme nombre d’étudiants gabonais, des études de génie mécanique après avoir obtenu un baccalauréat scientifique dans son pays natal.

L’ombre de Dina

Sous la pression des étudiants et des organisations de la société civile, l’université de Karabük convoque une réunion. Mais contre toute attente, des étudiants subissent des « menaces » et sont « interdits » d’évoquer la mort de l’étudiante sous peine d’exclusion. « Les étudiants gabonais et étrangers subissent des pressions pour ne pas parler de la mort de Dina, afin que l’université ne soit pas inquiétée. J’en ai moi-même été témoin », assure Me Kerim Bahadır Seker dans un entretien accordé à Faapa.info.

L’avocat turc de la victime détaille un parcours du combattant et un bras de fer contre l’État turc pour la famille de Dina, qui finira par obtenir que la dépouille de l’étudiante soit rapatriée dans son Gabon natal. Le gouvernement gabonais a, à plusieurs reprises, refusé d’aider la famille à payer la somme exigée pour rapatrier le corps, selon les proches de la disparue.

Jeannah Danys Dina Bongho Ibouanga repose désormais sur la terre des ses ancêtres. Mais pour les organisations de la société civile et les associations d’étudiants africains en Turquie, cet énième assassinat témoigne du malaise général auquel font face les étudiants du continent. Dina est partie, mais son ombre plane toujours sur une Turquie où les étudiants – dont certains ont déjà quitté le pays – restent inquiets quant à leur avenir.

« Jamais vu de Noirs »

La Turquie, qui a intensifié ses actions diplomatiques sur le continent ces dernières années, accueille un peu plus de 61 000 étudiants ressortissants d’Afrique dans ses universités, selon le gouvernement turc. Les mobilités d’études de l’Afrique subsaharienne pour la Turquie ont été mises sur pied à travers une politique d’internationalisation du gouvernement Erdogan, qui cherchait à attirer des milliers de jeunes Africains dans les écoles d’Ankara, Istanbul, Karabük ou Konya.

Une politique d’ouverture qui n’a pas été été forcément très bien accueillie par les populations locales. « J’ai rencontré des gens qui n’avaient jamais vu de Noirs auparavant. Ils étaient choqués de me voir », raconte un étudiant ivoirien à Istanbul, dans une étude de la revue Open edition. Ces dernières années, plusieurs épisodes ont ému les réseaux sociaux. Lors du putsch manqué dans la nuit du 15 au 16 juillet 2016, Alassane Cherif Ly, étudiant en économie, et un autre Sénégalais avaient été arrêtés, détenus et qualifiés de « terroristes » partisans de l’opposant Fethullah Gülen, avant d’être expulsés.

À l’aéroport d’Istanbul, un restaurant a également un temps imposé aux gens de couleur de ne manger uniquement que du poulet et du riz. Au même endroit, le Camerounais Emmanuel Chedjou a vécu une autre mésaventure : les autorités turques l’avaient emballé dans du plastique pour le renvoyer, tel un bagage en soute, vers Yaoundé, via la compagnie Turkish Airlines, au motif qu’il détenait un faux-visa. Depuis les protestations des passagers, il sera finalement incarcéré dans un centre de détention où, a-t-il témoigné sur France 24 : « Les Noirs n’[avaient] pas la parole ». Depuis plusieurs années, nombre d’ONG pointent ainsi une recrudescence des actes racistes vis-à-vis des étrangers, en particulier les Africains.

« Il fallait fuir »

Les agressions sexuelles sont, en particulier, légion. En janvier 2023, deux mois avant le meurtre de la Gabonaise Dina, une étudiante sénégalaise de 21 ans a ainsi été victime d’un « viol collectif », commis par deux citoyens turcs dans une usine où la victime présumée travaillait. Dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur ont dénoncé un « crime odieux et insupportable ». Loin d’être prise en charge et écoutée, la victime avait été mise aux arrêts par la police turque, au prétexte qu’elle séjournait illégalement sur le territoire.

ON PEUT T’EMBARQUER DEVANT TON COPAIN

Sandra*, une autre étudiante, se souvient comme si c’était hier des « pires atrocités » qu’elle dit avoir vécues en Turquie. « Ils vous voient dans les trains, se masturbent et éjaculent devant vous », narre cette jeune Camerounaise dans une vidéo que Jeune Afrique a pu consulter. « Dans les rues, on te fait la cour devant ton copain noir sans que ce dernier n’ait le droit de s’opposer. Des hommes peuvent t’embarquer devant lui et il n’a pas le droit de dire non », raconte-t-elle.

L’étudiante, qui s’est depuis réfugiée en Allemagne, peine encore à tourner la page, quatre ans après : « Une semaine après être arrivée sur le territoire turc, j’ai appelé ma mère au Cameroun. J’ai dit : maman, si tu me laisses ici, je vais mourir. Je veux partir en Grèce ». Sandra restera un an en Turquie entre 2017 et 2018. « Alors que mon année universitaire était validée et payée, j’ai tout laissé et je suis partie. Il fallait fuir ».

Sandra dit toutefois avoir fait de la prison à deux reprises, alors qu’elle tentait de fuir le pays vers le territoire grec, porte d’entrée de l’espace Schengen et de l’Europe de l’Ouest. Dans des centres de détention, la jeune étudiante dénonce des cas de « viols ». « Dans les prisons, on couche les filles [contre leur volonté] », dénonce-t-elle. Si elle a échappé au calvaire et au sort de Dina, c’est, estime-t-elle, « parce que nous étions avec les frères africains et parce qu’on se protégeait entre nous ».

