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Le Congo de Denis Sassou-Nguesso observe de loin les bouleversements politiques en Afrique

Mai 2, 2024

Le chef de l’Etat, 80 ans, a dirigé une première fois le pays sous le régime du parti unique, de 1979 à 1992, puis est revenu aux affaires après une guerre civile en 1997.

Le président du Congo, Denis Sassou-Nguesso (au centre), arrive à l’aéroport de Pékin pour assister au troisième forum « Belt and Road », le 16 octobre 2023.
Le président du Congo, Denis Sassou-Nguesso (au centre), arrive à l’aéroport de Pékin pour assister au troisième forum « Belt and Road », le 16 octobre 2023. KEN ISHII / AFP

Quarante ans cumulés au pouvoir : au Congo-Brazzaville, les élections ne sont prévues qu’en 2026, mais tout semble indiquer que l’octogénaire Denis Sassou-Nguesso sera de nouveau candidat. « Il n’en fait d’ailleurs pas mystère », précise à l’Agence France-Presse (AFP) un diplomate.

Dans le tourbillon des coups d’Etat qui ont agité l’Afrique depuis 2020, en particulier d’anciennes colonies françaises (Mali, Burkina, Niger, Gabon…), une rumeur s’était répandue en septembre 2023 sur les réseaux sociaux affirmant qu’un putsch était en cours à Brazzaville.

Mais tout était calme au pays producteur de pétrole de Denis Sassou-Nguesso, 80 ans, un militaire qui a dirigé une première fois le Congo sous le régime du parti unique, de 1979 à 1992, puis est revenu aux affaires après une guerre civile en 1997.

Elu en 2002, réélu en 2009, il a pu se représenter et remporter les présidentielles de 2016 et 2021, après un changement de Constitution qui a fait sauter en 2015 la limite d’âge (70 ans) et porté à trois le nombre possible de mandats de cinq ans.

« Le manque de vision des acteurs politiques »

Il est parmi ceux qu’on qualifie de « dinosaures » sur le continent, mais « le régime congolais est toujours là », alors que des plus jeunes ont été balayés « par des juntes prorusses », constate le porte-parole du gouvernement et ministre de la communication, Thierry Moungalla.

« Le dégagisme, ça n’a jamais abouti à rien », estime aussi Parfait Iloki, porte-parole du parti présidentiel, le Parti congolais du travail (PCT, jadis marxiste-léniniste, aujourd’hui social-démocrate).

Quant au grand âge, « ce n’est pas un problème, c’est la sagesse », pense-t-il. « D’ailleurs, quel âge a le président de la première puissance mondiale ? », ironise M. Iloki, dans une allusion aux 81 ans du président américain, Joe Biden. La récente élection au Sénégal d’un président « antisystème » de 44 ans a par ailleurs été observée au Congo avec une pointe d’envie mais sans illusion.

« Le Sénégal a une tradition démocratique », commente l’aumônier Jonas Koudissa, directeur de l’Académie catholique de Brazzaville pour l’éthique (Accabe). « Ici, je ne vois pas comment un changement de cette nature pourrait se produire », poursuit l’abbé, en déplorant « le manque de vision des acteurs politiques », qui profitent de leur situation mais ne se préoccupent pas de l’avenir de leur pays, dont 47 % des 5,7 millions d’habitants ont moins de 18 ans selon la Banque mondiale.

« Globalement, on régresse », dit même Maixent Animba, du Forum pour la gouvernance et les droits de l’homme (FGDH). « En termes de liberté d’expression, d’accès aux médias d’État, du droit de manifester, de reconnaissance des partis et ONG », énumère le militant, qui cite aussi « la fraude électorale », « la dilapidation et les détournements des fonds publics », la justice « aux ordres », « la privatisation du pays »

« Où va l’argent ? »

Selon lui, « la vis a été serrée » après 2015, quand des manifestations contre le changement de Constitution ont « beaucoup mobilisé » et que « le régime a réalisé qu’il ne tenait qu’à un fil ». « On n’a pas peur, mais on est prudent », ajoute M. Animba. « Ici, on fait attention à ce qu’on dit, sinon on finit au gnouf », confirme à sa manière et sous couvert d’anonymat un chauffeur de taxi, convaincu que « Sassou ne partira jamais ».

« Nous voulons du sang neuf ! », lance Eveline, 55 ans, venue faire ses courses au marché Total, le plus grand de Brazzaville. « Un clan a beaucoup d’argent, mais nous, nous n’en avons pas. (…) Il n’y a pas de travail, les diplômes de nos enfants dorment à la maison, on n’arrive pas à se faire soigner… »

Le long des allées boueuses du marché, tous racontent la vie trop chère et difficile, surtout depuis que le prix des carburants a augmenté ces derniers mois – au nom de la « vérité des prix » prônée par le Fonds monétaire international (FMI), selon le porte-parole du gouvernement.

Les Brazzavillois déplorent aussi les fréquentes coupures d’électricité et d’eau, se demandant « où va l’argent » du pétrole. « Il y a une très mauvaise utilisation de l’argent », estime le chef de file de l’opposition, Pascal Tsaty Mabiala, qui fustige des « projets tape-à-l’œil », comme ces deux tours jumelles de trente étages qui viennent de s’ajouter à la capitale implantée sur la rive droite du fleuve Congo.

Il pense lui aussi que Denis Sassou-Nguesso se représentera en 2026. Face à un PCT tout puissant, l’opposition est éclatée, muselée, sans moyens. « Nous sommes un peu crispés, comme si on manquait de confiance en nous-mêmes », regrette l’opposant.

