Malgré la présence du Maroc, le classement africain de Skytrax fait la part belle aux anglophones. Et si la faute en revenait davantage au questionnaire soumis aux usagers qu’à la qualité des infrastructures ?
En 2023 encore, ni le très jeune et très correctement équipé Aéroport international Blaise-Diagne (AIBD) de Dakar, ni l’aéroport Houphouët-Boigny d’Abidjan, qui a fait ces dernières années des efforts considérables sur le volet environnemental, ni le tout récent aéroport international Houari-Boumédiene, à Alger, ne pourront afficher de macaron pour se revendiquer parmi les dix meilleurs aéroports du continent.
En effet, le classement Skytrax, qui se base sur des enquêtes consommateurs et fait référence en matière de compagnies aériennes, mais aussi d’aéroports, fait la part belle aux anglophones, et notamment à l’Afrique du Sud. Quatre de ses infrastructures se hissent dans le top 10 africain, avec Le Cap (1er), Durban (2e), Johannesburg (3e) et Bloemfontein (10e).
Côté francophone, seul le Maroc arrive à se placer, avec Casablanca en 4e position et Marrakech en 6e, entre Maurice (5e) et Addis-Abeba (7e), et devant Kigali (8e) et Nairobi (9e).
Propreté des toilettes et amabilité des services d’immigration
Alors, les infrastructures ouest-africaines et algériennes sont-elles vilipendées par leurs usagers ? Ou la réponse ne serait-elle pas à trouver dans la méthodologie d’un classement, en particulier dans la langue de son questionnaire, disponible en anglais, en espagnol et en chinois, mais pas en français ? D’ailleurs, si « plus de 100 nationalités » sont représentées par les répondants, cela en laisse de nombreuses autres absentes dans cette enquête qui s’est déroulée d’août 2022 à février 2023.
Reste que le principe de Skytrax, indépendant de toute organisation commerciale et libre de charge pour les infrastructures qui y apparaissent, est fort utile pour les consommateurs, qui y livrent leur ressenti tant sur la propreté des toilettes, le choix des bars ou la disponibilité du wifi que sur l’attitude du personnel de l’immigration en passant par – ironie de l’histoire – les compétences en langues étrangères des employés !
On y apprend ainsi que l’aéroport du Cap est jugé le plus propre du continent et comme celui qui dispose du meilleur personnel, tandis que Durban assoit une vocation régionale, et que l’InterContinental OR Tambo, à Johannesburg, remporte la palme du meilleur aéroport en Afrique.
Lot de consolation
Côté international, Doha, hub de Qatar Airways, se voit ravir la première place par Singapour Changi, Tokyo Haneda complétant le trio de tête. Paris CDG est 5e, devant Istanbul (6e) et Munich (7e).
Un lot de consolation, tout de même, pour l’AIBD : le 6 mars, l’aéroport a reçu pas moins de trois prix de l’ACI, le Conseil international des aéroports. Il est ainsi sacré meilleur aéroport africain pour la catégorie 2 à 5 millions de passagers, avec, en sus, la palme de l’aéroport « le plus agréable » et celle de la structure « la plus propre » du continent.
Il partage la vedette avec l’aéroport Mohammed V de Casablanca, sacré meilleur aéroport africain de plus de 5 millions de passagers, avec un prix pour la facilité offerte aux voyageurs et un autre pour la disponibilité de son personnel. L’aéroport Moi de Mombasa au Kenya décroche le titre de meilleur aéroport pour les structures de moins de 2 millions de passagers.
RENDEZ-VOUS. Pour la première fois, une cinquantaine d’écrivains et artistes ont été réunis au Maroc pour braquer les projecteurs sur la littérature africaine.
À Marrakech, ce début d’année 2023 sonne la célébration de l’art africain sous toutes ses formes. Le cœur de la ville ocre a vibré en février dernier au rythme des pulsations de la Foire 1-54 et de la première édition du Festival du livre africain de Marrakech, qui a permis de rassembler écrivains de renom, éditeurs, artistes et amateurs de littérature du continent et de la diaspora autour d’un objectif commun, celui de promouvoir la créativité africaine sous l’angle littéraire et de rêver d’Afrique en terre africaine.
Le festival a littéralement embrasé la capitale culturelle du Maroc. Quatre jours d’effervescence littéraire et culturelle durant lesquels une quarantaine d’écrivains et d’artistes se sont réunis au centre culturel Les Étoiles de Jamaâ El Fna. JMG Le Clezio, Lilian Thuram, Sami Tchak, Rodney Saint-Éloi, Ken Bugul, Ananda Devi, Blaise Ndala, Abdhourham Waberi, Fouad Laroui, Fawzla Zaroui et bien d’autres écrivains de talent ont répondu présent à cette première édition. Un succès au-delà de toute attente pour les organisateurs : « Le miracle de la conception de ce projet s’est largement poursuivi avec l’attente du public et la qualité des échanges et des débats avec les écrivains », souligne Younes Ajarrai, l’un des fondateurs du festival. Et pour cause, animé d’une pléthore de conférences, de discussions et de débats stimulants autour de questions sociales, culturelles et politiques importantes en Afrique, tels que la littérature et l’engagement, le racisme, la décolonisation, la question identitaire, l’écologie, le festival a ouvert la voie vers des territoires d’expression plurielles, riches et diversifiées.
Un manifeste pour le continent, marqué notamment par le discours inaugural de l’écrivain franco-mauricien et Prix Nobel de littérature 2008 JMG Le Clezio qui a salué l’initiative de ce premier festival comme « un hommage rendu à l’identité africaine, à la grandeur et à l’ancienneté de la littérature africaine à travers toutes ses voix et ses héritages, une rencontre nécessaire entre les hommes et les femmes du continent, que seule peut la littérature en traversant les frontières » et de rappeler « qu’elle est une arme pour lutter contre tous ceux qui, malgré les enseignements de l’histoire, revêtent aujourd’hui les loques trouées du racisme et de la xénophobie ».
Rêver d’Afrique ensemble et agir pour la jeunesse
Les organisateurs Mahi Binébine, Younes Ajarrai, Fatimata Wagne, Hanane Essaydi, sont partis du constat que « rares étaient les événements littéraires organisés sur le continent avec une dimension internationale et panafricaine et de la nécessité de réconcilier des territoires divisés par les frontières du Sahara et l’histoire coloniale ». Mais aussi « du besoin impérieux de se rencontrer chez nous entre voisins », précise Mahi Binébine.