« Ils disent que tout va bien, pourtant c’est faux »

Nicoletta, dont la fille est actuellement étudiante en Turquie, se montre quant à elle très protectrice, espérant que son enfant évite le pire. « Je ne laisse même pas ma fille faire des sorties avec l’école », révèle-t-elle. Mais pour les jeunes Africaines abandonnées à elles-mêmes, il n’existe souvent pas d’issue, en particulier quand elles finissent en centre de détention après avoir tenté de quitter le pays pour l’Europe occidental, souvent la Grèce, l’Allemagne ou la France, comme Sandra.

Les viols, selon la jeune Camerounaise, y sont organisés par des directeurs de prison qui « choisissent les filles de leur choix pour les coucher ». Conséquence : des étudiantes se retrouvent avec des enfants de père turc inconnu, « tellement elles ont été violées ». La femme noire est « utilisée » comme un « instrument », dénonce-t-elle.  « Les étudiants qui sont en Turquie ne veulent pas dire la vérité à ceux qui tentent d’immigrer là-bas. Ils disent que tout va bien, pourtant c’est faux ».

« Les démarcheurs [des employés d’agences en Afrique] m’ont dit que c’était facile de rejoindre la Grèce par la Turquie, car il suffit juste de traverser une route en marchant. Mes parents et moi sommes tombés dans le piège », poursuit Sandra. Depuis son lieu de résidence en Allemagne, elle a décidé de parler de son séjour d’un an en Turquie. Mais l’étudiante n’arrive pas encore à tout raconter, et pas à tout le monde. « Il y a des choses que je ne dis pas à ma maman. J’ai supporté, pensant que ça allait passer. Depuis la mort de Dina, j’ai décidé de parler ».

« 50 livres, avec ou sans préservatif »

Sarah, une autre étudiante, a quant à elle été victime d’une arnaque au faux permis de résidence, qui n’arrange rien à la situation des étudiants africains. Ceux-ci, explique cette autre jeune Camerounaise, seraient « traqués par la police turque » à la recherche de papiers frauduleux délivrés par de fausses agences d’aide à l’immigration, qui pullulent en Turquie sans que les autorités parviennent à démanteler leurs réseaux. Dans l’illégalité sans l’avoir voulu, nombre d’Africains, qui peuvent travailler plusieurs mois sans être payés, basculeraient une nouvelle fois dans une dangereuse précarité.

CERTAINES VENDENT DU SEXE 24 HEURES SUR 24

Sarah décrit ainsi des étudiantes souvent contraintes de « se prostituer » pour survivre, et notamment pour payer des billets de train et se déplacer. « À chaque gare, il y a des clients. On vous propose 50 livres, avec ou sans préservatif », explique l’étudiante. Elle dit avoir été tentée par la pratique, en raison de ses difficultés financières. Certaines Africaines, ajoute-t-elle, « vendent du sexe 24 heures sur 24 » au même carrefour, chaque jour. « Les Turcs pensent que nous sommes toutes comme ça.. »

« Dans les files d’attente, dans les restaurants, il y a des gens qui te demandent combien tu prends, ou si c’est avec ou sans préservatif. Que tu soies mariée ou non, il ne te respecte pas », raconte t-elle. Parfois, la solidarité entre ressortissants du continent protège les plus vulnérables. Mais d’autres fois, les « frères africains » se font complices. Et proxénètes. « Beaucoup d’étudiantes sont forcées à se prostituer avec la complicité de frères qui les surveillent », dénonce l’étudiante camerounaise. « Elles ont souvent été lâchées par la famille et sont obligées de tomber là-dedans ». Pour elles, l’eldorado turc a viré à l’enfer.

Avec Jeune Afrique Yves Plumey Bobo

Qui assistera à l’investiture d’Erdogan en Turquie ?

juin 2, 2023

Le président turc prête serment le 3 juin. Une vingtaine de chefs d’État, dont des Africains, sont attendus à Ankara.

Recep Tayyip Erdogan, le chef de l’État turc, à Ankara, le 28 mai 2023. © Halil Sagirkaya/Anadolu Agency via AFP

Quelque 20 dirigeants et 45 ministres étrangers sont attendus à Ankara, le 3 juin, à la prestation de serment de Recep Tayyip Erdogan. Ce dernier, Premier ministre à partir de 2003, puis élu président en 2014 et en 2018, a été réélu, ce 28 mai, avec 52,18 % des voix pour un troisième et dernier mandat.

La cérémonie aura lieu au palais présidentiel de Külliye, à 17 heures. Elle sera suivie d’un dîner d’État au palais de Çankaya, à 19 heures. À 22 heures, la composition du nouveau gouvernement sera divulguée.

Sassou Nguesso, Embaló…

Parmi les présidents africains qui ont confirmé leur venue figurent le Sénégalais Macky Sall, le Congolais Denis Sassou Nguesso, le Bissau-Guinéen Umaro Sissoco Embaló, le Rwandais Paul Kagame, le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et le Somalien Hassan Sheikh Mohamoud.

Sont également annoncés des Premiers ministres, comme le Qatari Mohammed Ben Abderrahmane Al Thani, le Djiboutien Abdoulkader Kamil Mohamed ou le Pakistanais Muhammad Shehbaz Sharif, ainsi que des ministres des Affaires étrangères, dont Mahamat Saleh Annadif (Tchad) et Naledi Pandor (Afrique du Sud).

Autre personnalité à faire le déplacement : Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan – à un moment critique, puisque la Turquie continue de s’opposer à l’entrée de la Suède dans l’organisation.