Le Monde avec AFP

Nestlé nie fournir à l’Afrique du lait infantile chargé en sucre

avril 26, 2024

Mis en cause par l’ONG Public Eye, le géant suisse de l’agroalimentaire réfute les accusations de « double standard ». Et affirme lutter dans le monde entier pour la réduction des taux de sucre.

© Damien Glez
© Damien Glez

Mi-avril, l’association suisse Public Eye pointait du doigt le premier groupe agroalimentaire mondial. L’ONG accuse Nestlé d’exporter du lait infantile et des produits céréaliers contenant du sucre et du miel ajoutés vers les pays à faibles revenus (en Asie, en Afrique et en Amérique latine), tandis qu’elle propose des déclinaisons plus saines aux clients des pays occidentaux. Le dosage réservé au Sud serait contraire aux directives de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), qui souhaite prévenir l’obésité et les maladies chroniques.

De surcroît, les produits étudiés par l’ONG concernent la petite enfance durant laquelle ces questions nutritionnelles d’accoutumance sont particulièrement sensibles.

Ce jeudi 25 avril, via un communiqué, Nestlé est monté au créneau en affirmant appliquer « les mêmes principes partout », en conformité avec « les lignes directrices et recommandations scientifiques reconnues », notamment en ce qui concerne « la petite enfance ». « Nous privilégions l’utilisation d’ingrédients de haute qualité adaptés à la croissance et au développement des enfants », se défend l’entreprise suisse.

Double standard ?

Primo, les variations de taux de sucre seraient théoriquement disponibles à l’intérieur de chaque zone géographique, Nestlé produisant effectivement une gamme de produits céréaliers et de muesli « avec ou sans sucre ajouté ». L’objectif serait de « proposer des options sans sucre ajouté partout » en les introduisant « dans un pays après l’autre, s’il n’en existe pas encore ».A lire : 

Secundo, les laits pour nourrissons de moins de 12 mois ne contiendraient jamais de sucre ajouté, selon le communiqué, tandis que la dose serait progressivement réduite dans les « laits destinés aux enfants de plus de 12 mois ». Et d’ajouter que « la grande majorité de ces produits ne contiennent pas de sucre raffiné ».

Public Eye milite pour une absence de sucres ajoutés « dans tous les produits destinés aux enfants de moins de trois ans, partout dans le monde ».

Mauvaise passe

Puisqu’il semble qu’une critique ne vient jamais seule, la presse française a révélé au début du mois que plusieurs eaux minérales du groupe Nestlé avaient été contaminées par des bactéries, des pesticides et des Pfas (per- et polyfluoroalkylées, ou polluants éternels). C’est un document de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) qui affirme que la « qualité sanitaire » des eaux du groupe Nestlé n’est « pas garantie ». Des sociétés de gestion d’actifs et des investisseurs partenaires du groupe suisse auraient déjà exprimé plus d’inquiétudes qu’au cours des 25 dernières années.

Avec Jeune Afrique par Damien Glez, Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

L’Afrique en manque de… CAN ?

mars 28, 2024

La chronique de Tierno Monénembo. Outre son effet euphorisant, le football revêt une autre qualité qui manque cruellement aux pays africains : l’alternance.

La Coupe d’Afrique des nations (CAN) s’est achevée à Abidjan le 11 février dernier.
La Coupe d’Afrique des nations (CAN) s’est achevée à Abidjan le 11 février dernier. © Sunday Alamba/AP/SIPA

Il y a des overdoses qui font du bien. La Coupe d’Afrique des nations (CAN) s’est achevée à Abidjan le 11 février dernier et, déjà, c’est la déprime ! On dit que le football est devenu la drogue dure de l’Afrique, que le continent se shoote à la CAN pour échapper au spleen baudelairien de sa désastreuse vie politique. Que faire d’autre, je vous le demande, que de se noyer dans les paradis artificiels des stades quand la Cedeao se disloque et que la meute putschiste se rue, tous crocs dehors, sur la dépouille de notre démocratie-mort-née ?

« La drogue est le nomadisme de l’exclu », disait Jacques Attali. Qui dit nomadisme dit grands espaces. Or, le monde se rétrécit dramatiquement pour l’Africain, cet exclu des exclus. La médiocrité de ses dirigeants ayant fait du continent (ce paradis naturel) un enfer artificiel, il a un besoin urgent de s’évader. Mais où ? L’Europe se ferme, les routes du Sahara deviennent de redoutables pièges à nègres et les États-Unis se proposent de refaire le mur de Berlin sur les rives du Rio Bravo. Il ne lui reste pour « s’accrocher » que « l’opium du peuple » et la dope au ballon rond. Et comme la mosquée n’est plus l’endroit le mieux indiqué pour planer depuis que les djihadistes y ont pris place avec leurs kalachnikovs et leurs pistolets à seringue, il est obligé de se contenter du gazon (à chacun, sa bonne herbe !).

Déficit démocratique

L’Afrique – et pas seulement les amoureux du ballon rond (ou plutôt les « accros » du foot) – avait urgemment besoin de CAN : le déficit démocratique en avait porté le craving (cela se dit ainsi dans le milieu des toxicos) à un niveau épouvantable. Et par chance, aux dires de tous, la cuvée 2023 a été un régal. Nos joueurs n’ont pas fait que nous offrir des matchs splendides, des matchs palpitants où le score jusqu’à la dernière minute reste incertain, ils ont surtout réussi à nous faire oublier nos putschs insensés et nos démocraties bancales. Merci à Sadio Mané, à Nsue, à Bébé, Fabien Haller et aux autres dieux de nos stades pour leurs dribbles stupéfiants ; merci surtout de nous avoir rendu presque supportables les têtes de ceux qui se cramponnent au sommet de nos États rien que pour nous pourrir la vie !