Pour répondre à l’ambition du festival, des tables rondes organisées autour de la pluralité de voix d’auteurs et d’autrices et stimulés d’un nouveau souffle grâce à la présence d’une nouvelle génération d’écrivains ont favorisé des échanges et des débats de qualité malgré les différences d’horizons, de pensées et d’histoires des intervenants. « Le festival a montré qu’il existe une symbiose dans la culture africaine et qu’il est possible de miser sur l’excellence de cette culture qui donne au plus grand nombre. On espère qu’il y ait un sursaut au niveau de l’industrie du livre », souligne Fatimata Wagne et d’ajouter : « Le festival a permis de lever le voile sur l’importance de “décoloniser les arts”, d’apprendre enfin à se regarder soi-même, à recentrer son regard sur le continent plutôt que dans le miroir parfois déformant de l’Occident. »
Une autre des visées majeures du festival a été de promouvoir l’accès à la lecture et à l’écriture auprès du public jeune. « On a eu envie de rêver d’Afrique ensemble et de donner à cette jeunesse l’envie de rester en Afrique », affirme Mahi Binébine. C’est d’ailleurs à l’initiative de l’artiste peintre et romancier marocain qu’est né le centre culturel Les Étoiles de Jamaâ El Fna à Marrakech, un espace dédié à la promotion de la culture, à la transmission de l’excellence de l’art et de la création aux jeunes défavorisés. C’est également dans cette lignée que c’est inscrit cet événement. Une jeunesse enthousiaste, boulimique de savoir, de lecture et d’écriture à laquelle le festival a ouvert en grand les portes, a eu accès à des échanges privilégiés avec les écrivains sur le centre ou bien encore dans les universités et lycées. Une librairie éphémère, des allées et venues libres et gratuites au cœur d’un joyau architectural distingué comme le Riad Lekbir dans une ambiance chaleureuse et festive ont permis aussi de créer ce « miracle ».
Les femmes de lettres africaines à l’honneur
Autre fait marquant du festival, l’importance portée aux voix féminines. Rappelant dans son discours inaugural que les femmes étaient « une force » pour la littérature, JMG Le Clezio a salué la présence indispensable des femmes dans le paysage littéraire africain. Ken Bugul, Ananda Devi, Fawzla Zaouri, Djaili Amadou Amal ainsi qu’une nouvelle lignée d’autrices Anni Lulu, Yasmine Chami, Ernis, Jennifer Richard, entre autres, ont apporté une voix importante à la discussion sur la littérature africaine contemporaine. Au cœur des préoccupations : la place des femmes dans la littérature, la transmission intergénérationnelle et la question de la visibilité des auteurs et autrices africains. La grande écrivaine sénégalaise Ken Bugul a exprimé « le besoin de se retrouver pour parler des œuvres entamées, de confronter les imaginaires, de les enlacer pour contribuer à l’épanouissement de la culture africaine et de donner de l’élan à cette jeune génération d’écrivains passionnés pour lesquels le besoin d’écrire est très fort autour des questions identitaires, de genre et sur les enjeux politiques et sociétaux ». Et de poursuivre : « Le continent conserve les pulsions qui ont été à l’origine de la construction du monde, cette rythmique, cette lumière qui vous entraîne. Nous allons dessiner le monde de demain. »
Un message fort partagé par une autre grande figure féminine de la littérature africaine, la Mauricienne Ananda Devi, qui rappelle que : « L’Afrique est un carrefour de cultures ancestrales qui assiste à l’émergence de nouvelles cultures et de mode d’expressions différents. En ce qui concerne la littérature africaine, beaucoup de ressentis culturels et spirituels n’ont pas encore été écrits portant un foisonnement de l’imaginaire. Il s’agit aussi de puiser dans les non-dits, d’être libre par rapport à la langue et de prendre appui sur des éditeurs de plus en plus à l’écoute. » Un travail littéraire dont on retrouve les marqueurs forts sous la plume de jeunes autrices prometteuses telles qu’Annie Lulu, qui après La Mer noire dans les grands lacs, Prix Senghor 2021, signe un second roman, La Peine des faunes, paru aux éditions Julliard, qui traite des violences environnementales et sexistes au travers d’une galerie de portraits de femmes inoubliables menant un combat pour la liberté et la justice. « En tant qu’afrodescendante, je suis une héritière de la pluralité des voix traversées et traversantes du continent, j’engage une partie de mon regard émotionnel et intime pour faire face à des défis sans précédents et mettre en lumière avec cette voix hybride et singulière les questions propres à l’Afrique », confie-t-elle.
Une lumière a jailli au centre culturel Les Étoiles de Jamaâ El Fna, confirmant la richesse de la littérature africaine et les perspectives offertes pour l’Afrique. La FLAM s’est emparée du cœur des amoureux des lettres et de l’Afrique et a insufflé pour les organisateurs du festival un message porteur d’espoir pour le continent : « On peut être différent sur bien des aspects et se réunir autour d’une amitié commune dans une démarche humble et sincère. »
D’ici deux ans, environ 1000 étudiantes recrutées en Afrique auront terminé leur mise à niveau pour devenir infirmières au Québec. Une bouée de sauvetage pour plusieurs cégeps en région, mais une source de frustration pour des hôpitaux montréalais, aux prises avec une pénurie d’infirmières.
Amelie Leticia Kwebou Tchasseum, étudiante en sciences infirmières, cégep de Chicoutimi. Photo : Radio-Canada
En 2018, l’enseignement des sciences infirmières au Cégep de La Pocatière, au Bas-Saint-Laurent, a bien failli être rayé des programmes de l’établissement.
Ça a été notre année la plus difficile, se rappelle la directrice générale du cégep, Marie-Claude Deschênes. Quatre étudiantes étaient inscrites au programme, alors faites les calculs : il n’y a rien de rentable à garder un programme de quatre étudiants […] avec cinq, six enseignants.
Après discussion avec le ministère de l’Éducation, les hôpitaux de la région et des groupes citoyens, le conseil d’administration du cégep a autorisé la poursuite du programme.
On a décidé de valoriser la profession d’infirmière dans la région […] et d’attirer des étudiants internationaux, explique Mme Deschênes.
Marie-Claude Deschênes, directrice générale du cégep de La Pocatière. Photo : Radio-Canada
L’Afrique francophone a été privilégiée plutôt que la France.
