Posts Tagged ‘Turquie’

Turquie : victoire sans surprise d’Erdogan, réélu président

mai 28, 2023

Le second tour de la présidentielle a confirmé la tendance du premier scrutin. Recep Tayyip Erdogan est réélu avec une marge confortable sur Kemal Kiliçdaroglu. 

Recep Tayyip Erdogan a ete reelu president de la Turquie, dimanche 28 mai.
Recep Tayyip Erdogan a été réélu président de la Turquie, dimanche 28 mai.© MEHMET ESER / ANADOLU AGENCY / Anadolu Agency via AFP

Cette fois, il n’y a pas vraiment eu de suspense. Il y a deux semaines, Recep Tayyip Erdogan avait dû attendre 1 heure du matin pour apparaître devant ses partisans. Dimanche, à l’issue du second tour de la présidentielle, il a pu célébrer sa victoire à 20 heures, avant la tombée de la nuit, poussant la chansonnette, perché sur le toit d’un bus. Une foule de supporters agitait des drapeaux turcs et se massait dans l’enceinte de son palais, sur les hauteurs d’Ankara. « Bye bye Monsieur Kemal » a-t-il lancé. 

L’écart en faveur du président sortant, après le premier tour de cette élection, s’est avéré impossible à combler pour son adversaire, Kemal Kiliçdaroglu. Les résultats du 14 mai n’ont guère évolué ce dimanche et Recep Tayyip Erdogan maintient une avance d’environ 2,5 millions de voix. Il arrive en tête dans plus de 50 provinces sur 82. Il obtient 52 %, contre près de 48 % à son adversaire.

Les mains libres jusqu’en 2028

Les votes qui étaient allés en faveur de Sinan Ogan, le candidat ultranationaliste du premier tour, se sont dispersés entre les deux prétendants, sans jouer de rôle décisif. Le principal opposant à Erdogan avait pourtant durci son discours dans l’entre-deux tours contre les migrants syriens, promettant de les renvoyer dans leur pays dans les deux mois qui suivraient son élection. Mais dans ces deux semaines de campagne de second tour, l’opposition aura eu du mal à faire abstraction de ses divisions et de l’incohérence de son projet. En face, Erdogan a rassuré et s’est montré sûr de lui.

Le taux de participation, d’environ 85 % sur le plan national, est en recul de trois à six points selon les régions, celles de l’Est, à majorité kurde, étant celles qui se sont le plus abstenues. Quelques voix qui, au final, manquent à l’opposition. 

Cette élection confirme la totale maîtrise du processus électoral par Erdogan, malgré un contexte défavorable. Ni la profonde crise économique vécue par les foyers turcs, ni les effets de la catastrophe sismique de février, n’ont empêché le « reis » de remporter une nouvelle victoire, tout en préservant l’apparence d’une élection démocratique.

« Nous avons ouvert les portes du Siècle turc (…) Personne ne peut regarder notre nation de haut », a déclaré Erdogan. Il a désormais les mains libres pour gouverner jusqu’en 2028. Et pour remporter de nouvelles élections. « Demain, c’est 2024. Etes-vous prêts à remporter les élections locales à Istanbul ? », a lancé le président à ses troupes. Ils sont prêts.

Macron félicite Erdogan

Dans la soirée, Emmanuel Macron a félicité Recep Tayyip Erdogan pour sa réélection, estimant que « la France et la Turquie ont d’immenses défis à relever ensemble ». Parmi ces « défis », le président français cite, sur Twitter, le « retour de la paix en Europe, l’avenir de notre Alliance euro-atlantique, la mer Méditerranée ». « Avec le président Erdogan, que je félicite, nous continuerons à avancer », a ajouté le chef de l’Etat.

La France et la Turquie ont d’immenses défis à relever ensemble. Retour de la paix en Europe, avenir de notre Alliance euro-atlantique, mer Méditerranée. Avec le Président Erdogan, que je félicite pour sa réélection, nous continuerons à avancer.— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) May 28, 2023

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a également adressé ses félicitations à Recep Tayyip Erdogan, espérant un « renforcement » des liens entre leurs deux pays et de leur « coopération pour la sécurité et la stabilité » en Europe. Le chancelier allemand Olaf Scholz a aussi dit espérer que la réélection de M. Erdogan donnerait « un nouvel élan » aux relations entre les deux pays pour « faire avancer leur agenda commun ».

« J’ai hâte de continuer à travailler ensemble en tant qu’alliés au sein de l’Otan sur des questions bilatérales et des défis mondiaux », a pour sa part tweeté Joe Biden. Le Premier ministre britannique Rishi Sunak a lui aussi dit sa « hâte de poursuivre l’étroite collaboration entre nos pays, qu’il s’agisse de développer le commerce ou de faire face aux menaces en matière de sécurité en tant qu’alliés au sein de l’Otan ».

L’opposant turc Kemal Kiliçdaroglu, défait à l’issue de ce second tour, a quant à lui exprimé sa « tristesse » pour l’avenir de la Turquie. « Je suis profondément triste face aux difficultés qui attendent le pays », a-t-il déclaré depuis le siège de son parti à Ankara.

Avec Le Point par Guillaume Perrier

#JusticePourDina : noyade accidentelle ou « assassinat » d’une étudiante gabonaise en Turquie ?

mars 31, 2023

Le décès, en Turquie, d’une jeune femme originaire du Gabon émeut les réseaux sociaux, qui appellent à la mobilisation et réclament justice.

– © Damien Glez

« Noyée », « noire », « assassinée ». Voilà les tristes mots clés qui circulent sur les réseaux sociaux et dans la presse depuis la confirmation de la mort de Jeannah Danys Dinabongho Ibouanga, étudiante gabonaise de 18 ans, par son université turque et son ambassade.

« Noyée », car le corps de celle que l’on surnommait « Dina » a été retrouvé, le 25 mars dernier, dans la rivière de Filyos, près d’une voie ferrée, à proximité de l’Université de Karabük, où elle étudiait le génie mécanique. « Noire », ainsi que le soulignent certains posts, comme ce tweet d’une autre étudiante : « Elle était noire. Elle était l’espoir de sa famille, elle aimait la vie et n’avait pas prévu de la laisser aussi vite. »

« Assassinat »

« Mais pourquoi commencer forcément par “noire” ? » et « Pourquoi en faire forcément une histoire raciste ? » répond un autre internaute qui semble partager cette même couleur de peau. Surgit alors le troisième mot clé. Si le procureur de Karabük précise qu’il n’y avait « aucun signe d’agression sexuelle » sur le corps, qu’aucune « blessure par arme blanche ou par balle n’a été détectée », qu’il n’y a pas eu de « décès avant d’entrer dans le ruisseau » et qu’il s’agirait d’un « incident mortel […] par noyade », le ministère gabonais des Affaires étrangères, lui, a fait part dans un communiqué de sa « consternation et de sa vive préoccupation » après « l’assassinat » de la jeune femme.