L'écrivain guinéen Tierno Monénembo.
©  BALTEL/SIPA / SIPA

L’écrivain guinéen Tierno Monénembo.© BALTEL/SIPA / SIPA

Continent recherche alternance

Outre son effet euphorisant, le football revêt une autre qualité qui manque cruellement aux pays qui sont les nôtres : l’alternance au pouvoir y est régulière, constante, aux bons soins ou plutôt aux soins exclusifs de Dame Nature. Elle se fait sans le drame du coup d’État, sans le cirque du troisième mandat.

La gérontocratie y est naturellement exclue. Que l’on s’appelle Didier Drogba, Titi Camara, El Hadj Diouf ou Salif Keïta, quand l’âge arrive, tout le monde est obligé de ranger les crampons. Et ce qui est valable pour les individualités est tout aussi valable pour les équipes.

Avez-vous remarqué qu’à Abidjan, le Ghana, l’Égypte, le Cameroun, le Maroc…, bref ceux que l’on considérait comme les mastodontes du football continental, ont tous courbé l’échine et que dorénavant, ce sont de toutes nouvelles équipes (que personne n’a vues venir) qui occupent le haut du pavé. La Guinée équatoriale, le Cap-Vert, la Mauritanie, etc., incarnent dorénavant le renouveau du football africain. Les Pharaons et les Lions (qu’ils viennent de l’Atlas, de la Téranga ou qu’ils soient Indomptables) peuvent aller se rhabiller.

Ah, si seulement on pouvait dire la même chose à nos indéboulonnables présidents !

Avec Le Point par Tierno Monénembo*

Prix Théâtre RFI 2024 : appel à candidatures ouvert

mars 26, 2024

RFI invite les autrices et auteurs ayant entre 18 et 46 ans d’âge à participer au concours d’écriture dénommé « Prix Théâtre RFI 2024 » qu’elle lance jusqu’au 27 avril.  Les textes présentés doivent être rédigés en langue française comportant un minimum de quinze pages numérotées en police 11 et en caractère Arial.  Un seul texte pour chaque candidat.

Le prix est ouvert aux auteurs et autrices originaires et vivant en Afrique, dans les Caraïbes, dans l’océan Indien ou encore au Proche-Orient. Il est également destiné aux étrangers issus de ces zones, résidant en France depuis moins de quatre ans et titulaires d’une carte de résident ou d’un statut de réfugié politique.  Les textes présentés doivent être des originaux, écrits en français.  La participation est individuelle.

Les textes envoyés ne devront pas avoir donné lieu à une mise en scène en France et ne devront pas constituer des adaptations d’une œuvre d’un autre auteur. Les textes présentés lors des éditions précédentes ne peuvent pas être représentés.  Parmi tous les textes, une douzaine sera présélectionnée et proposée à un jury international avant d’être soumise en septembre prochain au vote final. Le choix se fera selon les critères suivants :  l’originalité, la qualité littéraire, la qualité dramaturgique.

L’appel à écriture pour la 11e édition du « Prix Théâtre RFI » est ouvert depuis le 25 mars.  Les  candidatures doivent être envoyées, au plus tard  le 27 avril à minuit,  dernier délai à l’adresse prix.theatre@rfi.fr.  Le  Prix sera remis le 29 septembre à Limoges, dans le cadre du festival Les Zébrures d’automne organisé par « Les Francophonies – Des écritures à la scène ».

Le lauréat ou la lauréate bénéficiera d’une ou plusieurs lectures du texte primé diffusé sur les antennes de RFI. Il recevra également de dotations financières fournies par les partenaires et de l’organisation en France. RFI et ses partenaires offrent au lauréat des résidences de création et d’écriture ainsi qu’une lecture en public lors du cycle « Ça va, ça va le monde ! », organisé dans le cadre du Festival d’Avignon.

Le Prix RFI met en lumière toute une nouvelle génération d’autrices et d’auteurs venant d’Afrique francophone, du Liban ou d’Haïti, avec des textes en résonance avec le monde contemporain.  Le concours est organisé par France Médias Monde en partenariat avec l’Institut français, l’Institut français de Saint-Louis du Sénégal, le Centre dramatique national de Normandie-Rouen, la SACD, Les Francophonies – Des écritures à la scène et le Théâtre Ouvert, le Centre national des dramaturgies contemporaines.

Le Prix a pour objectif de promouvoir la richesse des écritures dramatiques contemporaines francophones du Sud et de favoriser le développement de carrière de jeunes auteurs écrivant en français.

Quels seront les sujets forts abordés cette année ? De quelle humanité témoigneront les auteurs lors de cette édition ? Avec quels mots, dans quel style ? C’est aux artistes d’apporter leur réponse.

Après le Camerounais Éric Delphin Kwegoué, lauréat RFI Théâtre 2023, à qui sera  le tour  ?

Avec Adiac-Congo par Rosalie Tsiankolela Bindika

Afrique : pourquoi les banques françaises accélèrent leur départ

mars 25, 2024

La question est posée alors qu’à son tour la Société générale, la plus implantée des banques françaises en Afrique, accélère son désengagement du continent.

Des gens font la queue pour retirer de l'argent dans un distributeur automatique de billets devant une banque à Yola au Nigeria, le jeudi 23 février 2023.
Des gens font la queue pour retirer de l’argent dans un distributeur automatique de billets devant une banque à Yola au Nigeria, le jeudi 23 février 2023. © Sunday Alamba/AP/SIPA

La rumeur monte ces dernières semaines. La Société générale serait sur le point de quitter le Maroc. Rien n’est encore officiel, personne ne dément ni ne confirme. Et les détails pleuvent. L’accord porterait sur la cession de sa participation de 57 % au capital de sa filiale locale SG Maroc, pour un montant de 732,5 millions d’euros (8 milliards de dirhams). L’acheteur approché serait la holding marocaine Saham, dirigée par l’homme d’affaires Moulay Hafid Elalamy. La Société générale aurait mandaté la banque d’affaires Lazard pour mener à bien l’opération, qui serait soumise bien sûr à l’approbation des autorités marocaines.