« On a fait des partenariats, notamment au Cameroun. Ces gens-là étaient prêts à immigrer ici, à rester travailler dans la région, c’était un avantage. »— Une citation de Marie-Claude Deschênes, directrice générale du cégep de La Pocatière
Aujourd’hui, le programme en soins infirmiers compte 59 étudiantes, dont sept recrutées à l’international.
Comme le soulignent les données de la Fédération des cégeps, la relève au collégial en soins infirmiers demeure un défi. Le nombre d’étudiantes inscrites au DEC en sciences infirmières au Québec a diminué de 1765 en 2010 à moins de 1500 en 2020.
Infirmières de l’étranger : du Cameroun au Saguenay-Lac-Saint-Jean
Le gouvernement du Québec annonçait l’an dernier un investissement de 65 millions de dollars pour recruter plus de 1000 infirmières de l’étranger. Les renforts commencent à arriver : une bénédiction pour les hôpitaux et les programmes de soins infirmiers, qui seraient, faute de secours, forcés de fermer. Reportage de Davide Gentile
65 000 $ par étudiante
L’approche développée par La Pocatière s’inscrit dans un contexte propice alors que Québec lançait, il y a un an, un programme impliquant les cégeps de la province en vue de recruter, à terme, 1000 infirmiers et infirmières à l’international.
Dévoilé par les ministres Jean Boulet et Christian Dubé, il vise à accélérer la reconnaissance des compétences pour des candidates et candidats francophones qui possèdent une expérience de travail comparable […] et une formation en soins infirmiers similaire à celle offerte au Québec.
C’est ce qui permet, par exemple, au Bas-Saint-Laurent d’accueillir une trentaine d’étudiantes internationales depuis l’automne.
Québec assume notamment les frais de scolarité et verse une allocation hebdomadaire de 500 $ aux étudiantes.
Enveloppe prévue : 65 millions de dollars sur deux ans.
Depuis la session d’automne 2022, près de 500 étudiantes sont inscrites dans une formation d’appoint dans les cégeps d’une dizaine de régions, dont le Saguenay-Lac Saint-Jean.
Des étudiantes camerounaises en sciences infirmières au cégep de Chicoutimi. Photo : Radio-Canada
Au Cameroun, on entendait beaucoup parler de la profession infirmière au Québec, que c’est une profession tellement valorisée au Québec, explique Amelie Leticia Kwebou Tchasseum.
La formation au Cameroun est bonne, mais après, on n’a pas toujours un emploi qui nous permet d’être stables dans la vie, ajoute-t-elle.
Lors de notre passage au cégep de Chicoutimi, d’autres étudiantes du Cameroun racontent combien le Québec et le Canada ont bonne réputation.
Oui, ça se parle dans les médias tout le temps, mais pour dire vrai, moi, c’était un rêve, affirme Landrine Gymfat Teufac Tobie. Je disais toujours à mon père que j’irais un jour au Québec, j’irais un jour au Canada.
La surcharge de travail tant médiatisée n’effraie pas l’étudiante Danielle Constantine Foning Maffo.
« L’inquiétude de la charge de travail n’a pas été parce que chez nous aussi la charge de travail est énorme, on avait une infirmière pour au moins 15 patients chez nous. »— Une citation de Danielle Constantine Foning Maffo
Danielle Constantine Foning Maffo, étudiante en sciences infirmières, cégep de Chicoutimi. Photo : Radio-Canada
En moins de 12 mois, la plupart auront terminé leur formation et leur stage. Ce que j’apprends réellement, c’est la manipulation des appareils qui ne sont pas les mêmes, les techniques de notation ne sont pas les mêmes après avoir administré les soins, remarque Mme Foning Maffo.
Au total, le réseau de la santé Saguenay-Lac-Saint-Jean s’attend à embaucher autour de 25 candidates issues du programme dans la prochaine année.
Ça demande beaucoup pour l’intégration et l’adaptation de ce monde-là, donc on aime mieux y aller à petites doses et que les résultats soient concluants, affirme le conseiller-cadre en planification de main-d’œuvre au CIUSSS, Dominique Gagnon.
Dominique Gagnon, conseiller-cadre en planification de main-d’œuvre au CIUSSS du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Photo : Radio-Canada
Une petite dose qui pourrait prendre de l’ampleur.
Au niveau de la démographie, la région a un problème […] on n’a pas le choix de se tourner vers l’immigration, c’est un des moyens, soutient M. Gagnon. Ce n’est pas l’unique moyen, mais un des moyens de s’en sortir.
Sans oublier la survie des programmes d’enseignement collégial en région.
C’est la clientèle internationale qui nous permet de continuer d’offrir nos programmes, d’avoir assez d’étudiants pour nous permettre de donner nos cours, reconnaît Sébastien Renaud, directeur de la formation continue, cégep de Chicoutimi.
Montréal, pas avant 2024
Selon les plans du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, Montréal obtiendra une part des cohortes lors de la dernière phase du programme qui s’étend jusqu’à l’hiver 2024.
L’objectif est d’avoir 389 candidats […] dans les régions de Montréal et Québec, écrit-on.
Pour le président du Syndicat des professionnels en soins de l’Est-de-l’île-de-Montréal, Denis Cloutier, la cible pour Montréal et le délai n’est absolument pas justifiée.
« Selon moi, on est vraiment face à un objectif du ministère de l’Immigration qui souhaite voir plus d’immigrants s’installer en région sans tenir compte vraiment des besoins des établissements du réseau de la santé »— Une citation de Denis Cloutier, président du Syndicat des professionnels en soins de l’Est-de-l’île-de-Montréal
Un mandat pour recruter 565 infirmières a été confié par l’établissement au ministère de la Santé. Pour Denis Cloutier, du Syndicat des professionnels en soins de l’Est-de-l’île-de-Montréal, le système de reconnaissance des diplômes étrangers des infirmières pourrait être amélioré.
Selon lui, le modèle idéal demeure l’entente France-Québec qui implique une reconnaissance automatique des diplômes français, alors que le programme implique une évaluation de chaque dossier, même si les parcours académiques ont déjà été évalués.
Avec Radio-Canada par Daniel Boily et Davide Gentile
Emmanuel Macron a prôné lundi « l’humilité » et la « responsabilité » de l’action de la France en Afrique, refusant la « compétition » stratégique imposée selon lui par ceux qui s’y s’installent avec « leurs armées, leurs mercenaires », dans un discours sur la nouvelle politique africaine de l’Hexagone.
