En juillet, une jeune femme a accusé le président de l’avoir violée dans les années 2000. Des accusations qui font écho à celles d’opposantes et militantes, selon lesquelles le gouvernement ne protège pas suffisamment leurs droits.
L’affaire est potentiellement explosive et pourtant, elle n’a eu qu’un retentissement modéré. En juillet, une jeune femme vivant en Australie, Susan Mutami, a affirmé sur Twitter avoir été abusée sexuellement par plusieurs hommes politiques de son pays, le Zimbabwe, dans les années 2000. Parmi les accusés, Emmerson Mnangagwa, devenu chef de l’État depuis les faits présumés, mais aussi l’ancien ministre de la Sécurité nationale, Owen Ncube, l’ex-ministre des Affaires étrangères, Sibusiso Moyo (aujourd’hui décédé), et le vice-ministre des Mines, Polite Kambamura. Elle a déposé une plainte auprès de la police australienne.
Des accusations auxquelles Harare n’a pas souhaité réagir. Le porte-parole de la présidence, George Charamba, a lui-même refusé de les commenter, se contentant de dire qu’il « ne s’occup[ait] pas des rumeurs » et n’avait de toute façon « rien à cacher ». « Il est très peu probable que ces allégations de viols aient un impact sur l’ambition de Mnangagwa d’être reconduit à la présidence de la Zanu-PF [parti au pouvoir] lors du congrès d’octobre et de briguer un second mandat à la tête du pays lors des élections de l’année prochaine », commente l’analyste politique Eldred Masunungure. Admire Mare, chercheur à l’université de Johannesburg, estime néanmoins que les accusations portées contre le chef de l’État « vont jeter le discrédit sur ce qu’il a fait jusqu’à présent pour promouvoir l’émancipation des femmes ».
Sexe, mensonges et fuites
Ce n’est pas la première fois que de hauts responsables zimbabwéens sont accusés de maltraitance, voire de violence. En 2021, l’adjoint de Mnangagwa, Kembo Mohadi, a été contraint de démissionner après qu’ont été divulgués dans les médias des appels privés dans lesquels il sollicitait des faveurs sexuelles de jeunes femmes, y compris de la part de ses assistantes.
Sous l’administration de Mnangagwa, les attaques contre des femmes par l’appareil d’État, y compris les agents de la force publique travaillant de concert avec le pouvoir judiciaire, se sont poursuivies. La députée Joana Mamombe, et les militantes Netsai Marova et Cecilia Chimbiri, ont affirmé avoir été enlevées, abusées sexuellement et torturées pour avoir manifesté contre le fait que le gouvernement n’avait pas fourni d’équipements de protection individuelle aux Zimbabwéens pendant la pandémie de Covid-19. Au lieu d’être entendues et protégées, elles ont été accusées d’avoir menti et trainées devant les tribunaux.
Selon Barbara Gwangwara Tanyanyiwa, de la Coalition des citoyens pour le changement (CCC), « Mnangagwa n’est pas favorable à l’égalité des sexes, au contraire ! » « Il revient sur les acquis obtenus au fil des ans, ajoute-t-elle. Les femmes sont maltraitées sous sa présidence, et lui-même ne s’est jamais exprimé dans ces affaires. Il déchaîne les soldats et la police pour qu’ils harcèlent des citoyens innocents au lieu de les protéger. »
De fait, après son arrivée au pouvoir, Emmerson Mnangagwa avait promis d’œuvrer en faveur de l’égalité des sexes, mais il tarde à appliquer les réformes envisagées. Son gouvernement ne respecte pas davantage la disposition de la Constitution qui veut que hommes et femmes soient également représentés dans les nominations publiques. En novembre 2017, sur les 39 membres de son cabinet et du gouvernement, seuls six étaient des femmes.
« Il n’a pas fait assez pour atteindre l’égalité des sexes telle qu’elle est inscrite dans la section 17 de la Constitution du Zimbabwe, déclare Linda Masarira, défenseuse des droits humains et présidente du parti d’opposition Travail, économistes et démocrates africains. Nous ne pouvons mesurer l’égalité que dans la pratique. En l’état actuel des choses, il n’y a pas de femme dans les hautes sphères de l’État. » Aujourd’hui, sur les 53 ministres, ministres d’État et vice-ministres qui composent le gouvernement, 17 sont des femmes. « Mnangagwa ne soutient pas les réformes visant plus d’inclusivité », regrette encore Barbara Gwangwara Tanyanyiwa.
Au Parlement, après les élections générales de 2018, les femmes occupaient 35 % des 350 sièges. Cela était en grande partie dû à un quota introduit en 2013. Il devait être supprimé en 2022, mais les législateurs zimbabwéens l’ont finalement prolongé pour dix années supplémentaires.
Par Jeune Afrique – Avec Farai Shawn Matiashe – The Africa Report
Cela fait tout juste quatre ans qu’un président a chassé l’autre. Mais, alors qu’il avait promis d’engager son pays sur la voie de la démocratie, Emmerson Mnangagwa semble s’inscrire dans la droite ligne de son prédécesseur.
C’était à la fin de l’année 2017. Tout juste investi président, Emmerson Mnangagwa promettait que le Zimbabwe entrait dans une nouvelle ère, placée sous le signe de l’état de droit, de la démocratie et de la bonne gouvernance. Après avoir vécu quarante années sous la férule d’un régime autoritaire, ses concitoyens espéraient tourner la page de la violence politique et des lois répressives. Pourtant, quatre ans plus tard, le climat s’assombrit de nouveau pour la société civile.
Depuis son entrée en fonction, le gouvernement a en effet adopté toute une série de mesures restrictives, parmi lesquelles un « projet de loi patriotique » et un texte « relatif à la cybersécurité et la protection des données », qui, selon ses détracteurs, limitent la liberté d’expression. Il tente à présent de faire adopter un texte « portant modification de la loi relative aux organisations bénévoles privées », qui inquiète à Harare.
Contrôler le travail des ONG
D’après le site de veille législative Veritas, ce texte vise à faire respecter les recommandations du Groupe d’action financière (Gafi), un organisme intergouvernemental qui lutte contre le blanchiment d’argent et contre l’utilisation illégale des organisations bénévoles privées à des fins de terrorisme.