L’étudiante aurait exprimé le souhait de s’inscrire à l’Université de Sakarya. Selon un message vocal qui lui est attribué, il y aurait moins de « racisme là-bas ». Une autopsie devrait être effectuée.

L’émotion s’est répandue comme une traînée de poudre. Le hashtag #JusticepourDina a engendré une manifestation, dans l’enceinte de l’établissement de la victime, et charrié des appels à sit-in devant les représentations diplomatiques turques, notamment à Libreville. Dans la presse, les hommages se font plus emphatiques. Le coordinateur général de l’Observatoire chrétien pour la paix (OCP), par exemple, considère sur gabonmailinfos.com qu’au-delà du décès de Dina, « c’est l’expression de la jeunesse intellectuelle gabonaise qui se meurt ».

Diplomatiquement offensive sur le continent, la Turquie de Recep Tayyip Erdogan présente l’éducation comme son axe principal de coopération avec l’Afrique. Elle accueille de plus en plus d’étudiants du continent – leur nombre a augmenté de 50 % en trois ans –, avec des bourses d’études pour la majorité d’entre eux.

Avec Jeune Jeune Afrique

Damien Glez

Par Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

Turquie frappée par deux nouveaux séismes lundi

février 20, 2023

Deux semaines après un séisme qui a fait plus de 41 000 morts, la Turquie a été sinistrée lundi par deux nouvelles secousses, de magnitude 6,4 et 5,8.

Un nouveau seisme, d'une magnitude de 6,4, a ete enregistre dans le sud de la Turquie lundi. (image d'illustration)
Un nouveau séisme, d’une magnitude de 6,4, a été enregistré dans le sud de la Turquie lundi. (image d’illustration)© OMER URER / ANADOLU AGENCY / Anadolu Agency via AFP

La Turquie à nouveau dévastée par une catastrophe naturelle. Deux nouveaux séismes de magnitudes 6,4 et 5,8 ont été enregistrés lundi 20 février au soir dans la province turque de Hatay, au sud du pays. Cette région avait été la plus éprouvée par le tremblement de terre du 6 février qui a fait plus de 41 000 morts en Turquie, a rapporté l’agence turque de secours Afad.

L’agence de secours a appelé sur Twitter la population à rester à l’écart de la côte par précaution, mettant en garde contre le risque de submersion. La province de Hatay borde la Méditerranée, et possède en son sein la ville d’Antakya dans les terres et le grand port de marchandises d’Iskenderun sur le littoral.

La première secousse, de magnitude 6,4, dont l’épicentre était situé à Defne, un district distant d’une quinzaine de minutes en voiture – en temps normal – d’Antakya, est survenue à 20 h 4 locales (18 h 4 à Paris) et a été très violemment ressentie par les équipes de l’Agence France- Presse à Antakya et à Adana , 200 km plus au nord. Elle a été suivie trois minutes plus tard d’une nouvelle secousse de magnitude 5,8 à Samandag, une localité côtière au sud d’Antakya, a signalé l’Afad qui redoute « une élévation du niveau de la mer jusqu’à 50 cm ».

« On avait l’impression que la terre était en train de s’ouvrir pour nous avaler »

Les secousses ont été également ressenties dans la région d’Alep, dans le nord-ouest de la Syrie, ont rapporté les correspondants de l’Agence France-Presse sur place, qui ont vu la population paniquée quitter les habitations et sortir dans les rues. Des pans d’immeubles endommagés se sont écroulés, a précisé un photographe.

À Antakya aussi, la secousse a suscité un mouvement de panique parmi la population déjà durement éprouvée et a soulevé d’importants nuages de poussière dans la ville en ruines. Sur une place du centre de la ville, Ali Mazloum, un jeune Syrien de 18 ans, a témoigné à l’Agence France-Presse de l’intensité de ce tremblement de terre. « On était avec l’Afad qui recherche les corps de nos proches quand la secousse nous a surpris. Tu ne sais pas quoi faire », a-t-il confié.

« On s’est attrapés les uns les autres et, juste devant nous, les murs ont commencé à s’effondrer. On avait l’impression que la terre était en train de s’ouvrir pour nous avaler », a-t-il également confié. Non loin, un tractopelle pleins phares s’employait à dégager une avenue de deux fois deux voies, recouverte de gravats. « Celui-là vient de tomber », a lancé à l’Agence France-Presse un secouriste en désignant les restes d’un bâtiment écroulé.

Plus de 6 000 répliques enregistrées depuis le séisme du 6 février

Un journaliste de l’Agence France-Presse a vu et entendu s’écrouler plusieurs pans de murs d’immeubles déjà très endommagés et plusieurs personnes, apparemment blessées, appeler au secours. Ali, qui vit depuis douze ans à Antakya, est toujours à la recherche des corps de sa sœur et la famille de celle-ci, ainsi que de ceux de son beau-frère et de sa famille disparus depuis quatorze jours.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan s’est rendu lundi dans la province de Hatay, frontalière de la Syrie, l’une des onze provinces du sud de la Turquie affectées par le séisme du 6 février et l’une des deux seules avec Kahramanmaras où les recherches et les fouilles se poursuivent. Les autorités turques les ont arrêtées dimanche partout ailleurs et l’espoir de retrouver des survivants est pratiquement inexistant après quatorze jours.

Selon le chef de l’État, plus de 118 000 bâtiments ont été détruits ou gravement endommagés. L’Afad assure que plus de 6 000 répliques ont été enregistrées depuis le tremblement de terre d’une magnitude de 7,8 qui a dévasté le sud de la Turquie et la Syrie il y a exactement deux semaines.

Le Point.fr par Quentin Marchal avec Agences

Ghana : Christian Atsu parmi les victimes du tremblement de terre en Turquie

février 18, 2023

DÉSOLATION. L’international ghanéen du club turc de Hatayspor a été retrouvé mort samedi sous les décombres de l’immeuble où il vivait à Hatay.

L'international ghaneen a malheuresement ete retrouve sous les decombres de son immeuble de Hatay qui s'est ecroule lors du tremblement de terre du 6 fevrier en Turquie.
L’international ghanéen a malheureusement été retrouvé sous les décombres de son immeuble de Hatay qui s’est écroulé lors du tremblement de terre du 6 février en Turquie. © OZAN KOSE / AFP

Près de deux semaines après le séisme qui a frappé le sud de la Turquie le 6 février, ce que l’on craignait s’est confirmé. « Le corps sans vie d’Atsu a été retrouvé sous les décombres. On retire encore ses affaires. Son téléphone a aussi été retrouvé », a affirmé Murat Uzunmehmet, son agent en Turquie, cité par l’agence privée turque DHA. Cela met fin à une lourde période d’inquiétude et de recherches pour les proches du footballeur de 31 ans.