Cette rumeur n’est pas infondée dans le sens où elle s’appuie sur une réalité et un contexte général. Depuis près d’une quinzaine d’années, les banques françaises se désengagent peu à peu du continent et le mouvement s’accélère. Présente depuis plus de 100 ans en Afrique, la Société générale est la dernière à entamer ce repli.

Repli stratégique

Depuis juin 2023, le groupe français a annoncé sa volonté de céder six de ses dix-sept filiales sur le continent (Burkina Faso, Congo-Brazzaville, Guinée équatoriale, Mauritanie, Mozambique et Tchad). Elle a même précisé qu’elle étudiait son départ de Tunisie. En revanche, jusqu’à maintenant, rien n’était prévu pour le Maroc.

Cette stratégie se dessine depuis l’arrivée au printemps 2023 du nouveau patron Slawomir Krupa à la tête du groupe Société générale. « 2023 était une année de transition et de transformation », mettait-il en avant à l’occasion de l’annonce des résultats financiers annuels.

Dès novembre, par une nomination en interne, François Bloch a repris la partie activité Afrique. S’il n’a jamais travaillé sur le continent, il est réputé pour son expertise dans la transformation des activités qu’il a menées en Europe de l’Est. Nommé directeur des réseaux bancaires internationaux en Afrique, dans le bassin méditerranéen et en outre-mer, il a donc pour mission « d’optimiser le dispositif et d’en accroître l’efficacité afin d’assurer une rentabilité durable tout en assurant une gestion des risques et de la conformité aux meilleurs standards », selon le communiqué de la Société générale. La Banque s’est aussi engagée dans un vaste plan de réduction des coûts – 1,7 milliard d’euros à l’horizon 2026 –, et près de mille suppressions de postes prévus en France.

Mouvement général

« Le mouvement de désengagement des banques françaises en Afrique a véritablement commencé après la crise financière de 2008. Face à de grosses pertes et au renforcement drastique des normes prudentielles qui ont suivi dès 2010, les établissements européens ont dû revoir leur stratégie. Que la Société générale, qui avait la plus large implantation en Afrique, entame ce process n’a rien d’étonnant », explique Estelle Brack, économiste, spécialiste des questions bancaires et financières.

Le Crédit agricole a été le premier établissement français à se séparer de ses filiales en Afrique de l’Ouest. Le groupe mutualiste BPCE (Banque populaire, Caisse d’Épargne, Natixis) a suivi, en cédant, en 2018, la quasi-totalité de ses filiales africaines. La BNP fait de même et cède nombre de ses participations sur le continent (Gabon, Mali, Comores…) et en 2022, elle se déleste de ses participations en Côte d’Ivoire (BICICI) et au Sénégal (BICIS).

Le constat est implacable. La présence en Afrique des banques françaises fond comme neige au soleil. Plus implantées dans les pays anglophones, les banques britanniques suivent la même route : Standard Bank réduit la voilure tout comme Barclays Bank.

Arbitrage risque-rentabilité

La véritable motivation réside dans la recherche de la rentabilité, dans un contexte économique dégradé et géopolitique tendu. En septembre 2023, dans son discours aux investisseurs, Slawomir Krupa a mis l’accent sur une allocation plus efficace des capitaux propres et une meilleure gestion des risques. « Cet arbitrage entre risque et rentabilité est au cœur du désengagement africain des banques françaises. Cela avait été le cas de BNP Paribas, qui a cédé six de ses filiales sur le continent depuis 2020 », commente Estelle Brack.

En matière de risque, les contraintes liées aux exigences prudentielles des établissements financiers ont été régulièrement renforcées depuis la crise financière de 2008. « Les ratios exigés par Bâle 3 incitent les banques à se concentrer sur le capital de bonne qualité et les activités à moindre risque. Même s’il existe une différence entre risque effectif et risque perçu, vue d’Europe, l’Afrique est considérée comme un continent cher en termes de capital prudentiel », explique Estelle Brack. Ainsi, en annonçant la cession de quatre de ses filiales en juin dernier (Congo, Guinée équatoriale, Mauritanie, Tchad) la Société générale anticipait « un impact positif d’environ 5 points sur le ratio CET1 [un des ratios de solvabilité les plus importants, NDLR] à leur date de finalisation ».

Changement de contexte économique et politique

Ces deux dernières décennies, l’Afrique surfait plutôt sur un trend de croissance dynamique et l’émergence d’une classe moyenne. La pandémie du Covid puis l’impact de la guerre en Ukraine ont bouleversé l’ordre économique mondial, entraînant une flambée de l’inflation et la montée des taux d’intérêt. « Le risque géopolitique est redevenu un facteur prépondérant dans l’analyse globale des risques. Dans certains de ces pays d’Afrique, il a tendance à demeurer plus élevé que sur d’autres marchés », rappelle Rafael Quina, analyste chez Fitch Ratings à l’Agefi. Les risques de conformité y sont également plus élevés. « Ce désengagement… C’est une suite logique », constate Estelle Brack. Il s’agit de répondre à des soucis de rentabilité, en cédant les franchises les plus risquées rentables pour réduire les coûts en capital au niveau de la maison mère, soumise à la supervision de la Banque centrale européenne (BCE).