Il est censé simplifier les procédures administratives et améliorer la réglementation des associations afin d’empêcher tout lobbying politique. Mais, à en croire ses contempteurs, il constitue en réalité un véritable risque pour la société civile, puisqu’il donne à l’exécutif le pouvoir de contrôler le travail des ONG, voire de s’en mêler.
« La principale motivation du gouvernement est de conserver le pouvoir dans la perspective des élections de 2023 », explique Blessing Vava, directeur de la Crisis in Zimbabwe Coalition, qui regroupe plus de 80 organisations de la société civile œuvrant pour le changement démocratique.
MNANGAGWA ADOPTE UNE POSTURE IMPÉRIALE »
Pour Bekezela Gumbo, responsable de recherches au Zimbabwe Democratic Institute, Emmerson Mnangagwa réécrit la loi pour reprendre certains des pouvoirs que s’était octroyés son prédécesseur, Robert Mugabe. « Il adopte une posture impériale, en supprimant le rôle de surveillance de la société civile », affirme-t-il.
De son côté, la Crisis in Zimbabwe Coalition estime que le gouvernement reprend tout bonnement les lois restrictives, les réformes cosmétiques et les attaques contre la société civile qui caractérisèrent l’ère Mugabe. Mnangagwa, assure Blessing Vava, veut renforcer son emprise sur la scène politique nationale jusqu’à y acquérir une autorité absolue. « Ces changements de législation sont dangereux. Ils font partie des manœuvres destinées à imposer un régime de parti unique en se servant de la loi comme une arme, déplore-t-il. Les conséquences pour notre démocratie sont dévastatrices, surtout dans la perspective des élections de 2023. Tout cela vise à freiner le travail des organisations de la société civile et à les rendre passibles de poursuites. »
Corruption massive
La mise à l’écart de la société civile risque, aussi, d’aggraver la concussion, dans un pays classé 157e sur 180 sur l’Indice de perception de la corruption 2020 établi par l’ONG Transparency International. Dans son rapport d’évaluation des années 2017-2019, le contrôleur général du Zimbabwe a, pour sa part, constaté un niveau de corruption très élevé au sein des entreprises publiques, des ministères et des administrations locales.
En traitant les organisations qui veillent au respect de la bonne gouvernance comme des ennemis qui cherchent à déstabiliser l’État, le gouvernement complique considérablement le travail de la société civile. S’il était adopté, le projet de loi, insiste Blessing Vava, conférerait au gouvernement le pouvoir de suspendre les comités de direction des organisations bénévoles privées et de nommer un administrateur temporaire pour les diriger. « Le gouvernement espère exercer une influence décisive sur les ONG et restreindre leurs activités, explique-t-il. Il se dirige vers un système dans lequel les ONG sont sous le contrôle de l’État, ce qui n’est pas sans incidence pour la démocratie, la transparence et la reddition des comptes. »
LA TENDANCE EST À LA CONCENTRATION DES POUVOIRS AU SEIN DE L’EXÉCUTIF ET À LA MISE À L’ÉCART DES CITOYENS »
L’ONG Media Institute of Southern Africa (MISA) confirme que les mesures législatives envisagées au Zimbabwe pourraient avoir un impact considérable sur la liberté d’action de la société civile. Le projet de loi, souligne le MISA, « a vraisemblablement pour but de cibler les ONG qui surveillent les trois branches de l’État, c’est-à-dire le cœur même de la participation des citoyens aux questions de gouvernance et au développement économique. »
« La tendance est à la centralisation, à la concentration des pouvoirs au sein de l’exécutif et à la mise à l’écart des citoyens, renchérit Musa Kika, directrice exécutive du Zimbabwe Human Rights Forum. Ce projet de loi doit être purement et simplement abandonné. »
Selon ses adversaires, ce texte aurait, plus largement, des conséquences sur le processus électoral, sur les droits humains ainsi que sur la bonne gestion des ressources naturelles du pays et, à ce titre, doit être soumis à l’appréciation de la justice.
« Crisis in Zimbabwe participera à des campagnes de sensibilisation dans le pays et dans toute l’Afrique australe afin que les citoyens résistent à cette loi antidémocratique et poussent le gouvernement à rendre des comptes, précise Blessing Vava. Nous inciterons par ailleurs la SADC [Communauté de développement de l’Afrique australe] et nos partenaires régionaux à intervenir dans la résolution de la crise zimbabwéenne. »
Avec Jeune Afrique Michelle Chifamba – pour The Africa Report
Bozizé et Patassé, Mobutu, Bédié, Amadou Toumani Touré, Mnangagwa, Atangana Kouna… Tous ces hommes qui ont un jour été puissants, et qui parfois le sont redevenus, ont un point commun : ils ont été contraints de quitter leur pays. Toute la semaine, « Jeune Afrique » vous fait le récit de ces fuite inattendues, et parfois rocambolesques.
Il y a quelque chose de fascinant dans la fragilité du pouvoir. Un jour, on est tout-puissant et le lendemain, on n’est plus rien. Il faut fuir pour sa vie ou pour sa liberté. Le téléphone ne sonne plus, les privilèges se réduisent à peau de chagrin, parfois même on s’ennuie.
À quoi cela tient-il ? Quand des erreurs ont-elles été commises ? À quel moment le rapport de force s’est-il inversé ? Ce sont quelques-unes de ces histoires que Jeune Afrique a décidé de vous raconter tout au long de cette semaine.
Il y a ce jour de 2012 où le président malien Amadou Toumani Touré n’a eu d’autre choix que de dévaler à pied, le genou douloureux, la colline de Koulouba pour échapper aux putschistes qui tiraient sur le palais présidentiel. Preuve, s’il en fallait, que quand il s’agit de sauver sa peau, beaucoup sont prêts à tout et rivalisent d’ingéniosité.
EN 2017, EMMERSON MNANGAGWA REDEVIENT LE JEUNE MAQUISARD QU’IL FUT, MARCHANT ET RAMPANT DANS LES MARAIS
En témoigne l’histoire du Centrafricain Ange-Félix Patassé qui, en 1982, n’hésite pas à enfiler un boubou pour échapper aux hommes de Kolingba, tandis que son complice, François Bozizé, trouve son salut dans un faux plafond. En 2017, Emmerson Mnangagwa, exclu du pouvoir par Robert (et Grace !) Mugabe, redevient le jeune maquisard qu’il fut, marchant et rampant dans les marais pour parvenir à quitter le Zimbabwe. Quant à l’ancien ministre camerounais Basile Atangana Kouna, il fut contraint de fuir en voiture, nuitamment et par la route, pour être finalement rattrapé dans un hôtel au Nigeria. Il croupit depuis en prison.