Confirmation de la mort du joueur par plusieurs sources

« C’est avec le cœur lourd que je dois annoncer à tous […] que le corps de Christian Atsu a été retrouvé ce matin », a de son côté indiqué sur son compte Twitter Nana Sechere, l’agent ghanéen d’Atsu. « Je présente mes plus sincères condoléances à sa famille et à ses proches. Je voudrais profiter de cette occasion pour remercier tout le monde pour leurs prières et leur soutien », a-t-il ajouté. Selon les médias turcs, l’ancien joueur de Chelsea et de Newcastle en Angleterre a été découvert sous les décombres de la résidence Rönesans, une tour de 12 étages qui s’est effondrée dans le séisme. « L’ambassade du Ghana en Turquie, qui a transmis la triste nouvelle, indique que le corps a été retrouvé tôt ce matin », explique dans un communiqué le ministère ghanéen des Affaires étrangères. « Le frère aîné, la jumelle de Christian Atsu ainsi qu’un attaché d’ambassade étaient présents sur le site au moment où le corps a été récupéré », précise le texte. L’ambassade ghanéenne en Turquie et la Fédération ghanéenne de football avaient initialement assuré que l’attaquant avait été retrouvé vivant 24 heures après le tremblement de terre, mais ces informations s’étaient par la suite révélées fausses. Le promoteur de la résidence de luxe transformée en ruine, où 800 personnes seraient ensevelies, a été arrêté la semaine dernière alors qu’il tentait de quitter la Turquie. Le séisme, suivi de puissantes répliques, a tué plus de 40 000 personnes en Turquie et en Syrie, selon les derniers bilans officiels diffusés vendredi, faisant également des milliers de blessés et de sans-abri par un froid glacial.

Christian Atsu, un Black Star passé par de nombreux clubs

En équipe nationale du Ghana, Atsu, impliqué par ailleurs dans plusieurs actions caritatives, aura eu une carrière vraiment bien accomplie. C’est ainsi qu’il a été retenu pour représenter son pays dans quatre éditions de la Coupe d’Afrique des nations. Pour commencer, il a été du voyage pour le Mondial 2014 au Brésil où les Black Stars ont été éliminés dès le premier tour. Titulaire en finale en 2015 contre la Côte d’Ivoire mais remplacé en prolongations, juste avant la séance de tirs au but homérique perdue par les siens, Christian Atsu avait d’ailleurs été désigné meilleur joueur de la CAN 2015. Il a aussi été retenu dans l’équipe type de la CAN en 2017. Le signe de performances qui ont pu justifier qu’il ait attiré l’attention de clubs européens mais aussi asiatiques.

Christian Atsu avait été recruté en septembre dernier par le club turc de Hatayspor, basé dans la province de Hatay (Sud), près de l’épicentre du violent séisme qui a frappé le 6 février la Turquie et la Syrie, loin du Ghana, où il avait grandi dans une famille de dix enfants. Formé dans son pays natal au sein d’une académie du club néerlandais du Feyenoord, le petit ailier de 1,65 m, arrivé à 17 ans en Europe en 2011 au FC Porto, avait rapidement séduit certaines des plus grandes écuries du continent, suscitant par sa vivacité balle au pied des comparaisons avec Lionel Messi. C’est Chelsea qui l’avait finalement attiré en 2013, mais le club londonien l’avait immédiatement envoyé en prêt au Vitesse Arnhem aux Pays-Bas.

Ballotté ensuite de club en club, Atsu, passé sans convaincre par Everton, Bournemouth et Malaga, ne disputera finalement aucun match officiel sous les couleurs des Blues. Prêté en 2016 à Newcastle, il y est transféré l’année suivante pour près de 8 millions d’euros. Il n’inscrit que trois buts en quatre saisons avec les Magpies, avant de s’exiler en Arabie saoudite en rejoignant l’équipe d’Al-Raed, puis Hatayaspor. Plusieurs de ses anciens clubs, dont, Porto, Chelsea et Newcastle, lui ont rendu un hommage samedi matin par voie de communiqué. Atsu laisse une veuve et trois enfants orphelins.

Par Le Point Afrique

Expulsé de Turquie, un reporter du Point raconte

février 10, 2023

Guillaume Perrier a été arrêté par la police turque à l’aéroport d’Istanbul et empêché de se rendre dans les zones touchées par le séisme. Il témoigne.

Le nouvel aeroport d'Istanbul, inaugure en 2018 par le president Recep Tayyip Erdogan. Le reporter du Point Guillaume Perrier y a ete arrete et expulse alors qu'il tentait de se rendre dans les regions touchees par les seismes dans le sud du pays.
Le nouvel aéroport d’Istanbul, inauguré en 2018 par le président Recep Tayyip Erdogan. Le reporter du Point Guillaume Perrier y a été arrêté et expulsé alors qu’il tentait de se rendre dans les régions touchées par les séismes dans le sud du pays.

Il est 18 h 45, mercredi, lorsque j’atterris à l’aéroport d’Istanbul. Je sors en vitesse de l’avion pour attraper un vol intérieur et rejoindre, dans la soirée, la ville de Kayseri, puis, de là, les zones touchées par les terribles tremblements de terre. Comme toute la Turquie, je suis un peu sous le choc. J’espère être rapidement sur le terrain. Je suis en contact depuis deux jours avec des amis et des connaissances dans les différentes régions touchées, à Marash, à Adiyaman, à Diyarbakir, à Gaziantep… Certains ont passé deux nuits dehors avec leurs familles, terrorisés et transis ; d’autres organisent des convois de vivres et de couvertures pour les villages les plus isolés… Je pars les retrouver, passer du temps avec eux. Je sais que ce sera un reportage difficile, mais je suis impatient d’y être, pour faire mon métier. Lorsque j’arrive au guichet de contrôle des passeports, je suis déjà projeté sur la longue route qui m’attend.

Face à l’ampleur du désastre, devant les destructions énormes provoquées par les deux méga séismes qui ont secoué la Turquie et le nord de la Syrie, lundi, je n’ai pas hésité longtemps à partir. Dès les premières heures, il est clair que le bilan humain dépassera celui du séisme d’Izmit en 1999, qui fit, officiellement, 17 000 morts, près d’Istanbul. Ma place était sur ce terrain meurtri, dans ces régions et ces villes que je connais bien et dans lesquelles j’ai effectué d’innombrables reportages ces dernières années. Je voulais raconter le déploiement des opérations de secours, la solidarité internationale qui se met en place, la détresse des populations, l’incertitude que cela allait faire planer sur les élections, prévues dans 3 mois… Raconter aussi à quel point les tremblements de terre et leur mémoire sont inscrits dans l’histoire et la géographie des lieux. Être là, aux côtés de la Turquie et des Turcs, dans cette terrible épreuve.