Viatcheslav Volodine, président de la Douma d’État (le Parlement russe), représentera Vladimir Poutine. Le président azerbaïdjanais, Ilham Aliyev, et plusieurs chefs d’État des Balkans et d’Asie centrale seront eux aussi présents.

Après ces cérémonies, le président des Émirats arabes unis, Mohammed Ben Zayed (MBZ), sera le premier dirigeant étranger que Recep Tayyip Erdogan recevra, le 10 juin. Après un tête-à-tête, les deux hommes assisteront à la finale de la Ligue des champions, à Istanbul.

Avec Jeune Afrique par Joséphine Dedet

Turquie : victoire sans surprise d’Erdogan, réélu président

Mai 28, 2023

Le second tour de la présidentielle a confirmé la tendance du premier scrutin. Recep Tayyip Erdogan est réélu avec une marge confortable sur Kemal Kiliçdaroglu. 

Recep Tayyip Erdogan a ete reelu president de la Turquie, dimanche 28 mai.
Recep Tayyip Erdogan a été réélu président de la Turquie, dimanche 28 mai.© MEHMET ESER / ANADOLU AGENCY / Anadolu Agency via AFP

Cette fois, il n’y a pas vraiment eu de suspense. Il y a deux semaines, Recep Tayyip Erdogan avait dû attendre 1 heure du matin pour apparaître devant ses partisans. Dimanche, à l’issue du second tour de la présidentielle, il a pu célébrer sa victoire à 20 heures, avant la tombée de la nuit, poussant la chansonnette, perché sur le toit d’un bus. Une foule de supporters agitait des drapeaux turcs et se massait dans l’enceinte de son palais, sur les hauteurs d’Ankara. « Bye bye Monsieur Kemal » a-t-il lancé. 

L’écart en faveur du président sortant, après le premier tour de cette élection, s’est avéré impossible à combler pour son adversaire, Kemal Kiliçdaroglu. Les résultats du 14 mai n’ont guère évolué ce dimanche et Recep Tayyip Erdogan maintient une avance d’environ 2,5 millions de voix. Il arrive en tête dans plus de 50 provinces sur 82. Il obtient 52 %, contre près de 48 % à son adversaire.

Les mains libres jusqu’en 2028

Les votes qui étaient allés en faveur de Sinan Ogan, le candidat ultranationaliste du premier tour, se sont dispersés entre les deux prétendants, sans jouer de rôle décisif. Le principal opposant à Erdogan avait pourtant durci son discours dans l’entre-deux tours contre les migrants syriens, promettant de les renvoyer dans leur pays dans les deux mois qui suivraient son élection. Mais dans ces deux semaines de campagne de second tour, l’opposition aura eu du mal à faire abstraction de ses divisions et de l’incohérence de son projet. En face, Erdogan a rassuré et s’est montré sûr de lui.

Le taux de participation, d’environ 85 % sur le plan national, est en recul de trois à six points selon les régions, celles de l’Est, à majorité kurde, étant celles qui se sont le plus abstenues. Quelques voix qui, au final, manquent à l’opposition. 

Cette élection confirme la totale maîtrise du processus électoral par Erdogan, malgré un contexte défavorable. Ni la profonde crise économique vécue par les foyers turcs, ni les effets de la catastrophe sismique de février, n’ont empêché le « reis » de remporter une nouvelle victoire, tout en préservant l’apparence d’une élection démocratique.

« Nous avons ouvert les portes du Siècle turc (…) Personne ne peut regarder notre nation de haut », a déclaré Erdogan. Il a désormais les mains libres pour gouverner jusqu’en 2028. Et pour remporter de nouvelles élections. « Demain, c’est 2024. Etes-vous prêts à remporter les élections locales à Istanbul ? », a lancé le président à ses troupes. Ils sont prêts.

Macron félicite Erdogan

Dans la soirée, Emmanuel Macron a félicité Recep Tayyip Erdogan pour sa réélection, estimant que « la France et la Turquie ont d’immenses défis à relever ensemble ». Parmi ces « défis », le président français cite, sur Twitter, le « retour de la paix en Europe, l’avenir de notre Alliance euro-atlantique, la mer Méditerranée ». « Avec le président Erdogan, que je félicite, nous continuerons à avancer », a ajouté le chef de l’Etat.

La France et la Turquie ont d’immenses défis à relever ensemble. Retour de la paix en Europe, avenir de notre Alliance euro-atlantique, mer Méditerranée. Avec le Président Erdogan, que je félicite pour sa réélection, nous continuerons à avancer.— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) May 28, 2023

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a également adressé ses félicitations à Recep Tayyip Erdogan, espérant un « renforcement » des liens entre leurs deux pays et de leur « coopération pour la sécurité et la stabilité » en Europe. Le chancelier allemand Olaf Scholz a aussi dit espérer que la réélection de M. Erdogan donnerait « un nouvel élan » aux relations entre les deux pays pour « faire avancer leur agenda commun ».

« J’ai hâte de continuer à travailler ensemble en tant qu’alliés au sein de l’Otan sur des questions bilatérales et des défis mondiaux », a pour sa part tweeté Joe Biden. Le Premier ministre britannique Rishi Sunak a lui aussi dit sa « hâte de poursuivre l’étroite collaboration entre nos pays, qu’il s’agisse de développer le commerce ou de faire face aux menaces en matière de sécurité en tant qu’alliés au sein de l’Otan ».