Symbole
Il y a aussi ces présidents, le Congolais Mobutu Sese Seko en berline, l’Ivoirien Henri Konan Bédié en hélicoptère, devenus aveugles aux signaux et sourds aux alertes, qui durent quitter leur pays en riches et vilipendés fuyards.
Mais les récits que nous vous livrerons chaque jour de la semaine ont sans doute valeur de symbole – et peut-être de morale. Certains de nos fugitifs ont mis des années à revenir au pays, d’autres y sont devenus plus puissants encore que quand ils en étaient parti
Propulsé sur le devant de la scène par le putsch qui a renversé Robert Mugabe, Emmerson Mnangagwa tient fermement les rênes du Zimbabwe. Pendant que ses alliés et opposants protègent leurs intérêts.
Voitures blindées et chars d’assaut ont sillonné la capitale toute la journée du 14 novembre 2017. Le lendemain, dès les premières heures, le général Sibusiso Moyo apprenait à ses compatriotes que Robert Gabriel Mugabe, président du Zimbabwe pendant trente-sept ans, était assigné à résidence.PUBLICITÉ
Les forces de défense zimbabwéennes s’occuperont des « criminels » qui entourent le président et sont responsables des « problèmes socioéconomiques » rencontrés alors par le pays.
Bien sûr, ce n’est pas un coup d’État, assure Sibusiso Moyo, nommé par la suite ministre des Affaires étrangères. Et sur ce point, l’officier a su se montrer convaincant auprès du président sud-africain Jacob Zuma, comme de son homologue guinéen, le pourtant sceptique Alpha Condé, alors président de l’Union africaine (UA).Read this article in english on
Au Zimbabwe, la population est bien plus occupée à suivre les pérégrinations de l’homme en devenir, Emmerson Dambudzo Mnangagwa, parti en exil une semaine plus tôt. Des récits circulent à travers le pays sur la bravoure avec laquelle ce dernier et son fils se sont faufilés au Mozambique, en coupant à travers la brousse pour éviter les traquenards éventuels, avant d’atterrir dans la banlieue nord de Johannesburg.
À Harare, les généraux et les « faiseurs d’images » organisent une manifestation qui attire des dizaines de milliers de personnes dans les rues de la capitale pour célébrer le renversement de Mugabe.
Rock star en échec
Quelques jours plus tard, Emmerson Mnangagwa, rentré au pays telle une rock star, promet « des emplois, des emplois, des emplois » à la population et « un Zimbabwe ouvert au business » aux investisseurs étrangers.
S’appuyant sur son passé de secrétaire personnel de Mugabe, Mnangagwa s’était habilement positionné comme l’héritier du chef pour mieux marginaliser ses rivaux. Jusqu’à l’apparition de son concurrent le plus sérieux, Grace, l’épouse de Robert Mugabe.
Le coup de novembre 2017 a emporté à la fois l’ancien président et sa femme, laissant tout l’espace nécessaire à Emmerson Mnangagwa pour qu’il lance son projet : remettre l’économie du Zimbabwe en marche et réunifier le parti au pouvoir pour une nouvelle décennie de succès.
Un an plus tard, le constat d’échec est évident. L’économie s’est encore affaiblie en raison de la corruption et du favoritisme, auxquels se sont ajoutés les effets de la sécheresse qui a frappé l’ensemble de la sous-région fin 2018. Au sein de l’Union nationale africaine du Zimbabwe (ZANU-PF), les rivalités sont toujours plus exacerbées, alors que l’armée ne semble plus faire confiance au chef de l’État.
Certains citoyens ont cru aux promesses d’élections libres, les chancelleries étrangères ont pensé un moment lever les sanctions internationales qui pesaient sur le pays et les entreprises avaient commencé à montrer des volontés d’investir.
Intrigues et rumeurs de putsch
LE DOLLAR LOCAL, À PEINE RELANCÉ, S’EST FRACASSÉ CONTRE SON HOMOLOGUE AMÉRICAIN
Trois ans plus tard pourtant, le nouveau régime semble à bout de souffle. La distribution d’eau potable et d’électricité reste toujours aussi sporadique dans la capitale, l’inflation dépasse les 750 % et le dollar local, à peine relancé, s’est fracassé contre son homologue américain.
L’équipe qui a porté Mnangagwa au pouvoir n’hésite plus à afficher ses regrets. Les intrigues et les rumeurs de putsch flottent continuellement dans l’air. Pour toute réponse, Emmerson Mnangagwa et son clan familial se serrent toujours plus les coudes. La loyauté, plus encore que les liens du sang, reste le critère déterminant à l’intérieur du premier cercle.
L’ancien ministre pour l’Éducation supérieure, Godfrey Gandawa, s’inquiète de la direction empruntée ces dernières années par le pays : « La ZANU-PF a fait des forces de sécurité une milice à son service. » Tous les leviers sécuritaires ont en effet été placés sous le contrôle direct de la présidence. Ce qui n’empêche pourtant pas les saboteurs de continuer à causer d’importants dégâts.
Pour Godfrey Gandawa, le président Mnangagwa a même été plus loin : « La justice du Zimbabwe, y compris au niveau de la Cour suprême et de la Cour constitutionnelle, est aujourd’hui sous la coupe de l’exécutif. Les gens sont arrêtés pour avoir insulté le président même si cela est manifestement contraire à la Constitution. »
À mesure que le président centralisait les pouvoirs, l’opposition se cherchait d’autres protecteurs, notamment auprès du premier vice-président, le général Constantino Chiwenga. Le Zimbabwe est aujourd’hui dirigé par deux hommes, le plus souvent en désaccord.
Emmerson Mnangagwa a doublé les effectifs du personnel de sécurité, pendant que l’ancien chef d’état-major de l’armée conservait des liens forts au sein de l’appareil militaire. Personne ne sait comment leurs troupes se comporteront si la tension montait entre les deux hommes, au moment même où le pays connaît la pire crise économique de son histoire.
Le général Chiwenga a déjà été accusé – à huis clos – de comploter contre la présidence. L’accord originel passé entre les deux hommes, qui prévoyait qu’après un seul mandat, Emmerson Mnangagwa passerait le relai à son cadet de dix ans, a donc volé en éclats.