De la bouche des survivants, j’ai souvent entendu les récits des catastrophes d’Erzincan, rasée en 1939 par une secousse de 7,9 sur l’échelle de Richter, de Lice en 1975, de Samsun ou Kütahya. Tous ceux qui ont vécu une secousse, même brève, connaissent cette sensation qui s’imprime dans un coin du cerveau et ne le quitte plus jamais. J’en ai moi aussi ressenti quelques-unes. À Istanbul, où j’ai habité pendant dix ans, le risque sismique fait partie du quotidien de chacun, c’est une réalité qui a traversé les siècles. Sainte-Sophie, détruite à plusieurs reprises, reconstruite et renforcée par des piliers antisismiques qui lui donnent cette allure caractéristique, est là pour en témoigner.

Les mystères des tremblements de terre

Le plus effrayant lorsque la terre commence à trembler, c’est qu’on ne sait pas quelle sera la durée et l’intensité de la secousse. Il faut attendre que cela se termine. Elle est, le plus souvent très brève, quelques secondes, parfois dix ou vingt. Lundi, cela a duré plus d’une minute.

Au 4e étage de l’immeuble où je vivais à l’époque, sur la rive européenne du Bosphore, les murs se mettaient parfois à danser et, d’un bond, je plongeais sous une grosse table en bois pour me protéger. À chaque fois, heureusement, il s’agissait de petites secousses, 4 ou 5 sur l’échelle de Richter, qui ne provoquaient pas trop de dégâts. Je voyais aussi les petits sacs que les Turcs rangeaient souvent dans un coin de leur appartement, derrière une porte. Des sacs de survie avec un peu d’eau, un paquet de biscuits, un sifflet, une couverture. Je connaissais les gestes, ceux qu’on apprend aux enfants dans les écoles, comment se recroqueviller en position fœtale, en protégeant ses organes vitaux.

En 2011, un séisme de 7 fit près d’un millier de morts dans la région de Van, tout à l’est du pays. J’étais parti immédiatement sur les lieux. Les conditions de reportage étaient difficiles : un froid glacial, peu de nourriture et d’eau, des opérations de secours compliquées, des répliques violentes qui faisaient trembler la terre toutes les dix minutes et fragilisaient un peu plus les bâtiments qui n’étaient pas tombés. Je me souviens qu’un hôtel de Van, où s’étaient installés des sauveteurs japonais et près duquel je dormais, s’était ainsi écroulé un matin faisant de nombreuses victimes. J’avais retenu cette leçon, il faut toujours dormir dans une voiture. De ce reportage, une sensation m’avait marquée. Celle de ce silence, lourd et épais, dans la nuit noire, l’oreille tendue de tous les sauveteurs, des proches de disparus, pour essayer d’entendre, dans les tas de gravats, la sonnerie d’un téléphone, une voix, une respiration. Cette gravité qui unit tout le monde, dans le but de sauver qui peut l’être.

Le huis clos de l’aéroport

Je tends mon passeport au policier, échange avec lui quelques formalités cordiales, lui présente mes condoléances pour les victimes. Il me répond d’un sourire et d’un clignement des yeux, je regarde la petite caméra qui m’enregistre. Il s’apprête à tamponner mon document, lorsqu’un dernier coup d’œil sur son écran d’ordinateur l’interrompt dans son geste. Il me demande de me mettre sur le côté et envoie mon passeport au guichet du chef. Dix longues minutes plus tard, mon passeport revient avec un autre fonctionnaire et l’on m’annonce que je fais l’objet d’une « interdiction de territoire ». Je suis escorté jusqu’à un autre guichet, à l’autre bout du gigantesque terminal de l’aéroport. Je comprends que mon voyage va prendre un itinéraire qui n’était pas celui que j’avais envisagé. Mon vol vers Kayseri va bientôt décoller, mon reportage va tourner court. Je me préparais aux paysages enneigés, aux villes détruites, aux étendues sinistrées. Je ne vais pas sortir du huis clos de l’aéroport.

Dans ce hall que je traverse dans la foulée du policier qui tient mon passeport, je croise un groupe de 16 pompiers français qui vient d’arriver, sans doute par le même vol que moi. Au guichet où l’on me mène, il y a des Canadiens, des Américains, des Algériens… Un groupe d’une trentaine de sauveteurs Taïwanais, tout de rouge vêtus, qui arrive en file indienne, d’un pas militaire… Les secouristes débarquent par milliers, de toute la planète. Une policière à peine trentenaire tamponne leurs passeports à la chaîne. « Combien de personnes ? Combien de chiens ? » demande-t-elle ? J’ai aussi été rejoint par une jeune femme, de nationalité bosnienne. Elle porte un niqab écru, d’où n’émergent que deux yeux bleu clair et quelques centimètres carrés de peau blanche. Elle ne comprend pas le turc, je fais la traduction.

La jeune fonctionnaire de police a l’air surprise lorsque je lui explique que je suis journaliste et que je suis venu couvrir les événements, comme des dizaines de confrères et de consœurs. Son écran lui indique que je suis interdit de territoire, suite à une décision administrative qui date de novembre 2022. Personne n’en sait plus et il n’y a aucun moyen d’obtenir plus de précisions. Rapidement elle m’explique que je serai expulsé vers Paris par le premier vol, celui de 7 heures le lendemain matin. Je passerai donc la nuit en rétention à l’aéroport. Comme la jeune Bosnienne qui, à côté de moi, se met à fondre en larmes, derrière son niqab.

En Turquie, les restrictions de la liberté de la presse

Cette péripétie n’est pas une grande surprise. Je m’étais préparé à un tel scénario. Ces dernières années, de nombreux confrères étrangers se sont vus interdire l’entrée en Turquie sous divers prétextes, rarement très clairs. D’autres ont été expulsés. Certains d’entre eux étaient des correspondants de longue date, des reporters chevronnés. Et je ne parle même pas de tous les journalistes turcs qui subissent depuis des années les nombreuses restrictions à la liberté de la presse, largement documentées, sous le régime de Recep Tayyip Erdogan. Je ne connais pas la raison de la décision qui me concerne. Un tweet ? Un article ? Une interview ? Certaines de mes enquêtes récentes ont sans doute fait tiquer quelques lecteurs attentifs à Ankara. Mais malgré tout les signaux contraires, je voulais croire que l’on me permettrait de continuer à faire mon métier de journaliste dans ce pays, la Turquie, dans lequel j’ai tant d’attaches. Cela fait près de 20 ans que j’y travaille, j’y ai vécu dix ans et j’y ai réalisé des centaines de reportages, d’articles nourris par une bonne connaissance du pays et des gens qui le peuplent. Je n’y ai jamais ressenti aucune forme d’hostilité, bien au contraire. Et même là, à l’aéroport d’Istanbul, ce n’est pas du tout le cas.