Concurrence et opportunités

Sur le continent, tout a aussi changé. Les banques locales se sont développées et sont parties à la conquête d’autres marchés pour devenir de véritables institutions panafricaines. « Les banques marocaines ont profité de ces cessions de filiales pour bien se positionner et poursuivre leur implantation sur le continent. Elles ont compris qu’il était plus intéressant de regarder vers le Sud que vers l’Union européenne », constate Estelle Brack. « C’est aussi le bon moment. Sur le continent, de nombreux acheteurs potentiels sont prêts à payer un bon prix. La Société générale profite de l’opportunité de vendre à bon prix, et en même temps, les banques locales en Afrique sont prêtes à saisir un portefeuille clients de qualité au moment où, elles-mêmes en pleine expansion, elles cherchent à gagner de nouveaux marchés », conclut-elle.

Avec Le Point par Sylvie Rantrua

Des bases franco-américaines en Afrique : pour quoi faire ?

mars 19, 2024

Après l’éviction de leurs militaires du Niger, Paris et Washington sont en discussion pour préserver leur capacité d’action sur le continent. Décryptage.

Une drone MQ-9 Reaper de l'US Air Force lors d'une mission d'entraînement dans le Nevada en 2020.
Une drone MQ-9 Reaper de l’US Air Force lors d’une mission d’entraînement dans le Nevada en 2020. © ABACA / US Air Force

La situation des armées américaine et française au Sahel bascule totalement. Les changements de régime au Mali, au Burkina Faso et au Niger ont entraîné l’éviction des militaires des deux pays. Dernier épisode en date, la rupture unilatérale, samedi 16 mars, de l’accord militaire entre le Niger et les États-Unis, malgré les tentatives de la Maison-Blanche de ménager la junte militaire en évitant jusque-là de parler de coup d’État.

Paris et Washington doivent trouver d’autres moyens de maintenir leur capacité d’action sur le sol africain, et le chef d’état-major des Armées, le général Thierry Burkhard, a évoqué à l’Assemblée nationale, le 31 janvier, les réflexions en cours pour l’ouverture de bases communes. « Notre dispositif militaire historique […] était efficace et envié », a-t-il rappelé, mais « dans le double contexte d’instabilité et d’affirmation des souverainetés, il produit, notamment dans le champ des perceptions, des effets négatifs qui finissent par peser plus lourd que les effets positifs ».

Pas encore de discussions politiques

« En ce qui concerne la création de bases communes avec les Américains ou d’autres, mutualiser les bases est souhaitable si nous voulons réduire notre visibilité tout en conservant le minimum d’empreinte nécessaire pour maintenir ouverts nos accès », a détaillé le général Burkhard. Toutefois, selon nos informations, Français et Américains n’ont pas encore ouvert de discussion formelle à l’échelon politique.

« D’un côté, la France a besoin d’internationaliser sa présence pour ne pas apparaître comme une puissance d’occupation, et de l’autre, les États-Unis veulent travailler avec d’autres pays en Afrique, car le continent n’a pas à leurs yeux la même importance stratégique que le Pacifique », déchiffre Aurélien Duchêne, consultant en géopolitique et défense, selon lequel la « concurrence avec la Chine et la Russie » est le premier des objectifs, devant la lutte contre la menace djihadiste.

Objectif Tchad

Les États-Unis disposent comme la France d’une grande base à Djibouti et seraient plutôt intéressés par des bases à empreinte légère, selon leur doctrine de « light footprint », permettant, par exemple, de mettre en œuvre des drones armés ainsi que des forces spéciales. Un modèle qui conviendrait à la France : après le grand détricotage de l’opération Barkhane en 2023, Paris souhaite stopper la réduction de la voilure et préserver sa capacité d’action, notamment celle d’entrer en premier sur un théâtre qui s’ouvrirait en Afrique.

Ces nouvelles bases pourraient être localisées en priorité au Tchad, au Gabon ou au Sénégal, estime Aurélien Duchêne, selon lequel « le plus urgent serait d’agir au Tchad ». Le démantèlement de la base américano-française installée à l’aéroport international de Niamey (Niger) avant le coup d’État, et d’où opéraient les drones français, a laissé un vide capacitaire important.

Les Européens timides

« La France a aussi intérêt à exister autrement en Afrique et cherche des partenaires étrangers, afin que d’autres uniformes s’affichent à ses côtés », poursuit Aurélien Duchêne. Problème : en dehors des États-Unis, dont l’image de puissance occidentale occupante n’est guère meilleure que celle de la France – pour des raisons liées à sa politique étrangère actuelle plutôt qu’à son histoire – peu de pays pourraient rejoindre la France.

Parmi les puissances militaires européennes, l’Allemagne ou la Grande-Bretagne ne veulent pas associer leur image à celle de la France, alors que l’Italie de Giorgia Meloni s’oppose systématiquement aux initiatives tricolores. Restent quelques pays à la puissance militaire moindre, comme l’Estonie. De telles contributions pourraient aider à internationaliser l’image des nouvelles bases, sans pour autant apporter de véritable paquet capacitaire en mesure de soulager l’effort franco-américain.

Avec Le Point par Guerric Poncet

Cinq intellectuels africains qui bousculent le prêt-à-penser

mars 17, 2024

De plus en plus écoutés et de plus en plus présents sur la scène médiatique, ces penseurs et penseuses ne brossent personne dans le sens du poil. Et c’est tant mieux.

L’écrivain Felwine Sarr est professeur d’économie à l’Université Gaston-Berger de Saint-Louis. © Montage JA; Philippe Matsas/Leextra via Opale
L’écrivain Felwine Sarr est professeur d’économie à l’Université Gaston-Berger de Saint-Louis. © Montage JA; Philippe Matsas/Leextra via Opale

Dynamiques, porteuses de valeurs, créatrices de plus-value, armes non létales du « soft power », les industries culturelles et créatives (ICC) ont le vent en poupe sur le continent. Les hommes politiques comme les grands patrons commencent à s’y intéresser de près, ne pouvant ignorer le degré de reconnaissance des artistes africains, toutes disciplines confondues, à l’international. La question de la professionnalisation se pose parfois, mais nombreux sont ceux qui portent haut les couleurs de l’Afrique – et défendent avec optimisme sa créativité.

