Un bouquet de roses déposé non loin du Crocus City Hall, où a eu lieu l’attaque sanglante revendiquée par le groupe État islamique, le samedi 22 mars. Le bilan est lourd: 137 morts. Photo: AFP via Getty Images/Stringer
Le Kremlin a annoncé samedi l’arrestation de 11 personnes, dont « quatre » assaillants, après l’attaque menée dans une salle de concert de la banlieue de Moscou la veille, qui a fait au moins 137 morts, puis 152 blessés et a été revendiquée par le groupe jihadiste État islamique (EI).
Les autorités russes n’ont pas réagi à la revendication de l’EI mais des responsables ont évoqué un supposé lien avec l’Ukraine. Vladimir Poutine ne s’est lui toujours pas adressé au Russes.
Kiev, qui avait nié toute implication dès vendredi soir, a rejeté les accusations russes absurdes
samedi. L’Ukraine n’a pas le moindre lien avec l’incident
, a martelé le conseiller de la présidence ukrainienne, Mykhaïlo Podoliak.
Le président russe s’est entretenu avec des dirigeants étrangers et a remercié les secouristes dans un communiqué écrit vendredi, mais il ne s’est pas exprimé publiquement sur l’attaque contre le Crocus City Hall, la plus meurtrière dans le pays depuis une vingtaine d’années et la plus sanglante en Europe à avoir été revendiquée par l’EI depuis les attentats du 13 novembre 2015 à Paris.
Le directeur des services de sécurité russes (FSB) a informé
le président Vladimir Poutine de l’arrestation de 11 personnes, dont quatre terroristes impliqués dans l’attentat
, a indiqué le Kremlin dans un communiqué.
Ces quatre personnes suspectées d’être les auteurs de l’attaque ont été arrêtées dans la région de Briansk, frontalière de l’Ukraine et du Bélarus, a ensuite précisé le Comité d’enquête.
Le FSB a affirmé que les suspects avaient des contacts appropriés du côté ukrainien
et comptaient fuir dans ce pays.
Les autorités n’ont avancé aucune preuve de ces liens supposés, dont la nature n’a pas été précisée, l’Ukraine ayant de son côté nié toute implication dès vendredi.
Le député Andreï Kartapolov, président de la commission de la Défense à la Douma, a dit qu’une implication de l’Ukraine ne pouvait pas être exclue
.
Le bilan s’est alourdi dimanche matin à 137 morts et devrait encore augmenter
, a annoncé le Comité d’enquête russe. Il devrait encore augmenter, car les recherches se poursuivent et pourraient prendre des jours.
Les assaillants auraient utilisé des armes automatiques
et auraient provoqué un vaste incendie dans le bâtiment avec un liquide inflammable
, ont ajouté les enquêteurs.
Les victimes ont été tuées par balles ou en inhalant les fumées de l’incendie, selon les enquêteurs.
Des précédents, mais jamais d’une telle ampleur
L’EI, que la Russie combat en Syrie et qui est actif aussi dans le Caucase russe, a déjà commis des attentats dans le pays depuis la fin des années 2010. Mais le groupe n’y avait jamais revendiqué une attaque d’une telle ampleur.
Il a affirmé sur l’un de ses comptes Telegram que ses combattants avaient attaqué un grand rassemblement […] dans les environs de la capitale russe Moscou
.
L’organisation jihadiste a déclaré que son commando avait ensuite regagné sa base en toute sécurité.
Les services d’urgence et la police sont à pied d’œuvre sur le site de l’attaque, ce samedi 23 mars 2024. Photo: AFP via Getty Images/Stringer
Cet assaut, dont les médias russes ont commencé à faire état vers 20 h 15, heure de Moscou , a été mené par plusieurs individus armés au Crocus City Hall, une salle de concert située à Krasnogorsk, à la sortie nord-ouest de la capitale russe.
L’incendie a complètement brûlé
la salle de concert, a expliqué le gouverneur de la région de Moscou, Andreï Vorobiov.