Je suis conduit jusqu’aux locaux de la police de l’immigration (göç idaresi), toujours dans la zone internationale de l’aéroport. Là encore, les fonctionnaires de police sont aimables et semblent aussi désolés que moi. Nous parlons des dernières nouvelles. Tout le monde est abasourdi par la catastrophe qui vient de se produire en Anatolie. Chacun y connaît quelqu’un qui est touché. Mes bagages sont rapidement inspectés, on me confisque mes stylos, ma ceinture, ainsi qu’une plaquette de paracétamol. Et on me conduit dans une sorte de cellule améliorée, avec une pièce de vie commune et quelques chambres spartiates autour, équipées de fauteuils dont la couleur et l’odeur témoignent un certain vécu. Les pièces sont éclairées par des néons blafards que l’on a interdiction d’éteindre et surveillées 24 heures/24 par des caméras. On me dépose un plateau-repas avec un peu de riz et des haricots, quelques cuillérées de soupe de lentilles froide. La porte est fermée à clé. Il n’y a pas de fenêtre. On peut appeler un gardien grâce à un combiné accroché au mur. Dans la pièce de vie commune, arrivent d’autres voyageurs naufragés : un groupe d’Algériens, dont les documents de voyage étaient suspects, des sans-papiers somaliens, un touriste italien, dont la carte d’identité était abîmée. Je discute avec deux Iraniens, qui ont visiblement une certaine habitude de la procédure d’expulsion. L’un d’eux, qui baragouine quelques mots de français depuis un séjour dans la prison de Saint-Omer, m’explique être un passeur de migrants. Il connaît bien la région de Calais. Je sers de traducteur entre les policiers qui ne parlent pas anglais et les nouveaux arrivants qui ne parlent souvent pas un mot de turc.

Les heures passent dans cette zone de rétention aéroportuaire. J’ai pu garder mon téléphone, ce qui me permet de tenir quelques personnes informées de ma situation. Et de suivre via Twitter, les dernières nouvelles du terrain. Le bilan des séismes s’alourdit d’heure en heure. 2 000, 3 000 morts… Quand on sait l’utiliser et suivre les bonnes sources, le réseau social fait remonter des informations utiles depuis les lieux sinistrés. Il permet aussi parfois de localiser des victimes, de coordonner des opérations… Mais tard dans la soirée, le réseau ralentit, des coupures sont signalées, des voix s’élèvent contre ce qui est perçu comme une nouvelle censure de l’information par le pouvoir. Dans ces premières heures, les autorités se voient reprocher par l’opposition turque et par beaucoup de « Depremzedeler » – les survivants des séismes- d’être plus préoccupées par la gestion de leur image à trois mois des élections, que par le drame qui frappe l’Anatolie.

Pendant cette longue attente, je repense aussi à cette menace sismique qui plane depuis des décennies sur Istanbul. La faille nord-anatolienne qui traverse le nord de la Turquie et passe à quelques kilomètres d’ici et menace de provoquer un tremblement de terre majeur, de la même ampleur que ceux de lundi. Mais Istanbul compte 17 millions d’habitants et l’on sait que plus de la moitié des constructions y est construite hors des règles légales et des normes antisismiques. Une telle catastrophe y serait encore plus destructrice. Est-ce que cet aéroport gigantesque dans lequel je passe la nuit, le plus grand du monde, construit à Istanbul ces dernières années et dont le chantier continue au moins jusqu’en 2027, résisterait à ce « big one » ? Les géants du secteur de la construction, cinq entreprises proches du pouvoir de Recep Tayyip Erdogan, qui ont obtenu ce marché public et beaucoup d’autres à travers tout le pays, dans quelle mesure ont-ils tenu compte du risque sismique ?

L’heure de rejoindre Paris

Il est bientôt trois heures, la pièce s’est vidée, les passeurs iraniens ont été reconduits vers Téhéran. Rattrapé par la fatigue, je m’assoupis un peu sur mon fauteuil orange, malgré la lumière et cette caméra, au-dessus de ma tête. Mais à 4 h 15, des bruits des perceuses et de marteaux me tirent brusquement de ce demi-sommeil. En Turquie, on n’arrête jamais de construire, même la nuit. Les Algériens sont toujours là, mais moins bavards qu’à leur arrivée. Un Tchétchène nerveux fait des allers-retours aux toilettes pour fumer des cigarettes. Peu après six heures, un gardien vient me chercher. Il est l’heure de partir. Mon passeport et la notification de la décision de m’expulser sont glissés dans une enveloppe et confiés à une jeune femme qui m’accompagne jusqu’à l’avion. Je retraverse dans sa foulée l’immense terminal aéroportuaire quasiment désert.

À 7 heures, je suis à la porte du vol Air France qui me ramène à Paris. C’est le même équipage que la veille. Comme dans toute procédure d’expulsion, mon passeport est remis au commandant de bord et ne me sera rendu qu’à l’arrivée par la police française. Je vais dormir pendant tout le trajet, le cœur serré de ne pas pouvoir aller raconter le sort de ces dizaines de milliers de Turcs frappés par le séisme. Je quitte finalement la Turquie, ce pays que j’aime tant et qui est aussi un peu le mien, avec une interdiction de territoire temporaire. Temporaire. Je ne veux retenir que ce mot.

Avec Le Point par Guillaume Perrier

Séisme en Turquie : la France, sur le pied de guerre, envoie un hôpital de campagne

février 10, 2023

Alors qu’une équipe de la sécurité civile est déjà sur place, les pompiers du Gard s’apprêtent à envoyer équipes et matériels sophistiqués dans la région d’Adiyamane.

Preparation de l'equipe de l'Escrim avant le depart pour la Turquie.
Préparation de l’équipe de l’Escrim avant le départ pour la Turquie.© ©Sdis 30

« On sait que ce sera une mission dure, difficile. » Au siège du Service départemental d’incendie et de secours (SDIS) du Gard, les équipes de l’Escrim (Élément de sécurité civile rapide d’intervention médicale) sont sur le pied de guerre. 27 sapeurs-pompiers, volontaires ou professionnels, s’apprêtent à être projetés, dimanche, dans l’enfer turc, une semaine après le séisme qui a fait plus de 10 000 morts. Objectif : implanter, au milieu du chaos, un hôpital de campagne. Un hôpital, un vrai, capable d’accueillir 100 patients par jour sur 1 000 mètres carrés, avec ses blocs opératoires, son bloc d’accouchement, son laboratoire, sa pharmacie, son local de stérilisation, son unité de réanimation, sans compter les salles d’accueil et de suivi des blessés. Une petite ville de tentes à monter en kit, dont les pièces détachées – 60 tonnes, 130 mètres cubes – ont déjà été expédiées la nuit dernière vers Paris. Équipes et matériel devraient s’envoler de l’aéroport de Marseille dimanche matin, si tout va bien.