Le camp présidentiel a même contrecarré le plan établi par les acolytes de Chiwenga pour renverser le chef de l’État en janvier. Ce qui expliquerait, selon plusieurs hauts fonctionnaires, l’enthousiasme avec lequel ce dernier a confiné le pays en réponse à la pandémie du coronavirus.
Divisions au sein du bureau politique
L’armée et ses principaux officiers se montrent de plus en plus critiques envers les manigances des cadres de la ZANU-PF, dont la plupart soutiennent l’actuel président.
Des divisions sont apparues publiquement lors d’une réunion du bureau politique du parti en juillet, quand le directeur de la Central Intelligence Organization (CIO), Isaac Moyo, a remis un rapport affirmant que deux membres du comité central stockaient des affiches et des pancartes appelant à renverser Mnangagwa en faveur de Chiwenga.
Selon le chef des services secrets, les comploteurs avaient prévu d’utiliser leur matériel lors d’une manifestation nationale organisée par l’opposition le 31 juillet pour couvrir l’opération, justement.
Quelques semaines plus tôt, plusieurs officiels de haut rang de la CIO avaient pourtant tenu une étrange conférence de presse dans laquelle ils niaient avoir découvert les éléments d’un possible coup d’État contre Mnangagwa.
Deux choses sont claires depuis cette révélation : Emmerson Mnangagwa tient bien en main l’armée et l’appareil de sécurité, et il compte se présenter à un deuxième mandat en 2023.
Toute tentative de l’évincer en capitalisant sur les fractures au sein du camp présidentiel nécessitera auparavant une forme de consentement de la part de Constantino Chiwenga et de Sibusiso Moyo.
Contrats opaques
Les actions de lobbying menées, au lendemain du coup d’État de novembre 2017, par Sibusiso Moyo, le ministre des Affaires étrangères, et son ami, l’entrepreneur Edwin Manikai, ont rapidement porté leurs fruits. Rory Stewart, le ministre britannique chargé du continent à cette époque, a vite sauté dans un avion pour rejoindre le Zimbabwe afin d’évoquer la nouvelle ère qui s’ouvrait alors dans les relations entre Harare et Londres.
En moins d’un an, les ministres ont annoncé qu’un peu plus de 15 milliards de dollars d’investissement avaient été promis. Deux opérateurs étrangers incontournables au Zimbabwe, Gemcorp, basé à Londres, et Afreximbank, installé au Caire, ont fourni d’importantes lignes de crédit, garanties semble-t-il par les exportations de minerais à venir.
Mais le gouvernement a par la suite eu des difficultés à élargir sa base de soutiens. Malgré un nombre certain d’accords signés, peu de choses ont bougé sur le terrain. La plupart de ces contrats de plusieurs milliards de dollars chacun brillaient par leur opacité.
Basée à Chypre, l’entreprise russe Vi Holding et son partenaire zimbabwéen, Great Dyke Invesments (GDI), ont vu le jour grâce à la promesse de pouvoir exploiter l’or et le platine, mais ils n’ont jamais réussi à trouver les 2 milliards de dollars nécessaires pour démarrer les opérations.
Les banquiers ont estimé que le Zimbabwe ne serait pas en mesure de rassembler un tel capital tant que les représentants américains à la Banque mondiale et au FMI s’opposeraient à tout financement ou garantie destinés à des entités jugées très proches du gouvernement Mnangagwa.
Relations exécrables avec les partenaires économiques
La promesse d’ouvrir les portes aux compagnies étrangères s’est révélée avoir surtout pour but de séduire les électeurs avant la présidentielle de juillet 2018. Quand la Commission électorale a annoncé une courte victoire de Mnangagwa – alors que les manifestations organisées par l’opposition pour dénoncer la fraude électorale se soldaient par la mort de six personnes –, toute trace de bonne volonté avait disparu dans le camp présidentiel.
Emmerson Mnangagwa a alors nommé Mthuli Ncube, l’ancien vice-président de la Banque africaine de développement (BAD), et lui a demandé de rouvrir, en tant que ministre des Finances, les négociations avec la Banque mondiale. Mais ce dernier avait les mains liées puisque le marché de changes comme l’ensemble de la politique monétaire sont sous le contrôle de l’appareil politique. Le mantra gouvernemental – le Zimbabwe est ouvert au monde des affaires – a alors sonné comme une coquille vide.
Les relations avec les trois principaux partenaires économiques du pays, l’Afrique du Sud, la Chine et la Russie, sont exécrables. À Pretoria, le président Cyril Ramaphosa se plaint de la mauvaise gestion de l’exode continu des Zimbabwéens vers le Sud, à travers le Limpopo.
Moscou n’arrive pas à lever les fonds nécessaires à ses investissements miniers et si Pékin dispose bien des ressources financières nécessaires pour aider le gouvernement zimbabwéen, il refuse de lui signer un chèque en blanc.
Attaques contre l’opposition et la presse
Depuis janvier, Emmerson Mnangagwa et son équipe ont également intensifié leurs attaques contre l’opposition, la société civile, les journalistes et tous les présumés dissidents. Cette campagne a démarré au moment où le haut commandement militaire établissait un plan pour se débarrasser de Mnangagwa et le remplacer par une « Autorité nationale de transition », soutenue par l’armée, en collaboration avec l’opposition, la société civile et la haute administration.
LE MARTEAU DE LA RÉPRESSION VA CONTINUER DE S’ABATTRE
Pendant que les forces de sécurité kidnappent, incarcèrent et torturent les opposants, d’autres agences de l’État creusent les divisions dans les rangs de l’opposition. « Le marteau de la répression va continuer de s’abattre, promet Victor Matemadanda, le vice-ministre de la Défense. Ceux qui veulent vendre le pays doivent faire attention. Ce pays a des pouvoirs particuliers. Il peut vous faire disparaître sans l’aide de personne. Ce pays a des pouvoirs mystérieux. Ce pays est un mystère. On ne peut juste pas faire ce que l’on veut. »
De son côté, le secteur privé local est entre les mains de deux hommes : Kudakwashe Tagwirei, adventiste du 7ème jour au carnet d’adresses politiques volumineux et qui possède des intérêts dans un grand nombre d’entreprises, et Strive Masiyiwa, en exil entre Londres et l’Afrique du Sud, d’où il préside aux destinées d’Econet et d’Ecocash, les principaux opérateurs de télécoms et de transfert d’argent du Zimbabwe.