Les autorités encerclaient le Crocus City Hall en soirée. Photo: Reuters/Maxim Shemetov
Juste avant le début, nous avons tout d’un coup entendu plusieurs rafales de mitraillette et un terrible cri de femme. Puis beaucoup de cris
, a raconté à l’AFP Alexeï, un producteur de musique qui se trouvait dans les loges au moment de l’attaque.
Anna, 40 ans, qui s’y trouvait avec son mari, a dit samedi à l’AFP avoir couru vers la sortie
dès qu’elle a entendu des bruits de claquement, qui étaient en fait des tirs. Son époux est tombé
mais qu’ils ont finalement pu s’enfuir.
J’étais stressée. Les gens se piétinaient, il y avait une bousculadeUne citation deAnna, 40 ans, survivante de l’attaque
Des journalistes de l’AFP ont vu vendredi soir le bâtiment en proie à un vaste incendie, des volutes de fumée noire s’échappant du toit. Les flammes se sont propagées à près de 13 000 m2 du bâtiment avant que l’incendie ne soit contenu, selon les services de secours.
L’ambassade américaine en Russie avait averti il y a deux semaines ses citoyens qu’elle suivait de près des informations selon lesquelles des extrémistes ont des plans imminents de cibler de grands rassemblements à Moscou, y compris des concerts
.
Mardi, Vladimir Poutine avait rejeté ces déclarations provocatrices
. Tout cela ressemble à du chantage pur et simple et à une volonté d’intimider et déstabiliser notre société
, avait-il dit.
Nous sommes en deuil
Malgré la revendication de l’EI, de nombreuses questions restent en suspens. Selon des médias russes et le député Alexandre Khinstein, certains des suspects sont originaires du Tadjikistan.
«Nous sommes en deuil», est-il écrit sur ce panneau en bord d’autoroute. De nombreuses affiches de ce type sont apparues dans les abribus de la ville après l’attentat. Photo: AFP via Getty Images/Stringer
Les autorités de ce pays d’Asie Centrale ont affirmé n’avoir pas reçu de confirmation des autorités russes concernant les fausses informations qui circulent actuellement sur l’implication de citoyens tadjiks
.
Le Tadjikistan, frontalier de l’Afghanistan où l’EI est actif, a été confronté depuis son indépendance de l’Union soviétique en 1991 à une multitude de mouvements armés islamistes. Ces dernières années, des citoyens du pays ont été accusés d’avoir été liés à des attaques jihadistes, notamment en Iran.
Les chaînes Telegram d’actualités Baza et Mash, réputées proches des forces de l’ordre, ont elles publié des vidéos montrant au moins deux hommes armés avançant dans le hall et d’autres sur lesquelles on peut voir des cadavres et des groupes de personnes se précipitant vers la sortie.
Samedi, la police et les forces spéciales étaient encore déployées devant et dans le Crocus City Hall, le haut du bâtiment étant noirci et partiellement détruit par les flammes de la veille, sous un ciel gris.
Des centaines de secouristes déblayaient les débris, le toit s’étant effondré dans l’auditorium. Dès le matin, de longues files d’attente s’étaient formées devant certains centres de dons du sang à Moscou, d’après des images des médias d’État.
Des enfants déposent des fleurs sur un monument sur lequel on peut lire «Moscou», à Sébastopol, en Crimée, en mémoire des victimes de l’attentat terroriste mené sur le Crocus City Hall, dans la banlieue de Moscou, qui a fait 137 morts. Photo : AFP via Getty Images/Stringer
Dans certains arrêts de bus de la ville sont également apparues des affiches montrant une bougie et l’inscription: Nous sommes en deuil 22/03/2024
, la date de l’attaque.
La communauté internationale a dénoncé cet assaut, l’Union européenne et l’Espagne se disant choquées
et la Maison-Blanche aux côtés des victimes
. Le porte-parole du ministère afghan des Affaires étrangères a assuré condamner dans les termes les plus forts
cet acte.
En Russie, les mesures de sécurité ont été renforcées et plusieurs événements publics ont été annulés.
Radio-Canada avec Agence France-Presse