L’opération mobilisera au total 87 sauveteurs, dont 42 sapeurs-pompiers et marins-pompiers et 45 sapeurs-sauveteurs de la sécurité civile basés à Brignoles, dans le Var. Le lieutenant-colonel Jacques Pagès et la médecin chef de mission Isabelle Arnaud, du SDIS 30, se sont envolés ce 10 février pour la Turquie pour rejoindre les éclaireurs de l’Élément de reconnaissance et d’évaluation, chargés de négocier avec les autorités locales le lieu et les conditions d’implantation de l’Escrim qui donne son nom à cet hôpital de campagne.

Troisième intervention en Turquie

Ce sera la troisième intervention de l’Escrim en Turquie, déjà sur place pour les séismes de 1992 et 1999. Créée en 1983, cette unité gardoise, unique en France, est intervenue une première fois à l’étranger après le tremblement de terre qui avait tué plus de 10 000 personnes à Mexico en 1985. « Ma première mission, c’était en Turquie en 1992 », raconte l’ex-médecin-chef Jean Blanchard. « Il y avait beaucoup de gens brûlés, car le séisme était survenu le matin, à une heure où les gens se retrouvaient pour prendre un thé autour d’un samovar. »

L’hôpital de campagne gardois a été déployé aux quatre coins du monde dans les conditions les plus extrêmes : après des tremblements de terre en Iran, en Algérie, en Haïti, en Arménie, après le tsunami en 2004 dans la ville indonésienne martyre de Banda Aceh, au secours des victimes de guerres civiles au Kosovo ou au Congo. Ou plus récemment pendant la crise du Covid en Guyane et à Mayotte pour soutenir les hôpitaux locaux, débordés. « Après un tremblement de terre, on soigne les victimes directes, qui ont été écrasées ou ensevelies », explique Jean Blanchard. « Si un membre reste écrasé longtemps, les cellules musculaires mortes produisent des toxines qui vont se libérer quand on dégage la personne, ce qui peut entraîner des insuffisances rénales graves ou des troubles du rythme cardiaque. »

Fractures, accouchements, appendicites

Les pompiers gardois étaient sur le tarmac 12 heures à peine après le tremblement de terre en Algérie, en 2003. Les liens diplomatiques avec la Turquie étant visiblement moins fluides, ils mettront un peu plus de temps à arriver sur place cette fois-ci. « Même plusieurs jours après, on peut voir arriver des gens qui n’ont pas encore été pris en charge pour leurs blessures », estime Jean Blanchard. L’hôpital doit aussi être capable de répondre à toutes les pathologies : « Comme les infrastructures de santé locales sont généralement détruites, les gens viennent nous voir pour un ulcère, une appendicite. Et ils sont souvent attirés par la médecine française ! »

L’hôpital pratique aussi les accouchements, en simultané si nécessaire. Le médecin se souvient de « trois femmes kosovares qui ont accouché en même temps dans l’hôpital de campagne, il a fallu en mettre une sur un lit de camp. » Il garde aussi, profondément gravée, l’image d’une femme découverte in extremis dans les décombres, plus d’une semaine après le séisme en Arménie, mais qui refusait de sortir des ruines, victime du « syndrome des emmurés ».

L’Escrim, qui s’est étoffée et perfectionnée au fil des missions, est désormais certifiée Emergency Medical Team de niveau 2 par l’Organisation mondiale de la santé. L’équipe envoyée en Turquie comprend médecins urgentistes, chirurgien, sages-femmes, infirmières, pharmacien et logisticiens. Tous, volontaires, posent des congés pour partir 15 jours, renouvelables. L’hôpital n’a pas vocation à rester plus d’un mois ou deux sur place. Même si les pompiers et sauveteurs sont des professionnels, habitués à la souffrance, leur mission sera particulièrement éprouvante. « Il est arrivé que des sauveteurs aient dû être rapatriés en urgence au bout de deux jours, se souvient un vétéran. Même pour des gens aguerris, c’est très dur. »

Avec Le Point par Henri Frasque

Turquie: Au moins six morts dans un attentat au cœur d’Istanbul

novembre 13, 2022
Déploiement de policiers et de services d'urgence.

Des policiers et les services d’urgence sur les lieux de l’explosion dans la rue Istiklal, artère piétonne très fréquentée à Istanbul. Photo: Reuters/Kemal Aslan

Un attentat a visé dimanche le cœur battant d’Istanbul, principale ville et capitale économique de la Turquie, faisant au moins six morts et des dizaines de blessés dans l’artère commerçante très fréquentée d’Istiklal.

L’explosion de forte puissance est survenue vers 16 h 20 (heure locale), au moment où la foule était particulièrement dense dans ce lieu de promenade prisé des Stambouliotes et des touristes.

Dans une déclaration devant la presse télédiffusée en direct, le président Recep Tayyip Erdogan a dénoncé un vil attentat qui a fait 6 morts et 53 blessés.

Les premières observations laissent subodorer un attentat terroriste, a affirmé le chef de l’État, ajoutant qu’une femme y serait impliquée, sans autre précision.

Des rumeurs ont couru immédiatement après l’explosion évoquant une attaque suicide, sans aucune confirmation ni preuve. L’attaque n’avait pas été revendiquée en début de soirée.

« Les auteurs de ce vil attentat seront démasqués. Que notre population soit sûre [qu’ils] seront punis. »— Une citation de  Recep Tayyip Erdogan, président turc

M. Erdogan a déjà été confronté à une campagne de terreur à travers le pays en 2015-2016.

Revendiquée en partie par le groupe État islamique, elle avait fait près de 500 morts et plus de 2000 blessés.

Un premier bilan du gouverneur d’Istanbul, Ali Yerlikaya, avait fait état de 4 morts et 38 blessés.

La police a aussitôt établi un large cordon de sécurité pour empêcher l’accès à la zone touchée par crainte d’une seconde explosion. Un imposant déploiement de forces de sécurité barrait également tous les accès au quartier et aux rues adjacentes, a constaté la vidéaste de l’AFP.

J’étais à 50-55 mètres de distance, il y a eu soudain un bruit d’explosion. J’ai vu trois ou quatre personnes à terre, a déclaré à l’AFP un témoin, Cemal Denizci, 57 ans.