Les efforts du gouvernement pour favoriser l’empire industriel de Masiyiwa atteignent ces derniers temps de nouveaux sommets. En juin, après la chute du dollar local, l’état-major des opérations interarmées a ordonné la suspension de la Bourse ainsi que de toutes les transactions numériques supérieures à 50 dollars par jour. Econet a ainsi vu la valeur de ses opérations baisser de moitié au Zimbabwe.
L’opérateur doit également faire face aux nouveaux services numériques proposés pour moitié prix par la Banque commerciale du Zimbabwe, avec le soutien de l’État. Enfin, les ministres ont accusé Econet, et donc son patron, de blanchiment d’argent et de commerce illégal de devises, même si la compagnie a depuis démontré qu’elle respectait bien tous les protocoles financiers établis avec le gouverneur de la Banque centrale.
Tagwirei étend ses positions
Beaucoup, au sein de l’opérateur, craignent que certains politiciens de la ZANU-PF fassent équipe avec Kudakwashe Tagwirei pour se partager le groupe de Masiyiwa. À mesure que l’État intensifie ses actions contre Econet, Tagwirei étend ses positions, se diversifie dans les énergies, la construction, le transport, les produits pharmaceutiques et la santé.
Lewis Matutu, ancien vice-secrétaire de la ZANU-PF, a accusé Tagwirei de monopoliser la vente de carburants, d’intrants agricoles ainsi que l’agent liquide transitant sur le marché parallèle. Sa société, Landela Mining, a mis la main sur plusieurs mines d’or, certaines détenues par l’État zimbabwéen, d’autres par l’homme d’affaires sud-africain Mzi Khumalo. Autant de dossiers troubles qui justifient que Kudakwashe Tagwirei soit aujourd’hui accusé de corruption et placé sous sanction américaine.
L’équipe Mnangagwa
Le groupe de dirigeants de la ZANU-PF qui soutient Emmerson Mnangagwa à la tête du pays a éclaté à cause des rivalités et de la paranoïa qui entourent la famille du président.
La première dame, Auxilia Mnangagwa, et ses fils, Collins et Sean, sont ciblés par plusieurs journalistes pour leurs liens avec des affaires de corruption, la plupart des informations les concernant ayant fuité via des agents de la Central Intelligence Organisation (CIO).
Les principaux soutiens du président, lors son accession au pouvoir, étaient le premier vice-président, le général Constantino Chiwenga, le ministre des Affaires étrangères, le général Sibusiso Moyo, le vice-ministre de la Défense, Victor Matemadanda, le directeur de la CIO, Isaac Moyo, le ministre de la Sécurité de l’État, Owen Ncube, et le conseiller à la présidence et leader des anciens combattants, Chris Mutsvangwa.
Trois ans plus tard, seuls Matemadanda, Isaac Moyo et Ncube gravitent toujours dans le premier cercle des intimes. Au niveau opérationnel, le vice-directeur de la CIO, Walter Tapfumaneyi, s’occupe de la sécurité d’Emmerson Mnangagwa, et organise diverses opérations d’infiltration dans l’opposition. Le général Philip Sibanda, commandant en chef des forces militaires du Zimbabwe, est également un allié clé du président.
L’équipe Chiwenga
Il n’existe pas de faction Chiwenga à proprement parler, mais ce dernier compte suffisamment de soutiens pour figurer comme un candidat sérieux à la succession du chef de l’État.
En janvier, le putsch organisé par les mécontents de la ZANU-PF et les militaires a échoué, en partie à cause de l’état de santé de Chiwenga. La mort de son allié, le général et ministre de l’Agriculture, Perence Shiri, en juillet, a encore affaibli sa cause et la rumeur tenace qui veut que Shiri a été empoisonné, renforce l’idée d’une main mise d’Emmerson Mnangagwa sur le parti.
Deux officiers supérieurs, le major-général Anselem Sanyatwe et le lieutenant-colonel Samson Murombo, sont perçus comme proches des groupes de soutien de Chiwanga dans l’armée.
Le premier vice-président compte également parmi ses alliés l’ancien ministre de l’Énergie, Fortune Chasi, l’ex-membre du bureau politique de la ZANU-PF, Cleveria Chizema, ou encore Saviour Kasukwere, débarqué du ministère de l’Environnement et autrefois supporter de Grace Mugabe, aujourd’hui en exil en Afrique du Sud
Avec Jeune Afrique par Patrick Smith et Franck Chikowore
Harare – Le président du Zimbabwe Emmerson Mnangagwa a présenté vendredi un nouveau gouvernement largement remanié de vingt ministres auxquels il a assigné la mission essentielle de « développer et moderniser » l’économie en faillite du pays.
Principale figure de la nouvelle équipe, l’économiste Mthuli Ncube, professeur à la prestigieuse université britannique d’Oxford et ex-patron de la Banque africaine de développement (BAD), a été nommé au portefeuille stratégique des Finances.
L’économie zimbabwéenne est sortie exsangue des trente-sept ans du règne autoritaire de Robert Mugabe, contraint en novembre à la démission par l’armée et le parti au pouvoir.
Le chômage y frappe plus de 90% de la population active et l’Etat peine chaque mois à payer ses fonctionnaires faute de liquidités.
Son successeur Emmerson Mnangagwa, vainqueur des élections du 30 juillet, a promis de relancer la machine en faisant revenir les investisseurs internationaux et en luttant contre la corruption.
« Nous voulons développer, moderniser et mécaniser notre économie », a répété vendredi le chef de l’Etat devant la presse en présentant son nouveau cabinet. « Dans les cinq prochaines années, nous devons réussir à faire passer un bon nombre nos concitoyens défavorisés dans la classe moyenne ».
M. Mnangagwa a par ailleurs procédé à des changements aux ministères-clé de la Défense et des Affaires intérieures, mais confirmé deux généraux à la retraite aux portefeuilles des Affaires étrangères et aux Affaires foncières.
Il a également nommé aux Sports l’ancienne championne de natation Kirsty Coventry, double médaillée d’or aux Jeux olympiques d’Athènes (2004) et Pékin (2008).