« Beaucoup voudraient nous inciter à entrer dans une compétition, que je considère pour ma part comme anachronique (…). Certains arrivent avec leurs armées et leurs mercenaires ici et là », a-t-il déclaré dans une allusion à peine voilée à la Russie et au groupe de mercenaires russe Wagner, proche du Kremlin et déployé notamment en Centrafrique et au Mali, quoique Bamako s’en défende.
« C’est le confort des grilles de lecture du passé : mesurant notre influence aux nombres de nos opérations militaires, ou nous satisfaire de liens privilégiés exclusifs avec des dirigeants, ou considérer que des marchés économiques nous reviennent de droit parce que nous étions là avant », a-t-il ajouté. « Ce temps là a vécu ».
« Il faut bâtir une nouvelle relation équilibrée, réciproque et responsable » avec les pays du continent africain, a-t-il martelé lors d’un discours à l’Elysée à la veille d’une tournée africaine.
Le président français doit enchaîner mercredi avec une tournée dans quatre pays d’Afrique centrale: le Gabon, l’Angola, le Congo et la République démocratique du Congo (RDC). Lors de la première étape, à Libreville, il participera à un sommet sur la préservation des forêts du bassin du fleuve Congo.
Le discours intervient aussi après la fin de l’opération antiterroriste Barkhane au Sahel et le retrait forcé des troupes françaises du Mali et du Burkina Faso. Ces deux pays sont désormais contrôlés par des juntes militaires et un sentiment d’hostilité à l’égard de la France y est vivace.
Sur le plan militaire, le président a fait état d’une prochaine « diminution visible » des effectifs militaires français en Afrique et un « nouveau modèle de partenariat » impliquant une « montée en puissance » des Africains.
« La transformation débutera dans les prochains mois avec une diminution visible de nos effectifs et une montée en puissance dans (les bases militaires françaises) de nos partenaires africains », a-t-il assuré.
« Pas un pré carré »
La France déploie encore quelque 3.000 militaires dans la région, notamment au Niger et au Tchad, après y avoir compté jusqu’à 5.500 hommes, mais elle entend ré-articuler son dispositif vers des pays du golfe de Guinée, gagnés par la poussée jihadiste, et être moins visible sur le terrain.
Dans cette région, et sur l’ensemble du continent, l’influence de la France et des occidentaux est contestée par la Chine et la Russie. Ainsi, trois des quatre pays que visitera le président français – Gabon, Congo et Angola – se sont abstenus jeudi dernier lors du vote d’une résolution de l’Assemblée générale de l’ONU exigeant le retrait russe d’Ukraine.
L’Afrique n’est pas un « pré carré », il faut passer d’une « logique » d’aide à celle d’investissement, a ajouté Emmanuel Macron.
Le discours de lundi faisait écho à celui de Ouagadougou, en 2017, dans lequel Emmanuel Macron avait marqué sa volonté de tourner la page avec la politique africaine post-coloniale de Paris, la « Françafrique », empreinte de collusions politiques et de liens sulfureux, et tendu la main à une jeunesse africaine de plus en plus méfiante vis-à-vis de la France.
Le président, se présentant comme le dirigeant d’une nouvelle génération, avait alors dénoncé devant 800 étudiants les « crimes incontestables » de la colonisation et appelé à une « relation nouvelle » avec l’Afrique, un pacte qu’il entend élargir à l’Europe.
En juillet, Emmanuel Macron avait déjà effectué une tournée au Cameroun, au Bénin et en Guinée-Bissau. Il entend poursuivre ses visites sur le continent « quasiment tous les six mois, voire davantage ».
Lundi, il a aussi annoncé « une loi cadre » pour « procéder à de nouvelles restitutions » d’oeuvres d’art « au profit des pays africains qui le demandent ».
Cette loi « sera proposée dans les prochaines semaines par la ministre de la Culture à notre Parlement » et « permettra de fixer la méthodologie et les critères pour procéder » à ces restitutions, « reposant sur un partenariat culturel et scientifique pour accueillir et conserver ces oeuvres », a poursuivi le chef de l’Etat français, en indiquant souhaiter « que cette démarche puisse s’inscrire dans une dynamique plus large et également une dynamique européenne ».
Depuis l’Élysée, le chef de l’État a fait plusieurs annonces concernant l’Afrique ce lundi, alors qu’il s’apprête à entamer une tournée en Afrique centrale.
Un retrait progressif de l’armée française sur le continent africain. Le président français Emmanuel Macron a annoncé lundi 27 février, lors d’un discours à l’Élysée à la veille d’une tournée africaine, une prochaine « diminution visible » des effectifs militaires français en Afrique et un « nouveau modèle de partenariat » impliquant une « montée en puissance » des Africains.
« La transformation débutera dans les prochains mois avec une diminution visible de nos effectifs et une montée en puissance dans ces bases de nos partenaires africains », a déclaré le chef de l’État qui entame mercredi une tournée en Afrique centrale, promettant « un effort accru de la France en matière de formation et d’équipement ».
Emmanuel Macron a également refusé de voir en l’Afrique un domaine réservé ou un terrain de « compétition ». L’Afrique n’est pas un « pré carré », il faut passer d’une « logique » d’aide à celle d’investissement, a estimé le chef de l’État, plaidant pour « une nouvelle relation équilibrée, réciproque et responsable » avec les pays du continent africain.
« Une somme de défis vertigineux »
Emmanuel Macron a dit faire preuve « d’une profonde humilité face à ce qui se joue sur le continent africain », « une situation sans précédent dans l’histoire » avec « une somme de défis vertigineux ». « Du défi sécuritaire climatique au défi démographique avec la jeunesse qui arrive et à laquelle il faut proposer un avenir pour chacun des États africains », a-t-il énuméré, appelant à « consolider des États et des administrations, investir massivement dans l’éducation, la santé, l’emploi, la formation, la transition énergétique ».
Durant son discours, Emmanuel Macron a aussi annoncé « une loi-cadre » pour « procéder à de nouvelles restitutions » d’œuvres d’art « au profit des pays africains qui le demandent ».
Cette loi « sera proposée dans les prochaines semaines par la ministre de la Culture à notre Parlement » et « permettra de fixer la méthodologie et les critères pour procéder » à ces restitutions, « reposant sur un partenariat culturel et scientifique pour accueillir et conserver ces œuvres », a poursuivi le chef de l’État, en indiquant souhaiter « que cette démarche puisse s’inscrire dans une dynamique plus large et également une dynamique européenne ».