L’opposant turc Kemal Kiliçdaroglu, défait à l’issue de ce second tour, a quant à lui exprimé sa « tristesse » pour l’avenir de la Turquie. « Je suis profondément triste face aux difficultés qui attendent le pays », a-t-il déclaré depuis le siège de son parti à Ankara.

Avec Le Point par Guillaume Perrier

#JusticePourDina : noyade accidentelle ou « assassinat » d’une étudiante gabonaise en Turquie ?

mars 31, 2023

Le décès, en Turquie, d’une jeune femme originaire du Gabon émeut les réseaux sociaux, qui appellent à la mobilisation et réclament justice.

– © Damien Glez

« Noyée », « noire », « assassinée ». Voilà les tristes mots clés qui circulent sur les réseaux sociaux et dans la presse depuis la confirmation de la mort de Jeannah Danys Dinabongho Ibouanga, étudiante gabonaise de 18 ans, par son université turque et son ambassade.

« Noyée », car le corps de celle que l’on surnommait « Dina » a été retrouvé, le 25 mars dernier, dans la rivière de Filyos, près d’une voie ferrée, à proximité de l’Université de Karabük, où elle étudiait le génie mécanique. « Noire », ainsi que le soulignent certains posts, comme ce tweet d’une autre étudiante : « Elle était noire. Elle était l’espoir de sa famille, elle aimait la vie et n’avait pas prévu de la laisser aussi vite. »

« Assassinat »

« Mais pourquoi commencer forcément par “noire” ? » et « Pourquoi en faire forcément une histoire raciste ? » répond un autre internaute qui semble partager cette même couleur de peau. Surgit alors le troisième mot clé. Si le procureur de Karabük précise qu’il n’y avait « aucun signe d’agression sexuelle » sur le corps, qu’aucune « blessure par arme blanche ou par balle n’a été détectée », qu’il n’y a pas eu de « décès avant d’entrer dans le ruisseau » et qu’il s’agirait d’un « incident mortel […] par noyade », le ministère gabonais des Affaires étrangères, lui, a fait part dans un communiqué de sa « consternation et de sa vive préoccupation » après « l’assassinat » de la jeune femme.

L’étudiante aurait exprimé le souhait de s’inscrire à l’Université de Sakarya. Selon un message vocal qui lui est attribué, il y aurait moins de « racisme là-bas ». Une autopsie devrait être effectuée.

L’émotion s’est répandue comme une traînée de poudre. Le hashtag #JusticepourDina a engendré une manifestation, dans l’enceinte de l’établissement de la victime, et charrié des appels à sit-in devant les représentations diplomatiques turques, notamment à Libreville. Dans la presse, les hommages se font plus emphatiques. Le coordinateur général de l’Observatoire chrétien pour la paix (OCP), par exemple, considère sur gabonmailinfos.com qu’au-delà du décès de Dina, « c’est l’expression de la jeunesse intellectuelle gabonaise qui se meurt ».

Diplomatiquement offensive sur le continent, la Turquie de Recep Tayyip Erdogan présente l’éducation comme son axe principal de coopération avec l’Afrique. Elle accueille de plus en plus d’étudiants du continent – leur nombre a augmenté de 50 % en trois ans –, avec des bourses d’études pour la majorité d’entre eux.

Avec Jeune Jeune Afrique

Damien Glez

Par Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

Turquie frappée par deux nouveaux séismes lundi

février 20, 2023

Deux semaines après un séisme qui a fait plus de 41 000 morts, la Turquie a été sinistrée lundi par deux nouvelles secousses, de magnitude 6,4 et 5,8.

Un nouveau seisme, d'une magnitude de 6,4, a ete enregistre dans le sud de la Turquie lundi. (image d'illustration)
Un nouveau séisme, d’une magnitude de 6,4, a été enregistré dans le sud de la Turquie lundi. (image d’illustration)© OMER URER / ANADOLU AGENCY / Anadolu Agency via AFP

La Turquie à nouveau dévastée par une catastrophe naturelle. Deux nouveaux séismes de magnitudes 6,4 et 5,8 ont été enregistrés lundi 20 février au soir dans la province turque de Hatay, au sud du pays. Cette région avait été la plus éprouvée par le tremblement de terre du 6 février qui a fait plus de 41 000 morts en Turquie, a rapporté l’agence turque de secours Afad.

L’agence de secours a appelé sur Twitter la population à rester à l’écart de la côte par précaution, mettant en garde contre le risque de submersion. La province de Hatay borde la Méditerranée, et possède en son sein la ville d’Antakya dans les terres et le grand port de marchandises d’Iskenderun sur le littoral.

La première secousse, de magnitude 6,4, dont l’épicentre était situé à Defne, un district distant d’une quinzaine de minutes en voiture – en temps normal – d’Antakya, est survenue à 20 h 4 locales (18 h 4 à Paris) et a été très violemment ressentie par les équipes de l’Agence France- Presse à Antakya et à Adana , 200 km plus au nord. Elle a été suivie trois minutes plus tard d’une nouvelle secousse de magnitude 5,8 à Samandag, une localité côtière au sud d’Antakya, a signalé l’Afad qui redoute « une élévation du niveau de la mer jusqu’à 50 cm ».

« On avait l’impression que la terre était en train de s’ouvrir pour nous avaler »

Les secousses ont été également ressenties dans la région d’Alep, dans le nord-ouest de la Syrie, ont rapporté les correspondants de l’Agence France-Presse sur place, qui ont vu la population paniquée quitter les habitations et sortir dans les rues. Des pans d’immeubles endommagés se sont écroulés, a précisé un photographe.