Retrouvez notre dossier complet sur les industries créatives et notre classement – subjectif ! – des 50 artistes qui font bouger les lignes.

Ci-dessous, cinq penseurs qui agitent le monde intellectuel.

Felwine Sarr

Né en 1972, l’auteur sénégalais d’Afrotopia, docteur en économie, figure des Ateliers de la pensée, est aujourd’hui connu pour son rapport sur les restitutions, commandé par Emmanuel Macron. Felwine Sarr a aussi cofondé la maison d’édition Jimsaan.

Souleymane Bachir Diagne

Le philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne est professeur de langue française et directeur de l’Institut d’études africaines à l’Université Columbia, New York. © Montage JA; Geraldine Aresteanu
Le philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne est professeur de langue française et directeur de l’Institut d’études africaines à l’Université Columbia, New York. © Montage JA; Geraldine Aresteanu

Ce philosophe sénégalais né en 1955 à Saint-Louis travaille sur les sciences et les philosophies propres au monde islamique. Auteur de nombreux ouvrages, Souleymane Bachir Diagne s’autorise une parole publique de plus en plus fréquente.

Camille Aumont Carnel

Camille Aumont Carnel est leadeuse d’opinion, autrice et entrepreneuse. © Montage JA; Philippe Matsas/Leextra via Opale
Camille Aumont Carnel est leadeuse d’opinion, autrice et entrepreneuse. © Montage JA; Philippe Matsas/Leextra via Opale

Passée par l’école de gastronomie Ferrandi, cette Nigérienne féministe née en 1996 s’est emparée de sujets tabous, notamment sur les réseaux avec Les mots du Q, ou avec des livres coups-de-poing comme Je m’en bats le clito.

Marie-Paule Djegue Okri

Marie-Paule Djegue Okri, cofondatrice de la Ligue ivoirienne des droits des femmes. © Montage JA; DR
Marie-Paule Djegue Okri, cofondatrice de la Ligue ivoirienne des droits des femmes. © Montage JA; DR

Lauréate du prix Simone de Beauvoir 2024, âgée de 30 ans, elle est la cofondatrice de la Ligue ivoirienne des droits des femmes. Femmes dont elle défend notamment l’autonomie économique.

Elgas

Le journaliste Elgas, né en 1988 à Saint-Louis, au Sénégal, a grandi à Ziguinchor. © Montage JA; DR
Le journaliste Elgas, né en 1988 à Saint-Louis, au Sénégal, a grandi à Ziguinchor. © Montage JA; DR

El hadj Souleymane Gassama, dit Elgas, né en 1988 à Saint-Louis, est docteur en sociologie, journaliste et écrivain. Auteur du roman Mâle noir et de l’essai Les Bons Ressentiments, sur le malaise postcolonial, il défend l’écoute et la pluralité du débat. Il présente la nouvelle émission d’histoire de RFI, « Afrique, mémoires d’un continent », à la suite du départ d’Alain Foka.

Avec Jeune Afrique par Nicolas Michel

Ni Chine, ni Russie : les investisseurs préférés de l’Afrique viennent d’Europe, affirme une étude

mars 16, 2024

L’Europe reste le partenaire particulier du continent. C’est du moins ce que révèle l’enquête « Afrique 2050 » de l’Institut Choiseul, qui a sondé quelque 300 dirigeants parmi 34 pays africains.

La cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni et le président du Congo, Denis Sassou Nguesso, à Rome, le 29 janvier 2024. © RICCARDO DE LUCA/Anadolu via AFP
La cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni et le président du Congo, Denis Sassou Nguesso, à Rome, le 29 janvier 2024. © RICCARDO DE LUCA/Anadolu via AFP

À l’aube de 2050, où elle est destinée à devenir le géant démographique du monde, l’Afrique se dessine comme un pivot stratégique dans le paysage mondial des investissements. Une récente enquête intitulée « Afrique 2050 », menée par l’Institut Choiseul, a sondé près de 300 dirigeants africains et révèle des perspectives nuancées sur les partenariats économiques d’un continent qui favorise les investissements directs étrangers (IDE) internationaux (62%).

IDE en Afrique © Source : Choiseul 2024.

IDE en Afrique © Source : Choiseul 2024.

L’Europe dispose d’une image favorable

En 2022, l’afflux d’IDE en Afrique a subi un net ralentissement, captant 45 milliards de dollars, contre 80 milliards l’année précédente. Cette diminution traduit les ajustements du marché international dans le contexte d’une reprise post-pandémique. Dans cette atmosphère d’incertitude économique, l’Europe a maintenu, et continue de maintenir, sa position d’investisseur de premier plan en Afrique.

L’enquête révèle que 53% des dirigeants africains placent l’Union européenne au sommet de leurs choix comme partenaire commercial de prédilection pour les futures décennies. L’intérêt se porte notamment sur des acteurs clés tels que l’Allemagne (pour 69% des répondants) et la France (61%), qui se distinguent comme les partenaires commerciaux de prédilection. Cette préférence est particulièrement prononcée parmi les pays francophones, bien que la bataille pour l’influence économique se durcisse, opposant l’Europe à des puissances comme la Chine (16%) et les États-Unis (11%).

Parallèlement, la Russie peine à s’imposer, ne ralliant que 3% des suffrages des décideurs interrogés. Et 13% des participants vont jusqu’à considérer que l’intensification de l’influence russe en Afrique pourrait être « préjudiciable » au développement économique de leurs pays et de leurs affaires.