Le président français Emmanuel Macron a déclaré lundi qu’il continuerait à « avancer » pour renforcer la relation de la France avec l’Algérie comme avec le Maroc, au-delà des « polémiques » actuelles et des tensions entre ces deux pays. « On va avancer, la période n’est pas la meilleure mais ça ne m’arrêtera pas », a-t-il martelé. « Ma volonté est vraiment d’avancer avec le Maroc. Le roi le sait, nous avons eu plusieurs discussions, il y a des relations personnelles qui sont amicales », a-t-il souligné.
Il s’est également dit « profondément préoccupé » par « les allégations selon lesquelles les autorités marocaines auraient corrompu des députés au Parlement européen ». Certaines voix au Maroc y ont vu la main de la France alors que les relations étaient déjà tendues entre Paris et Rabat, concernant notamment le statut du Sahara occidental. « Est-ce que c’est le fait du gouvernement de la France ? Non ! Est-ce que la France a jeté de l’huile sur le feu ? Non ! Il faut avancer malgré ces polémiques », a affirmé le président.
Et l’Algérie
L’Algérie a rappelé de son côté « pour consultations » son ambassadeur en France le 8 février pour protester contre « l’exfiltration illégale » via la Tunisie de la militante franco-algérienne Amira Bouraoui. « Je sais pouvoir compter sur l’amitié et l’engagement du président (algérien Abdelmadjid) Tebboune. Nous avancerons là aussi », a poursuivi le chef de l’État. « Je pense qu’il y a beaucoup de gens qui ont intérêt à ce que l’on fait depuis des années maintenant avec l’Algérie n’aboutisse pas », a-t-il souligné sans aller plus loin.
« Et bien j’ai un message très simple: je vais continuer, ce n’est pas le premier coup de grisou, j’en ai déjà eu mais il faut continuer ainsi, humblement, honnêtement », a-t-il dit en pointant notamment l’« énorme travail sur la mémoire » effectué avec l’Algérie ou la visite du chef d’état-major algérien, Saïd Chengriha, en janvier en France.
La France a assumé une « responsabilité exorbitante » au Mali
Le président français Emmanuel Macron a jugé lundi que la France avait « malgré elle » assumé « une responsabilité exorbitante » en une décennie d’engagement militaire au Mali, et annoncé la fin de « la prééminence du sécuritaire » dans la relation avec l’Afrique.
L’engagement français dans la lutte antijihadiste au Sahel « restera une immense fierté partagée avec les alliés qui nous ont rejoints », a déclaré Emmanuel Macron, évoquant « la chronique de notre dernière décennie d’engagement au Mali, au prix du sacrifice ultime ».
Mais « ce n’était pas le rôle de la France d’apporter, seule, des réponses politiques qui devaient prendre le relais de la réponse militaire », a-t-il dit. « Nous avons malgré nous assumé une responsabilité exorbitante » au Mali, qui a donné des arguments aux opposants et permis que la France devienne « le bouc émissaire idéal », a-t-il poursuivi.
Emmanuel Macron, a promis la fin d’un » cycle » marqué par « la centralité de la question sécuritaire et militaire », qui a été « un prétexte utilisé par nos opposants ». Après neuf ans de présence au Mali, les militaires français ont achevé leur retrait du pays en août, poussés dehors par une junte hostile qui s’est rapprochée de la Russie et a fait appel à la sulfureuse société paramilitaire russe Wagner, ce que Bamako dément.
Les relations entre les deux pays se sont progressivement dégradées au fil de la dernière décénie, puis muées en franche hostilité après les deux coups d’Etat de 2020 et 2021 et la prise du pouvoir par des militaires maliens.
La guerre dans l’est de la RDC « ne doit pas être une guerre oubliée »
L’unité, la souveraineté et l’intégrité territoriale de la République démocratique du Congo (RDC) « ne se discutent pas » et la guerre qui ravage l’est de ce pays d’Afrique centrale « ne doit pas être une guerre oubliée », a déclaré lundi le président français Emmanuel Macron. « Nous assistons dans l’est de la RDC à une régression inacceptable » a déclaré le président, alors que les combats font rage entre l’armée congolaise et les rebelles du M23, une rébellion majoritairement tutsi que Kinshasa accuse d’être soutenue par le Rwanda.
« L’offensive en cours de la milice M23 est une guerre qui nous ramène dix ans en arrière, elle a des conséquences terribles pour la population », a déclaré le chef de l’État à la veille d’un déplacement à partir de mercredi en Afrique centrale, dont la RDC. La rébellion majoritairement tutsi du M23, restée en sommeil pendant près de dix ans, a repris les armes fin 2021 et s’est emparée depuis de vastes pans de territoire de l’est de la RDC. Kinshasa accuse le Rwanda de la soutenir, ce qui a été corroboré par des experts de l’ONU, mais Kigali s’en défend.
« L’unité, la souveraineté, l’intégrité territoriale du Congo ne se discutent pas », a martelé le président français, sans se prononcer sur la responsabilité du Rwanda. « La première urgence est humanitaire et nous y travaillons avec nos partenaires européens », a poursuivi Emmanuel Macron, se disant « convaincu que la réponse doit être collective ». « Il n’y a pas deux poids deux mesures « , a-t-il déclaré, en référence à la guerre en Ukraine. « La guerre dans l’est de la RDC ne doit pas être une guerre oubliée », a-t-il dit.
« C’est dans l’affliction qu’on compte ses vrais amis », affirme une pensée populaire qui rassérène peut-être Emmanuel Macron, dont l’effigie est maltraitée dans certaines manifestations africaines « antipolitique française ». Quoi qu’il en soit, « les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts », susurre certainement la statue gaulliste du Commandeur à l’oreille de son successeur réélu en 2022.
Alors que la liste des pays francophones francophiles se réduit comme peau de chagrin, le chef de l’État français a choisi minutieusement les destinations de sa nouvelle tournée africaine, prévue du 1er au 5 mars. Histoire de respirer quelque peu, loin de l’Hexagone qui malmène son projet de réforme des retraites.
Tremplin gabonais
« Respirer », c’est justement le mot-clé des prochaines escapades macroniennes : l’invocation du sort de la planète sera l’occasion de prendre de la hauteur vis-à-vis des retraits, ici ou là, de militaires français. Comme indiqué ce jeudi 23 février par l’Élysée, le One Forest Summit consacré à la préservation et à la valorisation des forêts du bassin du fleuve Congo fera du larron français un Gabonais d’adoption, les 1er et 2 mars à Libreville. La cause est indiscutable, la zone en question représentant, avec 220 millions d’hectares boisés, le deuxième massif forestier et le deuxième poumon écologique de la planète après l’Amazonie. En Afrique comme en Amérique latine ou en Asie du Sud-Est, ces forêts souffrent de la surexploitation agricole et industrielle ou de la production pétrolière.