À Antakya aussi, la secousse a suscité un mouvement de panique parmi la population déjà durement éprouvée et a soulevé d’importants nuages de poussière dans la ville en ruines. Sur une place du centre de la ville, Ali Mazloum, un jeune Syrien de 18 ans, a témoigné à l’Agence France-Presse de l’intensité de ce tremblement de terre. « On était avec l’Afad qui recherche les corps de nos proches quand la secousse nous a surpris. Tu ne sais pas quoi faire », a-t-il confié.

« On s’est attrapés les uns les autres et, juste devant nous, les murs ont commencé à s’effondrer. On avait l’impression que la terre était en train de s’ouvrir pour nous avaler », a-t-il également confié. Non loin, un tractopelle pleins phares s’employait à dégager une avenue de deux fois deux voies, recouverte de gravats. « Celui-là vient de tomber », a lancé à l’Agence France-Presse un secouriste en désignant les restes d’un bâtiment écroulé.

Plus de 6 000 répliques enregistrées depuis le séisme du 6 février

Un journaliste de l’Agence France-Presse a vu et entendu s’écrouler plusieurs pans de murs d’immeubles déjà très endommagés et plusieurs personnes, apparemment blessées, appeler au secours. Ali, qui vit depuis douze ans à Antakya, est toujours à la recherche des corps de sa sœur et la famille de celle-ci, ainsi que de ceux de son beau-frère et de sa famille disparus depuis quatorze jours.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan s’est rendu lundi dans la province de Hatay, frontalière de la Syrie, l’une des onze provinces du sud de la Turquie affectées par le séisme du 6 février et l’une des deux seules avec Kahramanmaras où les recherches et les fouilles se poursuivent. Les autorités turques les ont arrêtées dimanche partout ailleurs et l’espoir de retrouver des survivants est pratiquement inexistant après quatorze jours.

Selon le chef de l’État, plus de 118 000 bâtiments ont été détruits ou gravement endommagés. L’Afad assure que plus de 6 000 répliques ont été enregistrées depuis le tremblement de terre d’une magnitude de 7,8 qui a dévasté le sud de la Turquie et la Syrie il y a exactement deux semaines.

Le Point.fr par Quentin Marchal avec Agences

Ghana : Christian Atsu parmi les victimes du tremblement de terre en Turquie

février 18, 2023

DÉSOLATION. L’international ghanéen du club turc de Hatayspor a été retrouvé mort samedi sous les décombres de l’immeuble où il vivait à Hatay.

L'international ghaneen a malheuresement ete retrouve sous les decombres de son immeuble de Hatay qui s'est ecroule lors du tremblement de terre du 6 fevrier en Turquie.
L’international ghanéen a malheureusement été retrouvé sous les décombres de son immeuble de Hatay qui s’est écroulé lors du tremblement de terre du 6 février en Turquie. © OZAN KOSE / AFP

Près de deux semaines après le séisme qui a frappé le sud de la Turquie le 6 février, ce que l’on craignait s’est confirmé. « Le corps sans vie d’Atsu a été retrouvé sous les décombres. On retire encore ses affaires. Son téléphone a aussi été retrouvé », a affirmé Murat Uzunmehmet, son agent en Turquie, cité par l’agence privée turque DHA. Cela met fin à une lourde période d’inquiétude et de recherches pour les proches du footballeur de 31 ans.

Confirmation de la mort du joueur par plusieurs sources

« C’est avec le cœur lourd que je dois annoncer à tous […] que le corps de Christian Atsu a été retrouvé ce matin », a de son côté indiqué sur son compte Twitter Nana Sechere, l’agent ghanéen d’Atsu. « Je présente mes plus sincères condoléances à sa famille et à ses proches. Je voudrais profiter de cette occasion pour remercier tout le monde pour leurs prières et leur soutien », a-t-il ajouté. Selon les médias turcs, l’ancien joueur de Chelsea et de Newcastle en Angleterre a été découvert sous les décombres de la résidence Rönesans, une tour de 12 étages qui s’est effondrée dans le séisme. « L’ambassade du Ghana en Turquie, qui a transmis la triste nouvelle, indique que le corps a été retrouvé tôt ce matin », explique dans un communiqué le ministère ghanéen des Affaires étrangères. « Le frère aîné, la jumelle de Christian Atsu ainsi qu’un attaché d’ambassade étaient présents sur le site au moment où le corps a été récupéré », précise le texte. L’ambassade ghanéenne en Turquie et la Fédération ghanéenne de football avaient initialement assuré que l’attaquant avait été retrouvé vivant 24 heures après le tremblement de terre, mais ces informations s’étaient par la suite révélées fausses. Le promoteur de la résidence de luxe transformée en ruine, où 800 personnes seraient ensevelies, a été arrêté la semaine dernière alors qu’il tentait de quitter la Turquie. Le séisme, suivi de puissantes répliques, a tué plus de 40 000 personnes en Turquie et en Syrie, selon les derniers bilans officiels diffusés vendredi, faisant également des milliers de blessés et de sans-abri par un froid glacial.

Christian Atsu, un Black Star passé par de nombreux clubs

En équipe nationale du Ghana, Atsu, impliqué par ailleurs dans plusieurs actions caritatives, aura eu une carrière vraiment bien accomplie. C’est ainsi qu’il a été retenu pour représenter son pays dans quatre éditions de la Coupe d’Afrique des nations. Pour commencer, il a été du voyage pour le Mondial 2014 au Brésil où les Black Stars ont été éliminés dès le premier tour. Titulaire en finale en 2015 contre la Côte d’Ivoire mais remplacé en prolongations, juste avant la séance de tirs au but homérique perdue par les siens, Christian Atsu avait d’ailleurs été désigné meilleur joueur de la CAN 2015. Il a aussi été retenu dans l’équipe type de la CAN en 2017. Le signe de performances qui ont pu justifier qu’il ait attiré l’attention de clubs européens mais aussi asiatiques.