« J’ai nommé un gouvernement varié, dynamique, jeune et resserré avec les compétences et l’expérience requises pour réaliser nos objectifs », a souligné le président sur Twitter.
La présentation de sa nouvelle équipe a été accueillie plutôt favorablement par les analystes.
« C’est une liste intéressante (…) le ministère des Finances est entre de bonnes mains », a déclaré à l’AFP l’économiste Godfrey Kanyenze, de l’Institut de recherche pour le développement économique et social de Harare.
« Il (le président) a été assez audacieux pour écarter des gens qui étaient connus pour être corrompus », a-t-il ajouté.
Parmi ces exclus figurent l’ancien ministre des Finances Patrick Chinamasa, son ex-collègue de l’Information Supa Mandiwanzira et celui des Affaires intérieures Obert Mpofu.
« Ca ressemble à un bon départ », a renchéri son collègue indépendant John Robertson, « tout va dépendre maintenant de l’autonomie qu’il (le chef de l’Etat) va accorder à ses ministres ».
Le président du Zimbabwe Emmerson Mnangagwa a prêté serment dimanche en appelant ses compatriotes à tourner la page des élections, jugées frauduleuses par l’opposition, et à se mettre au travail pour redresser tous ensemble son économie en ruines.
En signe d’apaisement, le nouveau maître du pays a profité de son discours d’investiture pour annoncer une enquête sur la répression meurtrière, à ses yeux « inacceptable », de la manifestation post-électorale du 1er août, qui a fait 6 morts.
« Voici le nouveau Zimbabwe, l’aube d’une 2e république du Zimbabwe », a lancé M. Mnangagwa devant plusieurs milliers de ses partisans enthousiastes et une brochette de chefs d’Etat africains réunis dans un stade de la capitale Harare.
Emmerson Mnangagwa, 75 ans, a pris la tête du Zimbabwe en novembre dernier après la démission de Robert Mugabe, lâché par l’armée et son parti au pouvoir, la Zanu-PF, au terme d’un règne autoritaire de trente-sept ans.
Candidat de la Zanu-PF, l’ancien vice-président a été proclamé vainqueur de l’élection présidentielle du 30 juillet, crédité de 50,8% des suffrages contre 44,3% à son rival du Mouvement pour un changement démocratique (MDC), Nelson Chamisa.
Arguant de nombreuses fraudes, le MDC a contesté ces résultats devant la Cour constitutionnelle.
Mais la plus haute instance judiciaire du pays a validé finalement le scrutin vendredi, estimant que l’opposition n’avait pas fait la preuve de ces irrégularités.
Dans son premier discours de président élu, celui qui a été surnommé le « Crocodile », pour son caractère dur et intransigeant, a lancé un appel à l’unité du pays.
– ‘Création d’emplois’ –
« Nous sommes tous zimbabwéens, ce qui nous unit est plus fort que ce qui pourra jamais nous séparer », a-t-il lancé, « maintenant que les élections sont derrière nous, nous devons maintenant nous concentrer sur les défis économiques de notre nation ».
Sorti exsangue de l’ère Mugabe, le Zimbabwe connaît une crise économique et financière catastrophique, avec un taux de chômage estimé à plus de 90% de la population.
« Nous allons lancer des mesures pour attirer les investissements nationaux et étrangers (…), la créations d’emplois sera au coeur de nos efforts », a-t-il lancé devant la foule.
« Mnangagwa est l’homme qu’il nous faut pour mener le Zimbabwe à la prospérité », s’est réjoui un de ses partisans, Blessing Muvirimi, assis au milieu des banderoles « célébrons un nouveau Zimbabwe » ou « tolérance zéro pour la corruption » déployées dans le stade.
« Nous, nous voulons que le peuple s’unisse et travaille main dans la main », a renchéri un autre, Malvern Makoni.
L’opposition a déjà opposé aux appels à l’union du vainqueur une sèche fin de non-recevoir.
« Je me considère légitimement comme le dirigeant du Zimbabwe (…) nous avons remporté une nette majorité », avait déclaré samedi devant la presse Nelson Chamisa, qui a délibérément boudé la cérémonie d’investiture.
« La voie juridique n’est pas la seule vers la liberté, la Constitution nous donne le droit de manifester pacifiquement », a-t-il dit.
– ‘Inacceptable’ –
La campagne pour les élections générales est apparue plus ouverte que lors des scrutins précédents, systématiquement entachés des violences du pouvoir contre ses adversaires.
Mais les fraudes alléguées par l’opposition et, surtout, la sanglante répression par l’armée de la manifestation du 1er août ont ravivé le spectre du passé. Plusieurs dizaines de partisans de l’opposition ont également été arrêtés ces derniers jours, a accusé le MDC.
M. Mnangagwa a regretté dimanche la répression du rassemblement du 1er août. « L’incident violent isolé et malheureux du 1er août était regrettable et totalement inacceptable », a-t-il dit, « j’annoncerai bientôt la nomination d’une commission d’enquête ».
Les observateurs internationaux ont pour la plupart accordé leur onction au déroulement du scrutin.
L’Union européenne (UE) a exprimé des réserves, notamment sur le libre accès aux médias publics. Plus sévère, une mission américaine a conclu que le Zimbabwe ne disposait « pas encore de la culture démocratique et tolérante » requise.
De nombreux chefs d’Etat africains ont apporté par leur présence dimanche à l’investiture de M. Mnangagwa leur onction au scrutin.
Parmi eux figurent le Sud-Africain Cyril Ramaphosa, le Zambien Edgar Lungu, le Rwandais Paul Kagame et le président de la République démocratique du Congo Joseph Kabila.
L’ex-président Robert Mugabe s’est excusé et s’est fait représenter par sa fille Bona. Celui qui avait traité son successeur de « traître » après sa chute lui a toutefois envoyé ses « chaleureuses félicitations », selon un message lu par… M. Mnangagwa.
Harare – Les avocats de l’opposition étaient vendredi à 15H30 à la Cour constitutionnelle à Harare pour déposer un recours contestant les résultats de l’élection présidentielle du 30 juillet remportée par le sortant Emmerson Mnangagwa, a constaté un journaliste de l’AFP.
Plusieurs hommes en costume dont des membres de l’opposition sont entrés dans les locaux de la Cour constitutionnelle peu après 15H (13H00 GMT). Jameson Timba, ancien député, membre de la délégation, a confirmé à l’AFP qu’ils étaient là pour le recours.