Le tremplin gabonais pendant l’excursion de Macron permettra à celui-ci de renforcer d’autres liens bilatéraux dans la sphère de l’Afrique centrale, où les influences de la Chine et de la Russie vont grandissantes, même si les signes de rapprochement sont moins ostentatoires qu’en Centrafrique. Trois pays se sont ainsi ajoutés au rendez-vous de Libreville. Par ordre de proximité traditionnelle avec la France : le Congo, le 2 mars, habitué du pré carré françafricain houspillé ; la RDC, les 3 et 4 mars, nation francophone mais ancienne colonie belge ; l’Angola, le 2 mars, au titre de l’expansion diplomatique en terres lusophones, cette fois autour d’un partenariat de production franco-angolais en matière agricole.
Les forêts du bassin du fleuve Congo cacheront-elles l’arbre du désamour entre la France et les siamois malo-burkinabè ? Emmanuel Macron aura beau jeu de rappeler qu’il était en Afrique de l’Ouest en juillet dernier – Cameroun, Bénin et Guinée-Bissau –, que l’Afrique est bien l’une des priorités désignées de son second quinquennat et qu’il annonça son intérêt pour les pays non-francophones du continent, bien avant le désaveu des opérations Barkhane ou Sabre.
Au lendemain des indépendances africaines, le pionnier français de l’écologie politique publiait un livre dans lequel il dressait un diagnostic sombre de l’avenir du continent. Six décennies plus tard, à bien des égards, ses conclusions demeurent d’actualité.
En 1962, l’agronome français René Dumont publie L’Afrique noire est mal partie. Si l’auteur est bienveillant, il délivre néanmoins un réquisitoire méthodique sévère sur l’Afrique subsaharienne, condamnée au sous-développement par ses élites. Dans son diagnostic, il déplore l’absence de politiques agricole et éducative, et dénonce le poids de la corruption et du népotisme qui érodent les ressorts de la prospérité.
Ses réflexions provoqueront un scandale, tant la voix de René Dumont est à contre-courant de l’euphorie post-coloniale dominante à l’époque, qui prédisait un avenir radieux au continent africain. Le débat sera tranché par la suite, les analyses de Dumont s’avérant prophétiques et, plus d’un demi-siècle plus tard, elles sonnent toujours aussi juste.
Potentiel étourdissant
La première partie de l’ouvrage est consacrée à l’agriculture, caractérisée aujourd’hui par le sous-investissement et l’inadéquation des systèmes. Les rendements pâtissent des moyens rudimentaires, la moitié des productions vivrières est perdue, le cacao, le café, le coton occupent des masses d’agriculteurs pour un maigre revenu qui les détournent pourtant de cultures indispensables pour l’assiette.
Si le continent détient la majorité des terres arables inexploitées du globe, le secteur agricole ne réalise pas les performances que l’on est en droit d’espérer de lui au regard de son potentiel étourdissant. Dans l’alimentation, le recours aux importations est prépondérant, pour une facture annuelle dépassant les 50 milliards de dollars. Un phénomène d’autant plus surprenant que la région, en plus des terres, dispose d’une jeunesse abondante et désœuvrée.
La situation n’est guère plus réjouissante avec l’éducation, elle aussi dans le viseur de René Dumont. En dépit d’une démographie dynamique, les pays africains restent à la traîne. Selon les données de l’Unesco, près de 60 % des jeunes âgés de 15 à 17 ans ne sont pas scolarisés, et les chiffres de l’analphabétisme atteignent des proportions effrayantes. Sur les 10 pays ayant les taux les plus élevés au monde, 9 se trouvent en Afrique. Des statistiques aussi alarmantes que déprimantes, décuplées par les conflits armés et le désinvestissement dans l’éducation, perpétué par les autorités.
Objectifs irréalistes
La cohorte d’artisans des décennies perdues, pointée du doigt par Dumont, conserve des postes importants et il arrive que la présidence se transmette de père en fils. L’Afrique se distingue au palmarès des chefs d’État les plus vieux de la planète, leur renouvellement intervenant souvent de manière dramatique, imposé par un décès ou par l’armée. Les coups d’État qui avaient connu une légère accalmie de 1990 à 2010, réalisent un retour tonitruant en Afrique francophone, où on en dénombre une petite dizaine depuis 2020. Dans les différents baromètres, les fraudes électorales, le changement de constitution et la corruption tiennent toujours le haut du pavé.
En révélant avec brio tous ces handicaps, l’agronome prolifique avait un fil conducteur : la lutte contre la pauvreté. Sur ce plan, le constat est amer : tandis que la pauvreté a reculé dans le monde, elle a augmenté en Afrique. Le couperet tombe en 2018, quand la Banque mondiale déclare que « l’extrême pauvreté devient un problème essentiellement africain » et en 2021, la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (Cnuced), estime finalement que les objectifs de développement durable (ODD) fixés en 2030 pour les pays moins avancés sont totalement irréalistes. L’histoire reste à écrire et ce chantier est loin d’être entamé.
Pour exploiter au mieux son potentiel économique, le continent doit investir 100 milliards de dollars par an dans les infrastructures. Le 2e Sommet sur le financement des infrastructures, qui s’est tenu les 2 et 3 février à Dakar, a sensibilisé acteurs politiques et bailleurs de fonds.
Un proverbe éthiopien bien connu affirme que « le regret, comme la queue, vient à la fin ». Ce proverbe énonce succinctement ce que je crois être une vérité universelle et un reflet de la manière dont nous, Africains, avons tendance à considérer la sombre situation dans laquelle se trouve le monde aujourd’hui. Les derniers développements diplomatiques ont forcé les dirigeants de la planète à concentrer leurs efforts sur les affaires intérieures de leurs propre pays, et loin du continent africain. Il ne faut pas le regretter, bien au contraire : c’est une occasion, pour l’Afrique, de se tenir sur ses deux jambes.