Christian Atsu avait été recruté en septembre dernier par le club turc de Hatayspor, basé dans la province de Hatay (Sud), près de l’épicentre du violent séisme qui a frappé le 6 février la Turquie et la Syrie, loin du Ghana, où il avait grandi dans une famille de dix enfants. Formé dans son pays natal au sein d’une académie du club néerlandais du Feyenoord, le petit ailier de 1,65 m, arrivé à 17 ans en Europe en 2011 au FC Porto, avait rapidement séduit certaines des plus grandes écuries du continent, suscitant par sa vivacité balle au pied des comparaisons avec Lionel Messi. C’est Chelsea qui l’avait finalement attiré en 2013, mais le club londonien l’avait immédiatement envoyé en prêt au Vitesse Arnhem aux Pays-Bas.

Ballotté ensuite de club en club, Atsu, passé sans convaincre par Everton, Bournemouth et Malaga, ne disputera finalement aucun match officiel sous les couleurs des Blues. Prêté en 2016 à Newcastle, il y est transféré l’année suivante pour près de 8 millions d’euros. Il n’inscrit que trois buts en quatre saisons avec les Magpies, avant de s’exiler en Arabie saoudite en rejoignant l’équipe d’Al-Raed, puis Hatayaspor. Plusieurs de ses anciens clubs, dont, Porto, Chelsea et Newcastle, lui ont rendu un hommage samedi matin par voie de communiqué. Atsu laisse une veuve et trois enfants orphelins.

Par Le Point Afrique

Expulsé de Turquie, un reporter du Point raconte

février 10, 2023

Guillaume Perrier a été arrêté par la police turque à l’aéroport d’Istanbul et empêché de se rendre dans les zones touchées par le séisme. Il témoigne.

Le nouvel aeroport d'Istanbul, inaugure en 2018 par le president Recep Tayyip Erdogan. Le reporter du Point Guillaume Perrier y a ete arrete et expulse alors qu'il tentait de se rendre dans les regions touchees par les seismes dans le sud du pays.
Le nouvel aéroport d’Istanbul, inauguré en 2018 par le président Recep Tayyip Erdogan. Le reporter du Point Guillaume Perrier y a été arrêté et expulsé alors qu’il tentait de se rendre dans les régions touchées par les séismes dans le sud du pays.

Il est 18 h 45, mercredi, lorsque j’atterris à l’aéroport d’Istanbul. Je sors en vitesse de l’avion pour attraper un vol intérieur et rejoindre, dans la soirée, la ville de Kayseri, puis, de là, les zones touchées par les terribles tremblements de terre. Comme toute la Turquie, je suis un peu sous le choc. J’espère être rapidement sur le terrain. Je suis en contact depuis deux jours avec des amis et des connaissances dans les différentes régions touchées, à Marash, à Adiyaman, à Diyarbakir, à Gaziantep… Certains ont passé deux nuits dehors avec leurs familles, terrorisés et transis ; d’autres organisent des convois de vivres et de couvertures pour les villages les plus isolés… Je pars les retrouver, passer du temps avec eux. Je sais que ce sera un reportage difficile, mais je suis impatient d’y être, pour faire mon métier. Lorsque j’arrive au guichet de contrôle des passeports, je suis déjà projeté sur la longue route qui m’attend.

Face à l’ampleur du désastre, devant les destructions énormes provoquées par les deux méga séismes qui ont secoué la Turquie et le nord de la Syrie, lundi, je n’ai pas hésité longtemps à partir. Dès les premières heures, il est clair que le bilan humain dépassera celui du séisme d’Izmit en 1999, qui fit, officiellement, 17 000 morts, près d’Istanbul. Ma place était sur ce terrain meurtri, dans ces régions et ces villes que je connais bien et dans lesquelles j’ai effectué d’innombrables reportages ces dernières années. Je voulais raconter le déploiement des opérations de secours, la solidarité internationale qui se met en place, la détresse des populations, l’incertitude que cela allait faire planer sur les élections, prévues dans 3 mois… Raconter aussi à quel point les tremblements de terre et leur mémoire sont inscrits dans l’histoire et la géographie des lieux. Être là, aux côtés de la Turquie et des Turcs, dans cette terrible épreuve.

De la bouche des survivants, j’ai souvent entendu les récits des catastrophes d’Erzincan, rasée en 1939 par une secousse de 7,9 sur l’échelle de Richter, de Lice en 1975, de Samsun ou Kütahya. Tous ceux qui ont vécu une secousse, même brève, connaissent cette sensation qui s’imprime dans un coin du cerveau et ne le quitte plus jamais. J’en ai moi aussi ressenti quelques-unes. À Istanbul, où j’ai habité pendant dix ans, le risque sismique fait partie du quotidien de chacun, c’est une réalité qui a traversé les siècles. Sainte-Sophie, détruite à plusieurs reprises, reconstruite et renforcée par des piliers antisismiques qui lui donnent cette allure caractéristique, est là pour en témoigner.

Les mystères des tremblements de terre

Le plus effrayant lorsque la terre commence à trembler, c’est qu’on ne sait pas quelle sera la durée et l’intensité de la secousse. Il faut attendre que cela se termine. Elle est, le plus souvent très brève, quelques secondes, parfois dix ou vingt. Lundi, cela a duré plus d’une minute.