Qui souhaiteriez-vous voir devenir (ou rester) le premier partenaire commercial africain en 2050 ? © Source : Choiseul – 2024
Qui souhaiteriez-vous voir devenir (ou rester) le premier partenaire commercial africain en 2050 ? © Source : Choiseul – 2024

L’influence chinoise recalibrée

Le programme « Global Gateway » de l’UE, envisagé comme un contrepoids au projet chinois des « Nouvelles routes de la soie », reçoit un accueil positif, avec plus de la moitié des répondants le percevant comme une initiative « prometteuse ». Ce plan, qui prévoit d’injecter 150 milliards d’euros en Afrique, vise à renforcer les infrastructures essentielles.

De son coté, la Chine, actuellement le principal investisseur en Afrique, voit son influence recalibrée. Les réductions de prêts, motivées par les inquiétudes concernant la solvabilité, marquent un retour en arrière dans ses relations avec le continent. La présence chinoise demeure jugée indispensable par une notable proportion des dirigeants interrogés, soulignant une relation complexe faite de nécessité économique et de prudence stratégique.

Le sentiment général parmi les décideurs africains interrogés révèle une certaine frustration : le cadre actuel n’est pas aussi attractif qu’il pourrait l’être. Seulement 19% des participants à l’enquête jugent la législation de leur pays entièrement adéquate pour améliorer son attrait. En revanche, une majorité de 60% soulignent le besoin urgent de réformes pour renforcer cette attractivité, tandis que 20% considèrent que les lois en vigueur sont totalement inadaptées.

Avec Jeune Afrique par Yara Rizk

En Côte d’Ivoire, l’envoyé de Macron évoque le « remodelage » de la présence militaire française

février 22, 2024

Pour sa première visite sur le continent, Jean-Marie Bockel s’est entretenu avec le président ivoirien. Il devra rendre ses recommandations à l’Élysée en juillet.

Alassane Ouattara et Jean-Marie Bockel à Abidjan, le 21 février 2024. © Présidence de Cote d’Ivoire
Alassane Ouattara et Jean-Marie Bockel à Abidjan, le 21 février 2024. © Présidence de Côte d’Ivoire

La première visite sur le continent de l’envoyé personnel du président français pour l’Afrique fut pour Abidjan. Ce 21 février, Jean-Marie Bockel y a évoqué le « remodelage » de la présence militaire française en Côte d’Ivoire.

« Le terme remodeler me paraît être le bon terme. L’esprit, c’est de venir avec des propositions, une écoute et ensuite un dialogue qui aboutisse à un accord gagnant pour les deux parties », a déclaré l’envoyé de l’Élysée à l’issue d’un « échange riche » avec le président Alassane Ouattara.

Ancien secrétaire d’État à la Coopération du président Nicolas Sarkozy, Jean-Marie Bockel a été chargé le 6 février par Emmanuel Macron de discuter avec les partenaires africains des nouvelles formes de la présence militaire française sur leurs sols.

« Perspectives d’accompagnement »

C’est en Côte d’Ivoire, l’un des plus solides alliés de la France en Afrique de l’Ouest, qui abrite quelque 900 militaires français au sein du 43e Bataillon d’infanterie de marine (43e BIMa), qu’il a choisi de faire sa première visite.

« On ne veut pas réduire nos efforts mais c’est une globalité : il y aura des évolutions, l’empreinte sera moindre sur certains aspects et plus forte sur d’autres », a-t-il affirmé sans donner de détails.

« Les perspectives de notre partenariat en matière de sécurité sont des perspectives d’accompagnement de renforcement de la force militaire souveraine de la Côte d’Ivoire, de sa montée en puissance quantitative et qualitative », a-t-il ajouté en évoquant « un processus qui a déjà commencé ».

À l’écoute des demandes

Les militaires français ont été tour à tour chassés du Mali, du Burkina puis du Niger, trois pays ouest-africains gouvernés par des militaires arrivés au pouvoir par des coups d’État et désormais ouvertement hostiles à la France.

Depuis environ un an, Paris met en avant sa volonté de profondément transformer ses rapports avec le continent, en martelant qu’elle est avant tout à l’écoute des demandes des partenaires africains, notamment sur les questions de sécurité. Outre la Côte d’Ivoire, trois autres pays africains accueillant des bases sont concernés par ces adaptations du dispositif militaire : le Sénégal, le Gabon et le Tchad.

Par Jeune Afrique (Avec AFP)

Carnaval de Rio : retour aux sources africaines de la samba

février 9, 2024

Origines religieuses pour certains, danse collective pour les autres : d’où vient le nom « samba » ? Plus de cent ans après l’invention du genre, le débat persiste parmi les historiens. Décryptage, à l’occasion du 184e carnaval de Rio, qui débute ce 9 février. 

Des membres de l’école de samba Vila Isabel lors du défilé du carnaval de Rio (Brésil), en avril 2022. © William Volcov/Shutterstock/SIPA
Des membres de l’école de samba Vila Isabel lors du défilé du carnaval de Rio (Brésil), en avril 2022. © William Volcov/Shutterstock/SIPA

« Les Afriques que j’ai recréées, résister c’est la loi/ L’art est une rébellion », chantaient en 2023 les membres de Mangueira, l’une des plus prestigieuses et anciennes écoles de samba de Rio de Janeiro (Brésil), lors de son défilé du carnaval. Car, ce n’est un secret pour personne, la samba s’inspire des danses et des rythmes africains, importés par les esclaves au cours des quasi quatre cents ans de traite négrière. Mais comment et pourquoi le nom « samba » ? Plus de cent ans après les débuts de ce style musical, devenu au fil des années le porte-étendard du Brésil dans le monde, le débat n’est toujours pas tranché. 