Un défi aux multiples facettes
Quiconque suit les discussions du Forum économique mondial, cette année, risque de rencontrer un nouveau mot à la consonance désagréable : « polycrise ». Ce terme, qui a gagné en popularité en 2022, décrit une suite d’événements récents jusque-là traités séparément – la pandémie de Covid-19, la guerre russo-ukrainienne, le ralentissement de l’économie mondiale assorti de difficultés financières généralisées, l’éternelle urgence climatique…
Quel que soit le nom qu’on lui donne, la situation dans laquelle se débat l’humanité nous place devant un défi aux multiples facettes, pour lequel il n’existe aucune solution toute faite. Pendant la crise financière mondiale de 2008, de nombreux pays avaient adopté des mesures d’austérité, s’étaient serré la ceinture et avaient attendu que la récession passe. Mais, dans le climat actuel, il est impossible de se risquer à la moindre prévision, car l’effet combiné des crises sanitaire, sécuritaire, financière et climatique est bien trop complexe pour que l’on puisse se référer à un modèle antérieur.
Une approche proactive – plutôt que réactive – est donc nécessaire pour relever ce défi, d’autant que certains aspects de cette crise multiforme risquent de s’aggraver si rien n’est fait. Cela est particulièrement vrai en Afrique, où, au cours des années 2020, des décennies de gains financiers et de progrès en matière de sécurité ont été sérieusement remises en cause. Plutôt que d’attendre une embellie, les dirigeants africains doivent se réunir et façonner l’avenir du continent.
Grands projets régionaux
Le deuxième Sommet sur le financement du développement des infrastructures en Afrique, qui vient de se tenir à Dakar, nous offre cette chance. En 2014, sa première édition avait débouché sur plusieurs avancées majeures dans la mise en œuvre du plan d’action prioritaire du Programme de développement des infrastructures en Afrique (Pida), en finançant 16 méga-projets d’infrastructures régionaux et en hâtant leur réalisation.
Avec un nouveau plan d’action prioritaire, sur lequel se sont accordés, en 2021, l’Union africaine (UA) et des partenaires majeurs tels que la Banque africaine de développement (BAD) et la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, on attend beaucoup de ce Forum de Dakar. Cet événement vise à rassembler les parties prenantes liées au secteur des infrastructures venues de toute l’Afrique, afin de renforcer le soutien politique des acteurs étatiques et d’obtenir des engagements financiers de la part des institutions de développement.
On ne saurait trop insister sur le rôle crucial que jouent les infrastructures dans le développement futur de l’Afrique. Plutôt que de considérer la « polycrise » comme un obstacle, nous devrions la traiter comme un élément qui nous rappelle l’importance et l’urgence du développement de notre continent. La fragilité des chaînes d’approvisionnement modernes a été mise en évidence, l’année dernière, lorsque la guerre en Ukraine a provoqué des pénuries alimentaires et une flambée des prix dans le monde entier. Le moment n’a jamais été aussi propice pour que l’Afrique accroisse sa production agricole et ses exportations, mais, une fois encore, des infrastructures obsolètes, voire inexistantes, nous freinent.
Programmes rentables
Le transport efficace des biens et des services, des personnes et des idées, est fondamental pour toute économie, et les progrès dans un certain nombre de domaines resteront entravés tant que ces exigences de base ne seront pas satisfaites. Les experts estiment que l’Afrique doit investir environ 100 milliards de dollars par an dans les infrastructures si elle veut tirer parti de son potentiel économique et instaurer l’ambitieuse Zone de libre-échange continental africaine (ZLECAf). Mobilisons nos propres financements, et montrons que ces projets sont bel et bien rentables.
Les relations diplomatiques sont fondées sur le principe de réciprocité. Une dynamique de pouvoir déséquilibrée entraîne forcément des conditions inégales. L’Afrique doit s’élever par elle-même si elle veut être traitée comme un égal. Ces dernières décennies, certaines régions du continent ont connu des transformations étonnantes, tandis que d’autres restaient à la traîne. Un effort en faveur des infrastructures régionales pourrait réduire ces différences en ouvrant le continent au monde et en permettant au développement de se propager de manière plus équitable.
Alors que le monde traverse des temps troublés, il ne faut pas baisser les bras et s’en remettre au destin. Au contraire, les Africains doivent répondre à cette « polycrise » et travailler, ensemble, à la réalisation de leurs objectifs communs, indépendamment de ce que l’Histoire leur réserve. La route qui mènera notre continent vers un meilleur avenir commence par la construction de la route elle-même.
Ils circulent sur WhatsApp, Facebook, Twitter, Telegram ou TikTok. La France y apparaît tantôt sous les traits d’un rat, tantôt sous ceux d’un serpent menaçants, mais le scénario de ces dessins animés est toujours le même: l’envahisseur tricolore débarque en Afrique de l’Ouest pour piller ses anciennes colonies, qui résistent et triomphent.
Depuis le mois de décembre, au moins deux productions surfant sur le rejet grandissant de la France au Sahel ont surgi sur les réseaux sociaux, avant d’être reprises et partagées par de nombreux comptes pro-russes et des influenceurs panafricains.
« Nous sommes les démons de Macron, maintenant, c’est notre pays », grincent des squelettes décharnés coiffés de casques aux couleurs de la France dans la plus récente de ces vidéos, diffusée mi-janvier sur Twitter. Puis vient ensuite un gigantesque serpent tricolore annonçant qu’il veut « conquérir toute l’Afrique ». Le 21 décembre, une vidéo du même acabit était publiée sur Facebook avec un rat particulièrement agressif prénommé « Emmanuel ».
Volant au secours de soldats arborant les drapeaux maliens, burkinabè ou ivoiriens, on retrouve chaque fois des hommes blancs armés et en treillis portant bien en évidence l’insigne du groupe paramilitaire russe Wagner.
Ces productions « empruntant les codes de la fiction pour enfants (couleurs vives, protagonistes campés par des animaux, graphisme simpliste) accessibles à un large public sont clairement l’oeuvre de trolls russes ou prorusses » susceptibles d’opérer depuis Saint-Petersbourg, Bamako ou encore Ouagadougou, indique une source militaire française.
Une analyse partagée par plusieurs sources diplomatiques et experts interrogés par l’AFP, selon qui ces vidéos s’inscrivent dans la vaste campagne d’influence – militaire, économique et culturelle – orchestrée ces dernières années par Moscou dans cette région en proie à des insurrections jihadistes, où la France est en net recul.
Des « trolls » déjà connus
La première occurrence du clip le plus récent, identifiée sur Twitter le 14 janvier, émanait du compte @Souleym25304454. Un profil déjà connu pour avoir relayé des accusations contre la France en avril 2022, après la découverte d’un charnier à Gossi, dans le centre du Mali, près d’une base que les soldats français venaient de rétrocéder à l’armée malienne dans le cadre de leur désengagement du pays.