Au 4e étage de l’immeuble où je vivais à l’époque, sur la rive européenne du Bosphore, les murs se mettaient parfois à danser et, d’un bond, je plongeais sous une grosse table en bois pour me protéger. À chaque fois, heureusement, il s’agissait de petites secousses, 4 ou 5 sur l’échelle de Richter, qui ne provoquaient pas trop de dégâts. Je voyais aussi les petits sacs que les Turcs rangeaient souvent dans un coin de leur appartement, derrière une porte. Des sacs de survie avec un peu d’eau, un paquet de biscuits, un sifflet, une couverture. Je connaissais les gestes, ceux qu’on apprend aux enfants dans les écoles, comment se recroqueviller en position fœtale, en protégeant ses organes vitaux.

En 2011, un séisme de 7 fit près d’un millier de morts dans la région de Van, tout à l’est du pays. J’étais parti immédiatement sur les lieux. Les conditions de reportage étaient difficiles : un froid glacial, peu de nourriture et d’eau, des opérations de secours compliquées, des répliques violentes qui faisaient trembler la terre toutes les dix minutes et fragilisaient un peu plus les bâtiments qui n’étaient pas tombés. Je me souviens qu’un hôtel de Van, où s’étaient installés des sauveteurs japonais et près duquel je dormais, s’était ainsi écroulé un matin faisant de nombreuses victimes. J’avais retenu cette leçon, il faut toujours dormir dans une voiture. De ce reportage, une sensation m’avait marquée. Celle de ce silence, lourd et épais, dans la nuit noire, l’oreille tendue de tous les sauveteurs, des proches de disparus, pour essayer d’entendre, dans les tas de gravats, la sonnerie d’un téléphone, une voix, une respiration. Cette gravité qui unit tout le monde, dans le but de sauver qui peut l’être.

Le huis clos de l’aéroport

Je tends mon passeport au policier, échange avec lui quelques formalités cordiales, lui présente mes condoléances pour les victimes. Il me répond d’un sourire et d’un clignement des yeux, je regarde la petite caméra qui m’enregistre. Il s’apprête à tamponner mon document, lorsqu’un dernier coup d’œil sur son écran d’ordinateur l’interrompt dans son geste. Il me demande de me mettre sur le côté et envoie mon passeport au guichet du chef. Dix longues minutes plus tard, mon passeport revient avec un autre fonctionnaire et l’on m’annonce que je fais l’objet d’une « interdiction de territoire ». Je suis escorté jusqu’à un autre guichet, à l’autre bout du gigantesque terminal de l’aéroport. Je comprends que mon voyage va prendre un itinéraire qui n’était pas celui que j’avais envisagé. Mon vol vers Kayseri va bientôt décoller, mon reportage va tourner court. Je me préparais aux paysages enneigés, aux villes détruites, aux étendues sinistrées. Je ne vais pas sortir du huis clos de l’aéroport.

Dans ce hall que je traverse dans la foulée du policier qui tient mon passeport, je croise un groupe de 16 pompiers français qui vient d’arriver, sans doute par le même vol que moi. Au guichet où l’on me mène, il y a des Canadiens, des Américains, des Algériens… Un groupe d’une trentaine de sauveteurs Taïwanais, tout de rouge vêtus, qui arrive en file indienne, d’un pas militaire… Les secouristes débarquent par milliers, de toute la planète. Une policière à peine trentenaire tamponne leurs passeports à la chaîne. « Combien de personnes ? Combien de chiens ? » demande-t-elle ? J’ai aussi été rejoint par une jeune femme, de nationalité bosnienne. Elle porte un niqab écru, d’où n’émergent que deux yeux bleu clair et quelques centimètres carrés de peau blanche. Elle ne comprend pas le turc, je fais la traduction.

La jeune fonctionnaire de police a l’air surprise lorsque je lui explique que je suis journaliste et que je suis venu couvrir les événements, comme des dizaines de confrères et de consœurs. Son écran lui indique que je suis interdit de territoire, suite à une décision administrative qui date de novembre 2022. Personne n’en sait plus et il n’y a aucun moyen d’obtenir plus de précisions. Rapidement elle m’explique que je serai expulsé vers Paris par le premier vol, celui de 7 heures le lendemain matin. Je passerai donc la nuit en rétention à l’aéroport. Comme la jeune Bosnienne qui, à côté de moi, se met à fondre en larmes, derrière son niqab.

En Turquie, les restrictions de la liberté de la presse

Cette péripétie n’est pas une grande surprise. Je m’étais préparé à un tel scénario. Ces dernières années, de nombreux confrères étrangers se sont vus interdire l’entrée en Turquie sous divers prétextes, rarement très clairs. D’autres ont été expulsés. Certains d’entre eux étaient des correspondants de longue date, des reporters chevronnés. Et je ne parle même pas de tous les journalistes turcs qui subissent depuis des années les nombreuses restrictions à la liberté de la presse, largement documentées, sous le régime de Recep Tayyip Erdogan. Je ne connais pas la raison de la décision qui me concerne. Un tweet ? Un article ? Une interview ? Certaines de mes enquêtes récentes ont sans doute fait tiquer quelques lecteurs attentifs à Ankara. Mais malgré tout les signaux contraires, je voulais croire que l’on me permettrait de continuer à faire mon métier de journaliste dans ce pays, la Turquie, dans lequel j’ai tant d’attaches. Cela fait près de 20 ans que j’y travaille, j’y ai vécu dix ans et j’y ai réalisé des centaines de reportages, d’articles nourris par une bonne connaissance du pays et des gens qui le peuplent. Je n’y ai jamais ressenti aucune forme d’hostilité, bien au contraire. Et même là, à l’aéroport d’Istanbul, ce n’est pas du tout le cas.