La délégation a été suivie quelques instants plus tard par d’autres hommes en costume portant des boîtes en plastique et des dossiers.
Selon les résultats officiels, M. Mnangagwa, ancien bras droit de Robert Mugabe resté 37 ans pouvoir, a obtenu 50,8% des voix contre 44,3% pour Nelson Chamisa du Mouvement pour le changement démocratique (MDC).
L’opposition avait jusqu’à minuit pour contester les résultats du scrutin. Une fois saisie, la Cour constitutionnelle a 14 jours pour trancher.
« Toutes les preuves (de fraude) dont nous avons besoin sont disponibles. Il n’y aura aucun doute pour tous les citoyens. Il y a eu une triche et une fraude de +mammouth+ », avait affirmé mercredi Thabani Mpofu, avocat du MDC.
De son côté, le président Mnangagwa se montre confiant, répétant que l’élection a été « juste et transparente ». Son camp accuse les opposants d’être « mauvais joueurs ».
Une vingtaine d’opposants arrêtés au siège de leur parti comparaissaient devant la justice samedi à Harare, après la victoire contestée du président sortant Emmerson Mnangagwa, qui a appelé à l’apaisement dans l’espoir de tourner la page de l’ère Mugabe.
M. Mnangagwa a obtenu de justesse la majorité (50,8%) des voix lors de l’élection présidentielle de lundi, la première depuis la chute du président Robert Mugabe, tombé en novembre après près de quatre décennies au pouvoir. Il appartient, comme M. Mugabe, au parti de la Zanu-PF, aux commandes du pays depuis l’indépendance en 1980.
Après un vote dans le calme, la situation a dégénéré mercredi quand la police et l’armée ont maté une manifestation de l’opposition, faisant au moins six morts.
Le lendemain, la police a perquisitionné les locaux du Mouvement pour le changement démocratique (MDC, opposition). 21 personnes ont été arrêtées et inculpées de violences sur la voie publique, selon l’association des Avocats du Zimbabwe pour les droits de l’Homme. 22 personnes dont huit femmes comparaissaient samedi devant le tribunal.
La situation était calme dans la capitale mais restait tendue, notamment dans la banlieue. A Chitungwiza (sud Harare), « des gens ont été battus par des soldats hier soir », rapporte Christine, commerçante, témoin des événements. « Je ne sais pas pourquoi ils les frappaient. Ils n’avaient rien fait. Les soldats sont encore là, on a peur de sortir ».
Plusieurs des victimes de la répression devaient être enterrées dans la journée.
La veille, Emmerson Mnangagwa, 75 ans, a joué la carte de l’apaisement. L’élection marque « un nouveau départ » pour « construire un nouveau Zimbabwe pour tous », a-t-il déclaré.
Il a promis une enquête indépendante sur les violences et dénoncé l’intervention de policiers qui ont retardé vendredi une conférence de presse de l’opposition. Ce genre de comportement « n’a pas de place dans notre société », a-t-il assuré.
Il a aussi défendu la légitimité de son élection, assurant qu’elle avait été « libre, juste et crédible ».
Sans convaincre Nelson Chamisa, le jeune chef de l’opposition de 40 ans, qui a de nouveau dénoncé samedi des fraudes. « Nous avons gagné, mais ils ont déclaré le contraire. Vous avez voté et ils ont triché », a-t-il lancé sur son compte Twitter.
Le MDC a promis de saisir la justice, assurant avoir des « preuves » des fraudes.
Une fois saisie, la justice a 14 jours pour se prononcer. Le vainqueur sera alors investi président dans les 48 heures.
« L’opposition n’a eu aucun résultat et je pense que la pilule est dure à avaler après 37 ans de gouvernance par un seul parti sous Mugabe. Il est temps pour un nouveau départ, et cela ne se produit pas. Donc je m’attends à quelques troubles sociaux » notamment en province, estime Anthoni Van Nieuwkerk, professeur de relations internationales à la Wits School of Governance.
– ‘les gens ont faim’ –
« Mnangagwa et son parti comprennent que le pays n’a aucune économie et a besoin de la bonne volonté de la communauté internationale. S’ils déploient les soldats, au-delà de la décence, et si d’autres personnes sont tuées, ça n’annoncera rien de bon pour lui », précise-t-il.
« Le véritable défi ce n’est pas la représentation politique mais la relance de l’économie. Les gens n’ont pas de travail, ils ont littéralement faim… Ce défi ne peut être surmonté, que si le vainqueur et le second travaillent ensemble », conclut-il
Washington a déploré les violences mais « encouragé » vendredi « tous les responsables politiques à montrer de la magnanimité dans la victoire et de la courtoisie dans la défaite ».
Arrivé à la présidence en novembre après un coup de force de l’armée qui a renversé Robert Mugabe, Mnangagwa a légitimé son pouvoir avec ce double scrutin, confortant même sa position à l’Assemblée: son parti a raflé les deux-tiers des sièges lors des législatives.
L’ex-bras droit de Robert Mugabe, soucieux de se démarquer de l’ancien président autocrate, s’était engagé à organiser des élections libres. Sous Mugabe, les scrutins étaient marqués par fraudes et violences. En 2008, plus de 200 partisans de l’opposition avaient été tués.
Dans leurs rapports préliminaires, les observateurs internationaux ont salué le déroulement du vote. Mais l’Union européenne a dénoncé l' »inégalité des chances », rappelant que M. Mnangagwa dispose du soutien de l’armée et contrôle les médias d’Etat.
Amnesty International s’est inquiétée de « l’arrestation arbitraire d’au moins 60 personnes ». Elle a appelé le président à « tenir ses promesses » en « ordonnant aux forces de sécurité de mettre fin à leur campagne brutale de torture, d’intimidation et de suppression de voix dissidentes ».
Emmerson Mnangagwa traîne une réputation sulfureuse. En tant que chef de la sécurité nationale sous Mugabe, il a dirigé en 1983 la brutale répression dans les provinces dissidentes du Matabeleland (ouest) et des Midlands (centre), qui ont fait environ 20.000 morts.
Harare – L’élection présidentielle au Zimbabwe a été « libre, juste et crédible », a affirmé vendredi le chef de l’Etat élu Emmerson Mnangagwa, en dépit des accusations de fraude de l’opposition.