Sur les réseaux sociaux, des photos de cadavres floutés enterrés dans le sable avaient alors massivement circulé. L’armée française avait aussitôt dénoncé une manipulation, et diffusé des images de drone montrant, selon elle, des mercenaires russes en train d’enterrer des corps quelques jours plus tôt.
Autre élément qui interpelle, selon le collectif d’enquête All Eyes on Wagner: le « timing » de la publication, apparue en ligne pendant la « Journée de souveraineté retrouvée » au Mali, date fériée instaurée récemment par la junte parvenue au pouvoir à la faveur d’un coup d’Etat.
Il s’agit d' »un moment clef (…) pour la cohésion nationale autour de cette junte », et cette vidéo remplit la mission assignée à Wagner de « soutenir +informationnellement+ le gouvernement qui les emploie », estime All Eyes on Wagner. Les autorités maliennes ont toujours démenti avoir recours à des mercenaires, parlant d’instructeurs militaires venus aider à combattre les jihadistes.
Emmanuel Dupuy, président de l’Institut prospective et sécurité en Europe (Ipse), y voit « la preuve que (le groupe) est sorti un peu de son rôle de déni pour se présenter comme une armée privée au service des gouvernements qui l’ont sollicitée: le Mali aujourd’hui, peut-être le Burkina Faso demain ».
Contrainte de quitter le Mali en 2022, au terme de neuf ans de lutte antijihadiste dans le pays, l’armée française s’est vue tout récemment sommée de retirer ses soldats du Burkina Faso d’ici fin février, alors que la junte à Ouagadougou a opéré un rapprochement avec Moscou, alimentant les spéculations sur une possible entente avec Wagner.
« Des faisceaux d’indice comme les codes graphiques ou l’utilisation récurrente de l’anthropomorphisme suggèrent » que ce genre de vidéo « pourrait provenir de la galaxie Prigojine », du nom de l’homme d’affaires à la tête de Wagner, Evguéni Prigojine, abonde Maxime Audinet, chercheur à l’Institut de recherche stratégique de l’école militaire (Irsem).
Le laboratoire centrafricain
Ce type de propagande déguisée n’est en effet pas totalement nouveau. Dès 2019, un dessin animé glorifiant la présence russe en Centrafrique, relatait l’histoire d’un éléphant attaqué par des hyènes venues lui voler sa récolte. Un ours originaire « d’un pays lointain du Nord qui s’appelle la Russie » accourt alors pour secourir l’éléphant et « établir la paix » entre les différents animaux de la savane.
Contrairement aux autres, cette vidéo était « signée », les crédits à la fin de la vidéo mentionnant explicitement Lobaye Invest, une société qui détient des concessions minières en RCA, selon le Trésor américain, qui a sanctionné cette entité en septembre 2020 pour ses liens avec Wagner.
La Centrafrique, en guerre civile depuis dix ans, a en quelque sorte constitué un laboratoire pour Wagner, dont les combattants sont accusés par l’ONU de graves violations des droits de l’Homme dans ce pays où depuis 2018, ils ont aidé le gouvernement à repousser des offensives rebelles et à récupérer une partie de son territoire.
La stratégie du groupe consiste notamment à « façonner les représentations favorables au groupe paramilitaire, justifier par des moyens médiatiques et culturels son implantation et, par extension, légitimer la présence croissante de la Russie dans la région », écrivaient les chercheurs Maxime Audinet et Colin Gérard dans un article publié sur la plateforme Le Rubicon en février 2022.
Pour Emmanuel Dupuy, de l’Ipse, la multiplication de ces fictions animées démontre en tout cas que « le continent africain devient le lieu d’expression d’une guerre par +proxy+ », autrement dit par procuration, « contre les intérêts occidentaux, plus précisément ciblée sur la France ».
Cette propagande s’avère d’autant plus efficace que la France a tardé à prendre la mesure du phénomène. « Il est facile de critiquer la France parce qu’elle ne se défend pas très bien et qu’elle n’a pas tout à fait pris conscience qu’une guerre informationnelle se joue », pointe le chercheur.
« Nous sommes face à un rouleau compresseur qui joue sur les perceptions des populations locales confrontées à des difficultés existentielles (conflits, pauvreté…), notamment celles de la jeunesse, et vise à exploiter les ressentiments contre la France », admet une source militaire française.
Face à l’urgence, Paris s’active pour rattraper son retard. Le ministère des Affaires étrangères s’est doté d’une sous-direction de la veille et de la stratégie, et l’état-major des armées a nommé un général en charge de ces problématiques. Le chef de l’Etat Emmanuel Macron l’a martelé en novembre dernier: « l’influence » est aujourd’hui considérée comme une « priorité stratégique ».
La Russie a fustigé mercredi les « tactiques coloniales » de l’Occident pour faire « pression sur les continents en développement », saluant la « position équilibrée » de l’Angola qui s’est longtemps abstenu de condamner Moscou depuis le début de la guerre en Ukraine.
Plusieurs États africains se sont abstenus en mars 2022 lors du vote d’une résolution de l’ONU exigeant « que la Russie cesse immédiatement de recourir à la force contre l’Ukraine ». L’Angola a voté pour la première fois en octobre pour condamner Moscou.
« La Russie apprécie la position équilibrée de l’Angola aux Nations unies », a déclaré à la presse le ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov, à l’issue d’une rencontre à Luanda avec son homologue angolais Tete Antonio et le président Joao Lourenco.
Dénonçant les « pressions illégales des Etats-Unis et ses alliés », le chef de la diplomatie russe a ajouté que « l’Occident utilise les mêmes tactiques coloniales que par le passé pour exploiter les continents en développement ».
Ancien mouvement de libération à mouvance marxiste, le parti historique au pouvoir en Angola (MPLA, Mouvement populaire pour la libération de l’Angola) entretient des liens historiques avec la Russie, même si l’Angola a par la suite renforcé ses liens avec les États-Unis.
L’Afrique est redevenue un champ de bataille d’influence politique et économique, notamment depuis le début du conflit en Ukraine, il y a près d’un an.
M. Lavrov est en visite pour la seconde fois en six mois sur le continent. Avant l’Angola, il s’est rendu en Afrique du Sud et en Eswatini.
Son voyage coïncide avec une tournée africaine de la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen. Le ministre chinois des Affaires étrangères, Qin Gang, s’est par ailleurs rendu ce mois-ci en Éthiopie, au Gabon, en Angola, au Bénin et en Égypte.