Je suis conduit jusqu’aux locaux de la police de l’immigration (göç idaresi), toujours dans la zone internationale de l’aéroport. Là encore, les fonctionnaires de police sont aimables et semblent aussi désolés que moi. Nous parlons des dernières nouvelles. Tout le monde est abasourdi par la catastrophe qui vient de se produire en Anatolie. Chacun y connaît quelqu’un qui est touché. Mes bagages sont rapidement inspectés, on me confisque mes stylos, ma ceinture, ainsi qu’une plaquette de paracétamol. Et on me conduit dans une sorte de cellule améliorée, avec une pièce de vie commune et quelques chambres spartiates autour, équipées de fauteuils dont la couleur et l’odeur témoignent un certain vécu. Les pièces sont éclairées par des néons blafards que l’on a interdiction d’éteindre et surveillées 24 heures/24 par des caméras. On me dépose un plateau-repas avec un peu de riz et des haricots, quelques cuillérées de soupe de lentilles froide. La porte est fermée à clé. Il n’y a pas de fenêtre. On peut appeler un gardien grâce à un combiné accroché au mur. Dans la pièce de vie commune, arrivent d’autres voyageurs naufragés : un groupe d’Algériens, dont les documents de voyage étaient suspects, des sans-papiers somaliens, un touriste italien, dont la carte d’identité était abîmée. Je discute avec deux Iraniens, qui ont visiblement une certaine habitude de la procédure d’expulsion. L’un d’eux, qui baragouine quelques mots de français depuis un séjour dans la prison de Saint-Omer, m’explique être un passeur de migrants. Il connaît bien la région de Calais. Je sers de traducteur entre les policiers qui ne parlent pas anglais et les nouveaux arrivants qui ne parlent souvent pas un mot de turc.

Les heures passent dans cette zone de rétention aéroportuaire. J’ai pu garder mon téléphone, ce qui me permet de tenir quelques personnes informées de ma situation. Et de suivre via Twitter, les dernières nouvelles du terrain. Le bilan des séismes s’alourdit d’heure en heure. 2 000, 3 000 morts… Quand on sait l’utiliser et suivre les bonnes sources, le réseau social fait remonter des informations utiles depuis les lieux sinistrés. Il permet aussi parfois de localiser des victimes, de coordonner des opérations… Mais tard dans la soirée, le réseau ralentit, des coupures sont signalées, des voix s’élèvent contre ce qui est perçu comme une nouvelle censure de l’information par le pouvoir. Dans ces premières heures, les autorités se voient reprocher par l’opposition turque et par beaucoup de « Depremzedeler » – les survivants des séismes- d’être plus préoccupées par la gestion de leur image à trois mois des élections, que par le drame qui frappe l’Anatolie.

Pendant cette longue attente, je repense aussi à cette menace sismique qui plane depuis des décennies sur Istanbul. La faille nord-anatolienne qui traverse le nord de la Turquie et passe à quelques kilomètres d’ici et menace de provoquer un tremblement de terre majeur, de la même ampleur que ceux de lundi. Mais Istanbul compte 17 millions d’habitants et l’on sait que plus de la moitié des constructions y est construite hors des règles légales et des normes antisismiques. Une telle catastrophe y serait encore plus destructrice. Est-ce que cet aéroport gigantesque dans lequel je passe la nuit, le plus grand du monde, construit à Istanbul ces dernières années et dont le chantier continue au moins jusqu’en 2027, résisterait à ce « big one » ? Les géants du secteur de la construction, cinq entreprises proches du pouvoir de Recep Tayyip Erdogan, qui ont obtenu ce marché public et beaucoup d’autres à travers tout le pays, dans quelle mesure ont-ils tenu compte du risque sismique ?

L’heure de rejoindre Paris

Il est bientôt trois heures, la pièce s’est vidée, les passeurs iraniens ont été reconduits vers Téhéran. Rattrapé par la fatigue, je m’assoupis un peu sur mon fauteuil orange, malgré la lumière et cette caméra, au-dessus de ma tête. Mais à 4 h 15, des bruits des perceuses et de marteaux me tirent brusquement de ce demi-sommeil. En Turquie, on n’arrête jamais de construire, même la nuit. Les Algériens sont toujours là, mais moins bavards qu’à leur arrivée. Un Tchétchène nerveux fait des allers-retours aux toilettes pour fumer des cigarettes. Peu après six heures, un gardien vient me chercher. Il est l’heure de partir. Mon passeport et la notification de la décision de m’expulser sont glissés dans une enveloppe et confiés à une jeune femme qui m’accompagne jusqu’à l’avion. Je retraverse dans sa foulée l’immense terminal aéroportuaire quasiment désert.

À 7 heures, je suis à la porte du vol Air France qui me ramène à Paris. C’est le même équipage que la veille. Comme dans toute procédure d’expulsion, mon passeport est remis au commandant de bord et ne me sera rendu qu’à l’arrivée par la police française. Je vais dormir pendant tout le trajet, le cœur serré de ne pas pouvoir aller raconter le sort de ces dizaines de milliers de Turcs frappés par le séisme. Je quitte finalement la Turquie, ce pays que j’aime tant et qui est aussi un peu le mien, avec une interdiction de territoire temporaire. Temporaire. Je ne veux retenir que ce mot.

Avec Le Point par Guillaume Perrier