De semba à samba, il n’y a qu’un pas

Hypothèse la plus répandue, celle selon laquelle le mot samba serait dérivé de « semba », lui-même issu de la langue kimbundu, parlée en Angola. Le mot désigne une « umbigada », c’est-à-dire un « coup de nombril » par lequel les esclaves s’invitaient à danser. Mais le mot samba pourrait également désigner une prière émise par les esclaves lors des batuques, des rassemblements à la fois festifs et religieux, au cours desquels ces derniers demandaient la fin de leur asservissement et de leurs souffrances. 

« Il y a l’histoire du mot, et puis il y a l’histoire de la pratique, et les deux sont un peu mêlés », explique Anaïs Fléchet, historienne à l’université Paris-Saclay. « La samba apparaît au départ dans la région du Recôncavo, près de Salvador de Bahia, qui était la grande région des plantations de canne à sucre, et donc une des principales régions d’importation des esclaves africains. Et dans ce contexte se sont développées les batuques. »

Certains éléments laissent à penser que le mot tiendrait davantage de l’aspect religieux. « On retrouve ce “coup de nombril” bien plus fréquemment dans d’autres pratiques, comme le jongo ou le tambor de crioula [d’autres danses afro-brésiliennes]. Mais ces pratiques n’héritent pas du nom de samba », détaille Mauricio Barros de Castro, historien à l’Université de l’État de Rio de Janeiro (UERJ). 

Un ami nommé Samba 

Samba, c’est aussi et surtout un prénom répandu dans les langues bantoues, parlées dans une vingtaine de pays de la moitié sud de l’Afrique. Et si c’était un esclave nommé Samba qui avait donné son nom à la musique qui fait danser le monde entier ? C’est la théorie de Salloma Salomão Jovino Da Silva, musicien et historien, chercheur associé à l’Université de Lisbonne. « En examinant les registres du trafic d’esclaves, j’ai trouvé entre 250 et 300 personnes avec le nom de Samba ou de ses dérivés : Sambi, Sambu, Sambaiba… raconte-t-il. Par ailleurs, on retrouve les mots Sambo aux États-Unis, ou zambo en Amérique hispanophone, où ils sont considérés comme étant des termes à connotation raciste. »

Le prénom Samba, et ses variations, aurait donc été présent parmi tous les esclaves des Amériques. D’où l’idée avancée par Salloma Salomão Jovino Da Silva : « Il est probable qu’au Brésil, une personne nommée Samba ait organisé des rassemblements mêlant des Noirs libres et des Noirs réduits en esclavage. Et quand le public ou les autorités s’y rendaient, elles disaient : « Allons au samba [en portugais, le nom est masculin]. »

Une danseuse de l'école de samba Unidos da Tijuca à l’occasion de la première nuit du défilé du carnaval, à Rio de Janeiro (Brésil), le 20 février 2023. © MAURO PIMENTEL/AFP
Une danseuse de l’école de samba Unidos da Tijuca à l’occasion de la première nuit du défilé du carnaval, à Rio de Janeiro (Brésil), le 20 février 2023. © MAURO PIMENTEL/AFP

Le nom serait donc ensuite resté pour désigner  la danse et la musique elles-mêmes. Pour autant, l’historien ne rejette pas non plus l’hypothèse religieuse. « Au XIXe siècle, l’ethnologue allemand Leo Frobenius identifiait une divinité nommée Samba, vénérée dans la région du delta du Niger. […] Il est donc aussi possible que les personnes se rendaient à ces événements pour lui rendre hommage. »

Réappropriation culturelle

Malgré ses origines indéniables, l’africanité de la samba n’a pourtant pas toujours été mise en valeur. « À partir de la fin du XIXe siècle et l’abolition de l’esclavage en 1888, les esclaves du Nordeste migrent vers les grandes villes du Sud, comme São Paulo et Rio de Janeiro, alors capitale du pays [Brasilia ne devient la capitale qu’en 1960]. C’est en arrivant à Rio que la samba se transforme musicalement, chorégraphiquement, en se mélangeant aux rythmes des danses de salon européennes », relate Anaïs Fléchet.

« La samba, qui était vue par les élites comme quelque chose venant des Noirs africains, et donc de barbare, va alors devenir le produit de la culture de masse brésilienne, que ce soit par l’intermédiaire du carnaval, de la radio, et, plus tard, du disque. Mais ce phénomène de nationalisation passe aussi par l’idée d’un blanchiment. On ne va pas mettre en avant uniquement le côté afro-brésilien mais le côté métissé de la musique », poursuit la chercheuse. 

Il faudra attendre les années 1960 pour que les écoles de samba, influencées par l’émergence des mouvements noirs, se réapproprient leur héritage africain. Mais entretemps, la samba, érigée par les dirigeants brésiliens comme symbole de leur pays  à l’international, trouve un écho sur sa terre natale, en Afrique. « Dans les années 1940, par exemple, la radio nationale angolaise diffusait beaucoup de samba, détaille Mauricio Barros de Castro. De nombreux Angolais anticoloniaux se sont alors rendus compte qu’eux aussi avaient besoin d’un style musical qui soit reconnu comme typiquement angolais. Ce qui était très contestataire à l’époque, puisque c’était une manière de lutter contre l’assimilation portugaise », continue le chercheur brésilien. Le plus fameux d’entre eux : le groupe N’gola Ritmos. Originellement appelé Os Sambas, le groupe œuvrera à la diffusion d’un style musical appelé… le semba. Une manière de boucler la boucle ?

Avec Jeune Afrique par Raphaël Bernard