« Les gens couraient en panique. Le bruit était énorme. Il y a eu une fumée noire. Le son était si fort, presque assourdissant. »— Une citation de  Cemal Denizci, témoin de l’explosion

Deux femmes et deux enfants inquiets après l’explosion à Istanbul.

Deux femmes et deux enfants se rendent dans une zone sécurisée après l’explosion. Photo : Getty Images/Burak Kara

Selon des images diffusées sur les réseaux sociaux au moment de l’explosion, celle-ci, accompagnée de flammes, a été entendue de loin et a déclenché aussitôt un mouvement de panique.

Un large cratère noir est visible sur ces images, ainsi que plusieurs corps gisant par terre à proximité.

Le maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, s’est rapidement rendu sur place : J’ai été informé par les équipes de pompiers sur Istiklal. Ils poursuivent leur travail en coordination avec la police, a-t-il indiqué sur Twitter, en présentant ses condoléances aux victimes et à leurs proches.

Dans le quartier voisin de Galata, beaucoup de boutiques ont baissé leurs rideaux avant l’heure. Certains passants, arrivés en courant du lieu de l’explosion, avaient les larmes aux yeux, a constaté un journaliste de l’AFP.

À la nuit tombée, les terrasses des restaurants de ce quartier très touristique restaient en partie vides.

Censure de l’État

Le Haut conseil audiovisuel turc (RTUK) a rapidement interdit aux médias audiovisuels de diffuser des images de la scène, décision justifiée par le directeur de la communication présidentielle et proche conseiller du président Erdogan, Farhettin Altun, pour empêcher de semer la peur, la panique et l’agitation dans la société et (risquer) de servir les objectifs d’organisations terroristes.

Toutes les institutions et organisations de notre État mènent une enquête rapide, méticuleuse et efficace concernant l’incident, a-t-il promis dans une déclaration.

L’émotion est intense à Istanbul, déjà durement éprouvée par le passé. Les matchs des grands clubs de foot stambouliotes, dont le Galatasaray, ont été annulés.

La rue Istiklal, qui signifie l’Indépendance, dans le quartier historique de Beyoglu, est l’une des plus célèbres artères d’Istanbul, entièrement piétonne sur 1,4 km. Sillonnée par un vieux tramway, bordée de commerces et de restaurants, elle est empruntée par près de 3 millions de personnes par jour durant le week-end.

Elle avait déjà été touchée, en mars 2016, par une attaque suicide qui avait fait cinq morts.

En Grèce, avec laquelle Ankara entretient des relations tendues, le ministère des Affaires étrangères a condamné sans équivoque le terrorisme et exprime ses sincères condoléances au gouvernement et au peuple turcs.

Par Radio-Canada avec Agence France-Presse

Turquie : Erdogan propose un référendum sur le port du voile

octobre 22, 2022

Le débat sur le port du voile s’est récemment enflammé en Turquie à l’approche des élections présidentielle et législatives prévues en 2023.

Le president turc Recep Tayyip Erdogan a propose samedi de lancer un referendum sur le port du voile dans son pays.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a proposé samedi de lancer un référendum sur le port du voile dans son pays.© LUKAS KABON / ANADOLU AGENCY / Anadolu Agency via AFP

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a proposé samedi 22 octobre un référendum sur un changement constitutionnel pour garantir le droit de porter un voile dans la fonction publique, les écoles et les universités lors d’une intervention télévisée.

« Si tu as le courage, viens, soumettons ceci au référendum (…) Que la nation prenne la décision », a lancé le chef de l’État turc en s’adressant au chef du principal parti de l’opposition Kemal Kilicdaroglu qui avait initialement proposé une loi pour garantir le droit de porter le voile. Le débat sur le port du voile s’est récemment enflammé en Turquie à l’approche des élections présidentielle et législatives prévues en 2023.

À majorité musulmane, mais ayant inscrit la laïcité dans sa Constitution, la Turquie a été longtemps un pays où le port du voile était interdit dans la fonction publique, les écoles et les universités, ainsi que dans certains lieux, comme le Parlement ou les locaux de l’armée. Les restrictions concernant le port du voile ont été levées en 2013 par le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan.

Un vif débat sur la scène politique

À la différence des années 1990, où le sujet provoquait de vifs débats, aucun mouvement politique ne propose aujourd’hui son interdiction en Turquie. « Nous avons eu des erreurs dans le passé à propos du voile. (…) Il est temps de laisser derrière nous cette question et qu’elle cesse d’être suspendue aux lèvres des politiciens », a même lancé début octobre le chef du principal parti de l’opposition, CHP (Parti républicain du peuple), Kemal Kilicdaroglu.

Selon des observateurs, Kemal Kilicdaroglu aurait ainsi voulu montrer aux électeurs conservateurs – traditionnellement votant pour l’AKP, le parti de Recep Tayyip Erdogan – qu’ils n’avaient rien à craindre en cas de changement de pouvoir.

Face à cette tentative de récupérer les votes des conservateurs, Recep Tayyip Erdogan a riposté début octobre en appelant son adversaire à effectuer un changement constitutionnel à ce sujet. « Est-ce qu’il y a une discrimination envers les voilées ou pas voilées aujourd’hui dans la fonction publique ? Dans les écoles ? Non. (…) Nous avons réussi ceci », a affirmé le président turc samedi. « Nous allons prochainement envoyer au Parlement la modification de la Constitution. (…) Mais si cela ne peut être résolu au Parlement, soumettons-la au peuple », a-t-il ajouté.

Une mesure anti-LFBT soumise au référendum

Dans le texte que le chef de l’Etat turc propose désormais de soumettre au référendum, il y aura aussi une disposition anti-LGBT, visant à « renforcer la protection de la famille », a-t-il annoncé sans donner plus de détails. « Une famille forte veut dire une nation forte. (…) Est-ce qu’il peut y avoir des LGBT dans une famille forte ? Non » , a-t-il martelé. « En tant que représentant de la volonté du peuple, protégeons notre nation des attaques des courants déviants et pervers » , a-t-il ajouté.

Par Le Point avec AFP

En rencontre avec Poutine, Erdogan tente de négocier une trêve pour l’Ukraine

août 5, 2022
Le président turc Recep Tayyip Erdogan (à droite) et le président russe Vladimir Poutine.

Les discussions entre le chef de l’État turc et son homologue russe se porteront sur la Syrie et la guerre en Ukraine. Photo : Getty Images / Spuntnik / AFP / Sergei Savostyanov

Une trêve dans la guerre en Ukraine et le lancement d’une opération en Syrie? Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, doit évoquer vendredi avec le président russe, Vladimir Poutine, ces deux sujets brûlants.