« On a assisté à une célébration de la démocratie au Zimbabwe, un festival de liberté sans entraves. Alors que les yeux du monde étaient tournés vers nous, nous avons organisé une élection libre, juste et crédible, comme nous l’avions promis », a déclaré Emmerson Mnangagwa au cours d’un point de presse au palais présidentiel à Harare.
« Je suis fier et humble d’avoir été élu (…). Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour être à la hauteur des attentes de ceux qui ont voté pour moi », a-t-il ajouté, affichant sur son costume sombre une écharpe aux couleurs du Zimbawbe
Emmerson Mnangagwa a remporté l’élection présidentielle de lundi avec 50,8% des voix, devant son principal rival et opposant Nelson Chamisa qui a obtenu 44,3% des voix, selon des résultats officiels.
Ce dernier a rejeté vendredi les résultats, jugeant l’élection « frauduleuse, illégale et illégitime ».
Emmerson Mnangagwa a assuré à son opposant qu’il avait « un rôle crucial à jouer au Zimbabwe, maintenant et dans l’avenir ».
Depuis son indépendance en 1980, le Zimbabwe n’a connu que deux présidents, tous les deux issus de la Zanu-PF: Robert Mugabe, qui a dirigé d’une main de fer le pays pendant trente-sept ans, et Emmerson Mnangagwa, son ancien bras droit, arrivé au pouvoir après un coup de force de l’armée.
Ce dernier a confirmé cette semaine dans les urnes, à l’occasion des premières élections de l’ère post-Mugabe, son emprise sur le pays,
Le président Emmerson Mnangagwa a appelé jeudi à l’apaisement au Zimbabwe alors que l’armée patrouillait dans les rues de Harare dans l’attente des résultats de la présidentielle, au lendemain d’une répression meurtrière contre l’opposition qui crie à la fraude.
La commission électorale a de son côté exhorté jeudi la population à faire preuve de « patience », annonçant que les résultats devraient être communiqués dans la journée ou vendredi.
Le Zimbabwe a organisé lundi, sans incident majeur, les premières élections générales depuis la chute du président Robert Mugabe en novembre après trente-sept ans au pouvoir. Ces scrutins devaient marquer un tournant dans l’histoire du pays où les élections ont été régulièrement entachées de fraude et de violence.
Mais mercredi, après l’annonce de la victoire écrasante aux législatives de la Zanu-PF, le parti au pouvoir depuis 1980, la situation a dégénéré dans la capitale.
L’armée a ouvert le feu sur des manifestants de l’opposition qui protestaient contre des fraudes. Trois personnes ont été tuées, selon la police.
Jeudi, le chef de l’Etat a appelé à résoudre « pacifiquement les différends » avec l’opposition, précisant avoir été en discussion avec son chef, Nelson Chamisa, pour tenter de « désamorcer » la crise.
La communauté internationale s’est inquiétée de ces tensions post-électorales.
Le Commonwealth a « catégoriquement dénoncé l’usage excessif de la force contre des civils non armés » et demandé à la commission électorale d' »annoncer, sans plus attendre, tous les résultats des élections ».
Dès mercredi soir, le Royaume-Uni, ancienne puissance coloniale du Zimbabwe, et les Etats-Unis avaient appelé Harare à la « retenue ».
– « Faux résultats » –
Le Zimbabwe est toujours dans l’incertitude concernant les résultats de la présidentielle, qui se joue entre Emmerson Mnangagwa – 75 ans et ancien bras droit de Robert Mugabe – et Nelson Chamisa – 40 ans et récemment propulsé à la tête du Mouvement pour le changement démocratique (MDC).
Nelson Chamisa avait accusé mercredi la commission électorale de préparer de « faux résultats » pour la présidentielle, provoquant la colère de ses partisans qui sont descendus dans la rue avant d’être dispersés à coup de balles réelles et de gaz lacrymogène.
Après ces violences, le gouvernement a prévenu qu’il ne « tolérerait » aucune contestation.
Jeudi, des policiers anti-émeutes étaient stationnés devant le siège du MDC, tandis que des militaires gardaient les bureaux de la Zanu-PF.
« Aucun agent de change », ont crié des soldats, le visage masqué, à des changeurs de billets installés sur un trottoir à proximité du centre-ville, tandis que l’activité était normale dans des marchés de la capitale.
« Je ne savais pas si c’était sûr de venir travailler », a expliqué un employé de parking à l’AFP à Harare. « On s’est consulté entre nous. Certains de mes collègues ne savaient pas quoi faire et maintenant ils se préparent à venir », a-t-il ajouté.
Devant les banques, des habitants faisaient la queue pour obtenir du liquide, une scène ordinaire au Zimbabwe qui manque cruellement de cash.
– ‘Main lourde’ –
« Quelle perte de temps de s’être inscrit sur les listes électorales, d’avoir voté pour avoir au final des gens tués », a réagi, dépitée, Sharon Nhamo, une employée de parking de 40 ans.
Le président Mnangagwa, soucieux de se démarquer de son prédécesseur, avait promis des élections libres, pacifiques et transparentes, dans l’espoir d’attirer de nouveaux les investisseurs occidentaux dans son pays au bord de la faillite.
« C’est vraiment décevant », a estimé pour sa part Timie Manuwere, 37 ans. « L’opposition a eu tort et la réaction du gouvernement a aggravé la situation. Ils ont eu la main lourde », a-t-il ajouté, expliquant cependant ne pas être surpris.
« Je ne m’attendais pas à ce que les choses changent beaucoup avec les élections. Il était très improbable que ces gars abandonnent juste le pouvoir au bout de huit mois. ll faut aussi qu’ils profitent du coup. »
Emmerson Mnangagwa a succédé à Robert Mugabe à la suite d’un coup de force de l’armée, qui a contraint le nonagénaire à démissionner. Le nouveau président a confié à plusieurs militaires des postes clés dans son gouvernement.
« Nous avons tous été naïfs, y compris la communauté internationale », a estimé Ibbo Mandaza, un analyste du groupe de réflexion Southern African Political and Economic Series (SAPES) basé à Harare.
« Nous avons refusé d’appeler un coup un coup et la communauté internationale a été naïve de penser que les élections seraient libres et justes sous un gouvernement militaire », a-t-il déclaré à l’AFP.
Si aucun candidat n’obtient la majorité absolue au premier tour de la présidentielle, un second tour sera organisé le 8 septembre.