Trois semaines après leur entretien à Téhéran, le chef de l’État turc retrouve son homologue russe à Sotchi sur la mer Noire, fort de son récent succès diplomatique qui a favorisé l’accord international sur la reprise des exportations de céréales ukrainiennes via le Bosphore.

Trois nouveaux bateaux chargés de maïs ont ainsi quitté les ports ukrainiens vendredi matin à destination de l’Irlande, du Royaume-Uni et de la Turquie.

Les deux dirigeants se sont retrouvés en tête-à-tête à 12 h (GMT) avant de partager un déjeuner avec leurs délégations. Aucune rencontre avec la presse ne figure au programme officiel.

Le mois dernier à Téhéran, le président turc avait été clairement mis en garde par Vladimir Poutine contre toute nouvelle opération en Syrie contre les combattants kurdes du PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan et ses alliés.

Juste avant l’atterrissage de M. Erdogan, vendredi, le Kremlin a de nouveau appelé Ankara à ne pas déstabiliser la Syrie avec une incursion militaire, malgré ses inquiétudes légitimes.

Pour les analystes, ces tensions récurrentes font partie de la coopération compétitive qui définit la relation entre les deux dirigeants depuis vingt ans.

Restaurer l’image de la Turquie

La guerre de la Russie contre l’Ukraine a restauré l’image que la Turquie veut donner d’elle-même, celle d’un acteur géopolitique clé, et redonné de la visibilité à Erdogan, écrivait récemment Asli Aydintasbas, membre du Conseil européen des relations étrangères.

Pour elle, la plupart des Turcs soutiennent la position de leur pays de quasi-neutralité entre l’Est et l’Ouest.

La volonté de la Turquie, quoique membre de l’OTAN, de rester neutre entre Kiev et Moscou commence à porter ses fruits.

Après des mois d’efforts, les deux pays ont signé à Istanbul un accord soutenu par l’ONU permettant de reprendre les exportations de céréales ukrainiennes suspendues depuis le début de la guerre le 24 février.

La Turquie veut maintenant tenter d’en tirer parti pour obtenir l’ouverture de négociations directes entre le président russe et son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, si possible à Istanbul.

Nous avons discuté [pour voir] si l’accord sur les céréales pouvait être l’occasion d’un cessez-le-feu durable, a confié mercredi le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu, après une rencontre avec son homologue russe, Sergueï Lavrov, en Asie.

Des efforts minés par la situation en Syrie

Mais ces efforts sont compliqués par les menaces répétées d’Ankara d’opération militaire en Syrie, où les intérêts russes et turcs s’entrechoquent.

Moscou a largement soutenu le président syrien, Bachar Al-Assad, face à des groupes appuyés en partie par la Turquie.

Aujourd’hui, Erdogan veut de nouveau traverser la frontière pour établir une zone de sécurité dans une région où patrouillent les troupes russes et leurs affidés, mais d’où il veut chasser les groupes kurdes qu’il considère comme des terroristes.

Il est probable que la réunion [de vendredi] portera sur une éventuelle incursion en Syrie, pour laquelle la Turquie n’a pas obtenu le feu vert de la Russie ou de l’Iran, remarque le spécialiste en relations internationales Soli Ozel, de l’Université Has d’Istanbul. La Russie devrait obtenir quelque chose en retour, estime-t-il.

Pour certains médias turcs, ce que veut vraiment Vladimir Poutine, ce sont des drones.

À la recherche de drones

Ankara a fourni à l’Ukraine ses fameux drones de combats Bayraktar-TB2 à l’efficacité prouvée face aux chars russes.

Selon des responsables américains, une délégation russe s’est rendue en Iran pour envisager l’achat de centaines de drones. Et Erdogan lui-même a rapporté à son retour de Téhéran une demande de Poutine en ce sens.

Un responsable turc a ensuite assuré que le président plaisantait. Mais le porte-parole du Kremlin, Dmitry Peskov, a donné corps à l’idée, assurant que la coopération militaire et technologique figure toujours à l’agenda des deux pays.

Et vendredi, le président des industries de défense turques, Ismail Demir, accompagnait M. Erdogan à Sotchi.

M. Erdogan a également embarqué ses ministres des Affaires étrangères, de la Défense, de l’Économie et de l’Énergie, ce qui témoigne de ses attentes alors que la Turquie, qui importe l’essentiel de son énergie, subit une crise économique et une inflation proche de 80 % sur l’année.

Selon le Washington Post, les services de renseignement ukrainiens auraient divulgué une proposition de Moscou détaillant les possibilités d’investissements russes en Turquie afin de contourner les sanctions occidentales.

Reste enfin une possible source de tension entre les deux présidents, connus pour leurs retards chroniques.

A Téhéran, Erdogan a fait patienter Vladimir Poutine seul, pendant 50 secondes, debout dans une pièce sous la caméra de l’agence de presse officielle turque centrée sur son visage tendu.

Pour beaucoup, c’était la riposte du président turc au retard que lui avait infligé le patron du Kremlin, près de deux minutes durant, en 2020.

Par Radio-Canada avec AFP

Assassinat de Khashoggi: un membre présumé du commando arrêté à l’aéroport de Roissy

décembre 7, 2021
Assassinat de Khashoggi: un membre presume du commando arrete a l'aeroport de Roissy
Assassinat de Khashoggi: un membre présumé du commando arrêté à l’aéroport de Roissy© AFP/Archives/MOHAMMED AL-SHAIKH

Un membre présumé du commando impliqué dans l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi en 2018 à Istanbul a été interpellé mardi matin à l’aéroport parisien de Roissy Charles-de-Gaulle et placé en rétention judiciaire, a-t-on appris de sources judiciaire et aéroportuaire.

Khalid Alotaibi, 33 ans, a été interpellé par la police aux frontières alors qu’il s’apprêtait à prendre un vol pour Riyad, a indiqué une source proche du dossier.

Il a été placé en rétention judiciaire dans le cadre d’un mandat d’arrêt international émis par la Turquie, a précisé une source judiciaire. À l’issue de sa rétention mercredi, il sera présenté au parquet général de la cour d’appel de Paris qui lui notifiera le mandat d’arrêt, a poursuivi cette source.

Jamal Khashoggi, ancien proche du pouvoir saoudien dont il était devenu un féroce détracteur, a été assassiné dans les locaux du consulat de son pays à Istanbul, le 2 octobre 2018, par un commando d’agents venus d’Arabie saoudite. Son corps, démembré, n’a jamais été retrouvé.

Après avoir nié l’assassinat, Riyad avait fini par dire qu’il avait été commis par des agents saoudiens ayant agi seuls. À l’issue d’un procès opaque en Arabie saoudite, cinq Saoudiens ont été condamnés à mort et trois à des peines de prison — les peines capitales ont depuis été commuées.

Par Le Point avec AFP